Pensées
Comment pense-t-on ?
J’appelle tout d’abord pensée, toute activité psychique, qu’elle soit consciente ou inconsciente. Idées, représentations, imaginations, réflexions, sentiments, émotions, rêves, mais aussi non pensées ou absences, etc.
Franz Schubert, dès l’âge de 11 ans, confiait qu’il « pensait en sons ». Et Mozart nous livre ici comment il pense (entend, parle) sa composition musicale.
Ecoutez, c’est très étonnant :
« Mon cerveau s'enflamme, surtout si on ne me dérange pas. Çà pousse, je le développe de plus en plus, toujours plus clairement. L'oeuvre est alors achevée dans mon crâne, ou vraiment tout comme, même si c'est un long morceau, et je peux embrasser le tout d'un seul coup d'oeil comme un tableau ou une statue. Dans mon imagination, je n'entends pas l'oeuvre dans son écoulement, comme çà doit se succéder, mais je tiens le tout d'un bloc, pour ainsi dire. Çà, c'est un régal ! L'invention, l'élaboration, tout cela ne se fait en moi que comme un rêve magnifique et grandiose, mais quand j'arrive à super-entendre ainsi la totalité assemblée, c'est le meilleur moment. Comment se fait-il que je ne l'oublie pas comme un rêve ? C'est peut-être le plus grand bienfait dont je doive remercier le créateur. »
Et Jacques Lacan nous dit :
« Un sujet normal est essentiellement quelqu'un qui se met dans la position de ne pas prendre au sérieux la plus grande part de son discours intérieur. ».
Et :
« Je pense à ce que je suis, là où je ne pense pas penser. ».
Et Philippe Sollers nous confie :
« Nous sommes vraiment les animaux lourds et laboureurs de notre langage qui nous possède d’une façon beaucoup plus fine, beaucoup plus virevoltante, beaucoup plus explosive que nous ne nous permettons de le penser, parce que si nous nous permettons de le penser, il est très plausible que nous allons devenir fous, et il est encore plus plausible - et c’est encore pire - que nous allons découvrir le fond de débilité qui nous constitue. ».
Et Lacan dit encore : « L’inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge. »
Et c’est à ce « blanc » (ou ce trou noir) que je réfléchis. Car, en écoutant nos discours intérieurs, l'on s’aperçoit que l'on pense le plus souvent en phrases parlées, entrecoupées de moments d’absence où il ne se passe rien. Sont-ce des moments d’oubli, où l'on se serait oublié soi-même ? La débilitation dont parle Sollers n'a-t-elle pas à voir avec cela, avec le regard planté dans l’autre ; avec l’hébétude ? Ou serait-ce des états d'hypnotisme ? Ou des trous ? (psychoses)? .
Comment donc pensons-nous ? Pensons-nous en sons, en phrases ou images ? Sommes-nous visuels ou auditifs ? Notre réflexion est-elle rapide ou lente ? Sommes-nous plutôt intuitifs, ayant des idées fulgurantes, ou bien notre pensée est-elle plus concrète et plutôt terre à terre ? Et notre imagination est-elle débordante et créative, ou sommes-nous des répétitifs ? Et qu'en est-il de notre pouvoir d'évocation et de l'état de notre mémoire ?
Avons-nous déjà une pensée « réfléchie » ?
Et de même que certains rêves sont en couleur, pensons-nous en couleur ou seulement en noir et blanc ?
Et que penser de Carl Gustav Jung qui opposait pensée et sentiment, et intuition et sensation ?
Mais surtout, avons-nous une pensée personnelle, libre, ou bien répétons-nous les pensées apprises, inculquées par d'autres ?
Mais attention avant d'écrire : tournons 7 fois notre langue...
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P.-S. : L'agent AC s'étant absenté de Mediapart ces temps-ci, je compte sur lui pour nous éclairer de ses lumières, dès son retour très attendu...