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Billet de blog 20 novembre 2014

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La duchesse de Alba : "cette aristocratie insultante"

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Je ne résiste pas à la tentation, au plaisir, au devoir peut-être bien, de traduire ici ce texte d'un syndicaliste andalou à l'occasion de la mort de la duchesse de Alba intitulé, « Cette aristocratie insultante » et publié par Publico.es ce jeudi alors que la presse espagnole, El Pais compris, n'a pas assez d'adjectifs pour rendre hommage à cette dame (88 ans). Voici :

Cayetana Fitz-James, duchesse de Alba est morte. Une femme qui en tant que personne a droit à notre respect comme n'importe quel être humain mais qui fut la représentante la plus connue de cette classe de « señoritos andaluces » (petits messieurs andalous) qui ont maintenu dans la misère et le sous-développement chroniques notre terre. Une élite sociale qui est directement responsable du chômage massif en milieu rural et de l'extrême pauvreté dont nous avons souffert pendant des siècles. Une classe privilégiée qui ordinairement vit à Madrid, qui accapare plus de la moitié des terres cultivables d'Andalousie, qui reçoit de ce fait des subventions européennes, qui ne crée pas d'emplois pour « ses gens » et est responsable de l'émigration et de la désertification de la campagne andalouse.

Parmi les dizaines des plus attristantes mesures prises par le gouvernement du PSOE (parti socialiste) au sein de la « Junta » (andalouse), celle qui remporte la palme est sans le moindre doute l'attribution du titre de « Fille de prédilection d'Andalousie » à la duchesse de Alba. Cayetana a toujours, jusqu'à nos jours, représenté la perpétuation de la société féodale en Andalousie. Et il n'y a pas de plus grande humiliation pour un peuple de la part du gouvernement que de rendre hommage à son bourreau.

Le jour où lui fut attribué cet honneur nous étions, nous, dehors, dans la rue afin qu'il fut bien clair que ceux qui méritent des honneurs, ce sont les milliers de journalières et les journaliers qui pendant toute leur vie se sont brûlés sous le soleil et ont arrosé chaque pouce de terre de leur sueur. Pendant ce temps Cayetana et ses semblables profitaient de tous les privilèges possibles. Les nôtres, cependant, mendiaient et continuent de mendier à la porte des superbes demeures seigneuriales, quelques heures de travail pour de ne pas avoir trop faim.

Gloire et honneur pour les riches, pour les nobles au sang bleu. Mépris et répression pour les pauvres, pour ceux qui n'en pouvant plus de tant d'injustice, descendent dans la rue pour la combattre, s'en vont occuper des banques pour bien montrer où se trouvent les voleurs en gants blancs, vont occuper des fermes à l'abandon pour bien montrer qu'alors que la duchesse de Alba reçoit trois millions d'euros par an pour la simple raison qu'elle est propriétaire de 34 000 hectares de terre, les « journaliers » touchent ces 213 euros par mois qui scandalisent tant les privilégiés d'Andalousie et d'ailleurs.

Ou alors ils vont « exproprier » des nourritures de première nécessité dans les grandes surfaces pour bien mettre en évidence qu'alors que nous sommes médaille d'or en malnutrition des enfants, les multinationales accumulent sur leurs étagères des nourritures de qualité en quantités extraordinaires.

La duchesse a pu préserver et augmenter sa fortune sur le dos des journalières et des immigrés sans papiers grâce à des lois qui la favorisent et qui nous oppriment. Les arrestations et la répression sont notre lot à nous, les journaliers et les militants du Syndicat Andalou de Travailleurs : près d'un million d'euros d'amendes, des réquisitoires qui dépassent les 140 années de prison, 654 syndicalistes inculpés et tout cela sans qu'on puisse en voir la fin.

A l'aube du XXIe siècle l'Andalousie continue d'admirer ses exploiteurs ou, pour le moins, c'est ce que font ses gouvernements, ses lois et la plus grande partie des moyens de communication, la preuve en est cette chapelle ardente de la duchesse installée dans le salon le plus prestigieux de la mairie de Séville.

Je souhaite que Cayetana soit la dernière « cheftaine » de la maison de Alba et je souhaite que cette famille, ses entreprises et toutes les grandes fortunes soient au service des peuples et non au service de la dilapidation et de la jouissance de quelques-uns.

Au XXIe siècle, les duchesses, les marquises et les comtes sont une insulte pour les citoyens mais plus encore pour les personnes qui se trouvent juste à l'autre extrémité de l'échelle sociale, comme c'est le cas des journalières et des journaliers d'Andalousie.

Diego Cañamero

sindicalista del SAT y activista

Je n'ajoute pas ici de photo de la délicieuse duchesse qui, figurez-vous, se disait jadis « felipista », « supportrice » de Felipe Gonzalez, président socialiste du gouvernement de 1982 à 1996. On la trouvera sans difficultés dans n'importe quelle feuille des deux côtés des Pyrénées. 

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