Avec Christian Estrosi, il ne faut avoir peur ni de la frustration ni du ridicule : malgré l'article de Mediapart du 27 juillet, mon billet de blog du 22 juillet et les nombreux tweets et autres interpellations qu'il a dû recevoir sur l'affaire de l'Association des Amis de Nicolas Sarkozy, l'ancien sportif a préféré ces derniers jours se vautrer dans une célébration narcissico-nostalgique du sport niçois plutôt que de répondre aux interrogations légitimes suscitées par son initiative épistolaire.
Claude Bartolone, le président de l'Assemblée Nationale, a été saisi de l'affaire ; les vérifications sont en cours. Mais on aurait souhaité que le principal intéressé s'explique, justifie cette utilisation possiblement frauduleuse des deniers publics aux fins de promouvoir son amicale sarkozyste. C'est le moins que les citoyens méritent : une explication.
Estrosi, envoyé spécial aux JO
Au lieu de ça, M. Estrosi choisit la diversion grossière : une avalanche de tweets sur son compte twitter pour commenter les performances des nageurs niçois où souvent la mièvrerie cotoie la mégalomanie : “Quel bonheur de recevoir le bouquet de fleurs que Camille #MUFFAT m'a lancé, à travers moi c'est à tous les Niçois qu'elle l'offre ! #Nice06” (31/07/2012, 12h34).
L'enthousiasme olympique de notre associatif préféré s'est aussi exprimé dans plusieurs articles de Nice-Matin, et notamment dans un encart publicitaire aux frais des contribuables niçois, tout en retenue et en humilité : “Bravo & merci (…) Nice est devenue la Capitale Olympique de la natation ! (…) Nice a sa Promenade des Anglais ; le monde se rappelera longtemps de la Promenade des Niçois à Londres !”
Pour l'anecdote comique, le lendemain, M. Ciotti, président UMP du Conseil Général des Alpes-Maritimes, qui serait en froid avec M. Estrosi, s'est empressé de publier un encart publicitaire, aux frais des contribuables maralpins, pour féliciter à son tour les nageurs médaillés (2e fichier attaché). Une course à la récupération politique des performances olympiques de jeunes gens qui n'ont pas mérité une telle instrumentalisation... en espérant que cette effervescence nauséabonde qui les entoure en ce moment ne les empêche pas de rester clairvoyants et modestes.
Par ailleurs, à la lecture des nombreux articles consacrés à la saga 'Christian Estrosi aux JO' de ces derniers jours, on apprend que les résultats des nageurs niçois pourrait accélérer le projet de construction d'un futur bassin de 50 mètres à Nice dans la Plaine du Var : “Les nageurs niçois le valent bien, eux qui collectionnent les médailles d'or olympiques !” loréalise Nice-Matin. “Nous avons une super-élite avec des infrastructures qui, elles, ne sont pas super.” : euh... les superzélites qui ont remporté les médailles, elles n'ont pas eu besoin d'un super bassin pour exceller dans leur discipline. Pourquoi donc construire une nouvelle piscine si les équipements actuels ont permis une telle moisson ? Et pourquoi plus d'équipements sportifs seraient forcément gage de médailles ?
En suivant cette logique, l'OGC Nice devrait bientôt remporter la Champion's League grâce à son tout nouveau stade.
Nice-Matin, envoyé spécial en Estrosie
En revanche, une sobriété de moyens journalistiques n'est définitivement pas souhaitable. Un peu naïvement, j'attendais que la révélation du courrier de Christian Estrosi soit reprise par Nice-Matin, l'unique quotidien local payant dont j'espère toujours un sursaut critique et déontologique : que nenni ! Le “Figaro local” n'en a pipé mot. Ce mutisme journalistique est coupable : Nice-Matin n'informe pas, donc il désinforme, donc il ne joue pas son rôle de contre-pouvoir démocratique. A quoi sert Nice-Matin ?
Bien entendu, sa ligne éditoriale s'explique très certainement, en partie, par la nature de son financement : ses deux principaux annonceurs ne sont autres que le Conseil Général (le département) des Alpes-Maritimes et la ville de Nice !
Christian Estrosi reste muet comme une carpe, Nice-Matin applaudit aux exploits aquatiques des niçois... et Claude Bartolone, va-t-il donner à cette affaire l'ampleur qu'elle mérite ?
Vite, il y a urgence à ne pas noyer le poisson !