...Merci pour ce moment, merci pour cet amour fou, merci pour ce voyage à l'Élysée. Merci aussi pour le gouffre dans lequel tu m'as précipitée.
Ah ! non ! c'est un peu court... On pouvait dire... Oh! Dieu!... bien des choses en somme.
Bérénice, la reine répudiée par Titus, Hermione trompée par Pyrrhus, la superbe Marlène cavalièrement "jetée" par Gabin et la géniale Sophie Calle, héroïnes mythiques et de légende, femmes et créatrices, qu'ont elles dit "en variant le ton", comme dans Cyrano ?
BERENICE
Eh bien ! régnez, cruel, contentez votre gloire :
Je ne dispute plus. J’attendais, pour vous croire,
Que cette même bouche, après mille serments
D’un amour qui devait unir tous nos moments,
Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle,
M’ordonnât elle-même une absence éternelle.
Moi-même j’ai voulu vous entendre en ce lieu.
Je n’écoute plus rien, et pour jamais : adieu...
HERMIONE
Je ne t'ai point aimé, cruel ? Qu'ai-je donc fait ?
J'ai dédaigné pour toi les voeux de tous nos princes,
Je t'ai cherché moi-même au fond de tes provinces ;
J'y suis encor, malgré tes infidélités,
Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés.
Je leur ai commandé de cacher mon injure ;
J'attendais en secret le retour d'un parjure ;
J'ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu,
Tu me rapporterais un coeur qui m'était dû.
Je t'aimais inconstant ; qu'aurais-je fait fidèle ?
Et même en ce moment où ta bouche cruelle
Vient si tranquillement m'annoncer le trépas,
Ingrat, je doute encor si je ne t'aime pas.
Mais, Seigneur, s'il le faut, si le Ciel en colère
Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire,
Achevez votre hymen, j'y consens. Mais du moins
Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins.
Pour la dernière fois je vous parle peut-être :
Différez-le d'un jour ; demain vous serez maître.
Vous ne répondez point ? Perfide, je le voi,
Tu comptes les moments que tu perds avec moi !
Ton coeur, impatient de revoir ta Troyenne,
Ne souffre qu'à regret qu'un autre t'entretienne.
Tu lui parles du coeur, tu la cherches des yeux.
Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux :
Va lui jurer la foi que tu m'avais jurée,
Va profaner des Dieux la majesté sacrée.
Ces Dieux, ces justes Dieux n'auront pas oublié
Que les mêmes serments avec moi t'ont lié.
Porte aux pieds des autels ce coeur qui m'abandonne ;
Va, cours. Mais crains encor d'y trouver Hermione.
MARLENE DIETRICH
Ils se sont passionnément aimés : Marlène et Gabin ont vécu un grand amour. Mais à 43 ans, il veut des enfants, et Gabin la quitte en 1947 pour se marier avec la jeune Colette Mars.
«Tu as été un doux passage dans ma vie, tu as été un ange, et je t’en remercie, ma grande, malheureusement, même les belles choses ont une fin et je crois qu’il est préférable de ne plus se revoir», lui écrit-il. '(lettre conservée par Marlène et présentée lors d'une exposition au musée Galliéra )
Même s’il rompt d'une manière un peu désinvolte avec elle, Marlène écrira dans ses mémoires, trente ans plus tard: «Gabin était l’homme - le super-Homme, l’homme d’une vie. Il était l’idéal que recherchent toutes les femmes.»
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Sophie CALLE / PRENEZ SOIN DE VOUS
A la Biennale d'art de Venise, l'artiste Sophie Calle a transformé le pavillon français en un atelier d'écriture et d'interprétation où 107 femmes répondent à leur manière à un email de rupture qui lui était initialement adressé.
"J'ai reçu un email de rupture. Je n'ai pas su répondre. C'était comme s'il ne m'était pas destiné. Il se terminait par les mots: 'Prenez soin de vous'. J'ai pris cette recommandation au pied de la lettre. J'ai demandé à 107 femmes, choisies pour leur métier, d'interpréter la lettre sous un angle professionnel", écrit Sophie Calle dans son texte de présentation.
Le 9 juin 2006, elle passe une petite annonce dans la presse française pour recruter le commissaire qui l'aidera à monter son projet dans le pavillon français de la 52e édition de la Biennale d'art contemporain (10 juin-21 novembre).
Sur les 200 candidatures reçues, ce sera celle de l'artiste français Daniel Buren qui sera retenue. Ensemble, ils vont monter "Prenez soin de vous", travail de photos, vidéos et textes de 107 femmes autour de cet email de rupture.
cHAQUE INVIT2E UTILISE LE LANGAGE DE SA PROFESSION /
- "Non, je ne vois pas de raison de vous prescrire des antidépresseurs. Vous êtes simplement triste. Un événement douloureux, ça fait mal, mais la solution n'est pas chimique", énonce, épinglée sur un des murs du pavillon, une ordonnance à l'en-tête de l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) signée de la sexologue Catherine Solano.
Chaque "invitée" utilise le langage propre à sa profession :
- la diplomate Leila Shahid écrit sur les "violations de résolutions prises en amont" et de "décisions unilatérales"
- la juge "X" énonce "l'exécution d'un vulgaire contrat de bail" entre deux personnes,
- la joueuse d'échecs Nathalie Franc estime que "le Roi Noir s'est couché".
- La journaliste Florence Aubenas a répondu à l'artiste pour lui expliquer "pourquoi cette lettre ne sera pas publiée dans le journal (Libération): cette lettre n'a tué personne, cette lettre n'intéresse personne, cette lettre n'est pas un livre, cette lettre a fini à la poubelle".