salomis (avatar)

salomis

Abonné·e de Mediapart

117 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 janvier 2014

salomis (avatar)

salomis

Abonné·e de Mediapart

LETTRE OUVERTE À CHRISTIANE TAUBIRA

salomis (avatar)

salomis

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Abdenour DZANOUNI

« Il faudra bien que le soleil que je transhume éclaire les moindres recoins... Celui qui cherchera dans mes yeux autre chose qu’une interrogation perpétuelle devra perdre la vue... » Frantz FANON 

Madame la garde des sceaux et ministre de la justice, votre tribune ce mois de janvier dans le « Huffington Post » devrait être mise au programme des collèges et lycées de France  tant elle est émouvante. Dans certains coins de la planète, les familles de défunts sollicitent des pleureuses professionnelles et louent leurs talents, pour exprimer leur tristesse et leur désespoir, lors de la veillée funèbre et des funérailles. Vous, vous le faites de votre propre élan.Ce faisant, vous avez réveillé en moi un souvenir de la petite enfance,  à Ghardaïa dans le Sahara, où j’ai vu fasciné des femmes juives  se lamentant et poussant des cris déchirants derrière  un chameau portant un catafalque. Le défunt était un médecin  juif qui s’était suicidé la veille car sa femme l’avait quitté pour un capitaine de l’armée. Vous serez parfaite dans ce rôle si en plus vous vous griffiez le visage de bas en haut.

En vrai, vous avez réussi à m’arracher la larme sur des morts, disparus voilà soixante-dix ans, moi qui n’ait pas pu pleurer mon père disparu l’année dernière. Vous avez du talent et je trouve dommage que vous le gaspilliez dans la politique. Vous m’avez aussi rappelé l’histoire de ce juif éploré qui suivait le riche corbillard du défunt Rockefeller. Il pleurait à chaudes larmes. Son voisin impressionné par les lamentations vives et par un si grand chagrin, lui demande : « Est-ce que le défunt est de votre famille ? » A cela, l’homme répond,  entre deux sanglots : « Justement non, et c’est pour ça que je pleure ! »

Vous êtes autorisé à rire, madame la garde des sceaux, c’est de l’humour juif, labélisé "casher". À ce propos, vous êtes-vous un jour demandée pourquoi l’humour juif est si drôle ?  Non, vous êtes-vous un jour interrogée d’où vient le trait d’humour chez l’homme ? Dans quelle forge, dans quelle sombre grotte, sous quel terrible orage, le trait d’humour est-il né ?

Depuis le jour où l’homme apprivoisa le feu et dompta sa peur, son rire vola en éclats le libérant de ce qui le terrifiait et le pétrifiait  jusque là. Le rire devait depuis ce jour être comme le youyou, cri de guerre et cri de joie, accompagnant l’homme à la bataille comme à la fête !

Tous ceux qui ont vécu l’effroi de la guerre ou la répression des dictatures, vous le confirmeront : jamais ils n’ont entendu autant d’histoires drôles, ni ont autant rit qu’au cours de ces sombres nuits où braver le couvre-feu valait la mort sans sommation où on ne manquait pas de dire sa prière ou sa profession de foi avant de dormir car la mort  pouvait rafler dans le sommeil toute la maisonnée. Tous feux éteints, rassemblés dans la case, dans la baraque ou dans le gourbi, les histoires filaient et dans leur sillage se déroulait le rire  des enfants et  des vieillards.

Quand j’imagine les camps de concentration, je vois au fond d’une baraque, un musicien, sans violon,  jouer un air  tzigane entre les dents. Il me plait alors à songer à Robert Desnos,  s’épouillant, écrasant les poux entre les ongles de ses pouces et  égrenant sa poésie comme dans un rêve éveillé. Sur le seuil de la baraque un enfant, assis, frissonne et soudain s’esclaffe à la vue du capo glissant sur le verglas. Et puis, il y a tous les otages à fusiller qui vont à la mort en chantant. Ils auraient rit à gorge déployée s’ils avaient su qu’un jour le rire serait interdit en France.

Il me plait à songer que dans les sinistres geôles de Cayenne ou sur l’Île de Gorée,  qu’au fond des calles des navires négriers ballotés sur l’Océan Atlantique, il se trouvait un M’bala M’bala pour distraire les galériens de leurs chaînes, de leur folle inquiétude et de leur incurable chagrin. N’est-ce pas aussi dans ces voyages irréversibles que le blues est né pour accompagner hommes et femmes déchus de leur humanité vers l’enfer des plantations de cannes et de coton?

Là,  le blues a soigné les blessures infligées à l’âme par l’humiliation quotidienne et entretenu la mémoire vive des chroniques de l’esclavage. Face à ce système,  le blues et le rire ont forgé la résistance, ont irrigué les luttes de libération et ont célébré les victoires arrachées à la gueule du caïman. Et si  les femmes comme les hommes, ne pouvait retenir leurs larmes, ils les cachaient.

