
Sorti en octobre 2011, cet essai de 80 pages est d'une édifiante clarté. Tiré de la malheureuse expérience que vivent aujourd'hui les néerlandais avec l'apparition du parti de la liberté, - comme notre front national français, qui n'est pas un parti comme les autres, il est toujours utile de le rappeler. L'essayiste et humaniste Rob Riemen ravive la mémoire et l'indignation du citoyen que l'on espère démocrate. Cet ouvrage est d'une étonnante pédagogie et à la portée de tous.
Il est des rappels nécessaires. Il est des amalgames utiles à nos consciences parfois devenues totalement inconscientes. C’est écrit en 80 pages. Un petit livre très facile à lire, qui tient dans une poche de manteau, à trimballer partout avec soi. Il suffit d’une heure pour les plus rapides et peut-être de deux pour les plus laborieux. On le pose, on y revient, on en cherche les arguments lorsque la mémoire sélectionne les bons mots. Son titre est un rappel, une alerte, une réflexion nécessaire en ces temps de crises multiples et si difficiles à décrypter.
« L’éternel retour du Fascisme » nous interpelle. Son auteur, Rob Riemen est néerlandais et fondateur et président de l’institut Nexus, qui est un centre international où l’on étudie par le débat philosophique et culturel, les valeurs morales, l’humanisme ou encore la sagesse.
En seulement 80 pages il décrit le mécanisme de cet éternel retour. Il a observé la transformation dans notre société - que l'on qualifie de moderne - d’un mouvement que les plus insouciants auraient put croire disparu dans les tréfonds de l’histoire. Cette idée nauséabonde dont le seul souci reste le pouvoir, pour le pouvoir sur tout, pour tout et partout et surtout contre le Peuple. Rob Riemen possède la culture littéraire nécessaire, pour nous rappeler pourquoi certains auteurs disparus aujourd’hui ont déjà fait cette alerte à l’histoire. Par exemple, si la métaphore de la peste d’Albert Camus n’a pas été comprise par un lecteur, Rob Riemen nous rappelle cette saine lecture. Il nous incite à replonger dans l’essai « l’homme révolté » également écrit par l’écrivain philosophe.
Non, la bête immonde, n’est pas morte. Matin brun, existe toujours ! « Le bacille du fascisme sera toujours présent au sein de la démocratie de masse. Nier le fait ou attribuer un autre nom ne nous rendra pas résistants à ce mal, bien au contraire » argumente Rob Riemen. Par cet ouvrage l’oubli involontaire que tous les démocrates contemporains ont distillé dans la conscience collective, nous revient en pleine figure. Comme une gifle pour sortir de l’insouciance créée par nos conforts engourdissant. « L’homme du peuple a été abandonné par l’enseignement qui a renoncé à transmettre l’art, les humanités, les nourritures de l’esprit qui permettent à l’individu de développer sa personnalité. L’enseignement a renoncé à sa mission pour se plier aux diktats des entreprises et de l’Etat. » Insiste Rob Riemen.Se délecter chaque jour d'informations triées dans les faits divers. S'amuser systématiquement du discours politique en le dénigrant, en le vulgarisant à l'excès participe du "tous pourris".
Ainsi nos politiques occidentales basées sur les peurs les plus basiques, sur les besoins les plus primaires, que nous avons parfois inventés tellement notre opulence nous aveugle, ces politiques ont fait le lit des populismes les plus émotionnels et les plus rétrogrades. La consommation serait-elle la seule valeur de référence ? Le confort, ou le manque de confort que cette consommation nous procure doit être la seule mesure de notre richesse ou de notre pauvreté ? Que l’on surnomme les phénomènes qui y sont associés, de réactionnaires ou d’extrêmes droites, ils ne révèlent en fait qu’une sémantique qui n’ose pas, qui ne parvient plus à utiliser le terme de fascisme. Non, les extrêmes droites d’aujourd’hui n’ont rien de démocrates. Oui, elles sont fascistes. Oui, ce sont les portes ouvertes sur un monde que l’on espérait disparu et oui les démocrates qui jouent de la peur comme refuge de leur pauvreté argumentaire servent de marche-pieds aux fachos les plus minables. « De nos jours » rappelle Rob Riemen, « l’idée de liberté se résume à ceci : tout est permis, vivons nos désirs, nos envies sans restriction. Une telle conception de liberté ne peut que déboucher sur la violence ».
En lisant cet ouvrage, chaque individu peut prendre conscience du réel danger et de la fragilité qui menace notre société. Dès lors, il appartiendra à chacun de faire ou non œuvre de pédagogie dans son entourage. Si un jour notre avenir devient cauchemar, l’oubli et le nihilisme en auront été le crime.
L’éternel retour du fascisme, par Rob Riemen, traduit par Mireille Cohendy du néerlandais au français aux éditions Nil. Prix, 9,50 euros.