J'avais un rêve de Liberté . Au lycée je travaillais plus que les autres parce que je voulais être comme Simone de Beauvoir, je voulais être comme Françoise Sagan, je voulais être comme Marguerite Yourcenar, je voulais ressembler à toutes ces femmes que la littérature française me faisait découvrir. Je me disais "moi aussi je peux être", tout était dans ce "aussi". Ce aussi était un stimulant , un facteur encourageant qui me permettait de tenir et d'avancer. Tant que ce aussi est présent dans ma tête, aucun obstacle ne pourra m'empêcher de réaliser mon rêve. Ce rêve de petite fille qui a toujours vu sa mère, ses tantes, ses cousines, ses voisines et même dans les feuilletons télévisés la femme reconnaitre que l'homme lui est supérieur. Une supériorité quasi divine à la quelle on doit soumission et obéissance.Mes nuits étaient bercées par ce rêve. Un jour je serais une Femme Libre. J'ai réussi mon baccalauréat avec mention et je me sentais pousser des ailes parce que mon rêve allait devenir réalité. Ah si je peux aller en France pour étudier dans l'une de ses universités qui m'ont fait tellement rêver. Mon cousin, un citoyen français qui a demandé ma main a dit à mon père que je pourrais continuer mes études en France, je n'avais donc pas de raison de refuser de l'épouser, toute ma famille était heureuse pour moi et même quelques copines étaient jalouses de cette chance que m'offre la vie
Je suis donc arrivée en France, mais au lieu d'arriver dans la France de mes rêves, je suis arrivée dans la France de mon mari. Mon mari est un citoyen français musulman qui se dit pratiquant mais qui ne fait jamais la prière. Il considère l'islam avant tout comme une identité qu'il faut afficher pour montrer qu'on existe. C'est pour cela il m'a demandé de porter le voile. Il m'a dit que toute femme musulmane qui se respecte doit non seulement porter des vêtements long mais aussi qu'elle doit se couvrir les cheveux, cette chose érotique qui donne envie aux hommes de me caresser les cheveux. Mon mari considère que je suis sa chose et qu'il a la droit d'empêcher les hommes de phantasme sur mes cheveux. Mes cheveux lui appartiennent, mon corps lui appartient et toute ma vie lui appartient puisque je suis sa femme . J'ai essayé de lui résister en lui disant qu'il n'a pas mon niveau puisque lui n'a même pas le baccalauréat, que moi j'ai étudiais la philosophie et la psychologie. Je lui ai même cité Freud et Sartre pour qu'il voit que je connais des choses. Mais mon mari s'en fout de Freud et de Sartre. Pour lui la seule vérité est dite dans le Coran. Mais "tu ne sais pas lire l'arabe" lui ai je dit, tu es né en France et à ma connaissance tu n'as pas appris l'arabe. Il m'a répondu que les musulmans qui ne sont pas arabes et qui ne savent pas lire l'arabe ne sont pas pour autant moins musulmans que les autres. Qu'on peut croire ce qu'on raconte . Je ne voulais pas porter le voile, moi qui rêve de liberté, mais qu'est ce que je peux faire ? je n'ai même pas un titre de séjour, et mêm quand je l'aurais ,je vais avoir besoin de mon mari pour le renouveller. En effet, les bulletins de paie, la quittance de loyer, la facture de l'eau et de l'électricité, la déclaration d'impôts sont à son nom à lui. Même le numéro d'allocataire à la Caisse des allocations Familiales, il est le sien car les allocations sont versées sur son compte bancaire . Mon mari ne veut pas que j'aie un compte bancaire, il veut être le seul à gérer l'argent du ménage. J'ai essayé de résister, je veux qu'on voit mes beaux cheveux noirs, je veux faire phantasmer des hommes , je veux sentir que je suis belle et séduisante, n'est ce pas mon droit ? Moi aussi j'ai ce droit non? Dans la France de mon mari je n'ai même plus ce droit, alors je me suis résignée et j'ai porté le voile. Je pensais que les exigences de mon mari s'arrêttaient là, je m'étais trompée. Mon mari a d'autres exigences. Mon mari veut que je me couvre les cheveux avant d'ouvrir quand on sonne à la porte, parce que il se peut que ce soit un homme qui a sonné; alors je pose toujours mon voile sur la petite table à l'entrée pour l'avoir à porter de mains. C'est la même chose quand on reçoit des invités hommes,je dois porter mon voile et ma robe longue. Je dois servir comme une épouse obéissante pour qu'on voit comment sa femme se comporte en bonne musulmane et qu'on le félicite d'avoir fait le bon choix. Dans la France de mon mari, la littérature française, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Marguerite Yourcenar et toutes ces femmes qui m'ont fait rêver,en me faisant croire que moi aussi je peux être, ne sont qu'un souvenir lointain dont les images s'effacent petit à petit au fil du temps, pour me ramener à ma triste réalité: non ce " aussi" n'est pas encore pour moi .