Curieusement,  je ne voix pas pleurer les esclaves, fouettés au nerf de bœuf, sur les plantations de cannes ou de coton, mais serrer les dents. Le bourreau d’Alger témoigne,  lui qui a coupé des centaines de têtes de militants condamnés à mort, sous Guy Mollet et François Mitterrand,  qu’ aucun d’eux ne s’est plaint face à la mort ni  n’a exprimé de regrets au pied de la guillotine. Aucun !  mais tous ont chanté l’hymne à la gloire de l’Algérie libre et indépendante. Ils étaient accompagnés à l’aube  par les youyou des femmes de la Casbah comme s’ils allaient à leurs noces. Les martyrs ne sont pas pleurés mais célébrés.

Vous dites que vous êtes triste, infiniment triste, et  l’œil sec,  vous pleurez sur des victimes d’un crime commis il y a de cela soixante-dix ans. Dis sans malice,  vous vous transformez aussitôt sous mes yeux effarés,  en asticot salivant et se trémoussant, dans une danse orientale endiablée, devant le cadavre froid de la Shoah.

Vous accusez sans vergogne  Dieudonné M'bala M'bala de raciste alors que, députée PRG de Guyane, vous avez depuis 2005  mené en Guyane une campagne xénophobe à rendre verte de jalousie Marine le Pen. Vous avez déclaré en 2005 (L'Express, 1er décembre 2005) puis récidivez en 2007 (MFI Hebdo, 20 avril 2007): "Nous les guyanais, nous sommes devenus minoritaires. Nous sommes à un tournant identitaire. Les Guyanais de souche sont devenus minoritaires sur leur propre terre. » Depuis quand avez-vous pris  souche en Guyane, madame Christiane Taubira et que la Guyane est votre propre terre?  Vous êtes issue de vagues migratoires, comprenant les esclaves et les forçats déportés principalement d’Afrique. Les guyanais de souche sont indiens à l’origine. Par quel tour de passe-passe vous renversez la donne pour faire des indiens d’Amérique des envahisseurs qui menaceraient « l’identité guyanaise. » Ce faisant vous reproduisez à votre compte le schéma raciste de l’ancien colonisateur et, toute honte bue,  tenez en Guyane les mêmes propos que Marine le Pen en France. Et comme elle, puisqu’il faut les jeter à la  mer, vous considèrez, en 2006 que « le nombre des immigrés clandestins expulsés de Guyane (7 500 sur 50 000) est dérisoire. » (Publié le 10 mai 2006 sur le siteINFO-Antilles).

"Faut-il , dites-vous à propos de Dieudonné, que son talent soit stérile pour qu'il n'ait d'autres motifs pour faire s'esclaffer des esprits irresponsables ou incultes ou pervers, qu'une tragédie, un génocide… " et de pleurnicher ! Allons donc, vous jugez du talent de Dieudonné M'bala M'bala quand vous n’en avez  pas un échantillon sur vous. Vous qualifiez les spectateurs de Dieudonné"... d’esprits irresponsables, incultes ou pervers." De quel droit m’insulter-vous madame ? Croyez-vous que votre costume de ministre, vous donne le droit de vous conduire en voyou ?

Si vous n’appréciez pas l’humour de Dieudonné, vous comme votre collègue Manuel Carlos Valls, personne ne vous force à aller au théâtre de la main d'or.  Il parait que François hollande a de l’humour, aller faire la claque à l'Elysée. Vous ai-je empêché de faire le larbin, de passer d'un parti à un autre, à vous perdre dans les sigles, peu me chaud quand vous sauterez du train la prochaine fois. Chacun fait ce qu'il veut de ce qui lui appartient en propre. Mais personne, en France, n'a le droit de livrer un citoyen français à Israël ou à l'Arabie Saoudite, sous pretexte que son humour ne leur plait pas. Vendez votre âme si vous voulez, mais laissez-nous M'bala M'bala, ce don du ciel!

Votre imposture n’est pas seulement dans les pleurs hypocrites sur la Shoah mais dans l’injure faite à Aimé Césaire, en le citant  abusivement et à contre sens. Les calomnies sont, elles, dans les injures  faites impunément à Dieudonné M’bala M’bala, en le traitant, entre autres diffamations répugnantes,  « d’assassin de l’aube ». C'est juste de la folie furieuse.

Pour votre culture, "le discours du colonialisme" a une portée plus générale et profonde que la phrase étriquée que vous avez citée à l’emporte-pièce. Césaire disait  dans son discours: « Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » Vous y êtes? Ne bougez plus !

La «République des  larbins », nous y voilà donc! Et vous, contremaître du pouvoir, issue de la parité, vous sévissez pour montrer au maître combien vous lui ressemblez. Avez-vous lu  « Peau noire et masque blanc » de Frantz Fanon ? Lisez-le, madame la ministre de la justice, Frantz Fanon est noir mais c'est un bon psychiatre!

AD

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.