Au Vietnam, il ne faut pas écrire n’importe quoi sur internet. Par « n’importe quoi », il faut entendre les opinions de chacun, les informations sur tel ou tel problème, en particulier celles qui touchent la corruption, les abus de pouvoir, la misère des paysans abusivement dépossédés de leurs terres, la souveraineté nationale (surtout ne pas critiquer les incursions souvent brutale de la Chine dans les eaux contestées), les problèmes économiques, les affaires publiques, les réformes démocratiques, la liberté, les textes juridiques… Bref, il vaut mieux se taire, sauf à vouloir flatter le régime en place et le Parti unique qui a le monopole du pouvoir et de la pensée de par la Constitution même. Mais comme il y a peu de Vietnamiens qui veulent le faire, les autorités vietnamiennes ont dû payer des blogueurs pour faire leur publicité sur le Web.
Ceux qui veulent penser, écrire voire chanter librement sur internet risquent les harcèlements policiers, les menaces contre eux-mêmes mais aussi leur famille et leurs amis, les mauvais traitements, y compris les agressions sexuelles, et finalement la détention, en prison ou camp de travail, ou encore en institution psychiatrique (2). Les procès, qui sont devenus de vastes spectacles sans spectateurs (ils se tiennent à huis-clos), sont systématiquement iniques, sans respect du droit de la défense, avec des avocats qui ne peuvent pas ou ne veulent pas (quand ils sont désignés par les autorités) défendre leurs clients.
C’est ce que l’on apprend dans le dernier rapport du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme et de la FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme), « Blogueurs et cyberdissidents derrière les barreaux : Mainmise de l’État sur Internet » (1), rendu public aujourd’hui.
A la lecture de ce rapport on comprend que la répression n’est pas le fait de quelques policiers ou fonctionnaires trop zélés, que ce ne sont pas des bavures. La répression est décidée et organisée dans les plus hautes sphères du pouvoir avec un Premier ministre qui déclare la guerre aux blogs, un Parti unique qui réitère à chaque occasion son devoir de traquer l’expression des opinions divergentes (et le devoir de chacun de faire la propagande du régime !), des législateurs qui concoctent des lois délibérément vagues pour pouvoir appréhender tous les comportements et permettre tous les arbitraires, des juges qui tranchent selon le bon-vouloir du gouvernement…
Et pourtant les Vietnamiens continuent de parler, d’échanger et de publier sur internet. La chape de plomb est très lourde, mais elle n’est pas insurmontable. Avec l’aide de l’opinion internationale, les choses peuvent changer. La semaine dernière, le Vietnam libérait avant terme Le Cong Dinh, un célèbre avocat des droits de l’Homme. C’est le plus médiatique d’un groupe d’activistes condamnés en 2010. La pression internationale à son endroit a été importante, mais elle a oublié ses co-condamnés, qui restent en prison : Tran Huynh Duy Thuc (16 ans de prison) et Nguyen Tien Trung (7 ans de prison, ingénieur diplômé de l’Institut national des sciences appliquées de Rennes).
C’est pourquoi, pour faire avancer la liberté d’expression au Vietnam (ce que demande l’ensemble des Vietnamiens), le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme et la FIDH ont lancé, parallèlement à leur rapport, une campagne intitulée « Nous sommes tous des blogueurs vietnamiens » et j’invite toutes les personnes de bonne volonté à y participer :
- En marquant son soutien sur la page Thunderclap de la campagne (cliquer sur « SUPPORT ON TWITTER » si vous avez un compte Twitter et/ou sur « SUPPORT ON FACEBOOK » si vous avez un compte Facebook)
- En mettant sur votre site, page Facebook ou blog l’image de la campagne qui reproduit un texte du blogueur Dieu Cay condamné à 12 ans d'emprisonnement l'an dernier)

- En envoyant, le 19 février prochain un tweet de soutien avec les informations suivante : #freeVNbloggers http://www.queme.net/bloggers-2013
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(1) Le rapport est en anglais, mais la version française ne saurait tarder, on pourra le trouver ici
(2) Voir mon précédent billet « Le blogueur vietnamien Le Anh Hung arrêté et interné en institution psychiatrique »