Vu ce soir au Forum des Images l'excellent film de Marcel Trillat sur la vie des travailleurs étrangers en France : Des étrangers dans la ville. Ce film drôle, pédagogique, sans colère apparente, rétablit d'autant plus efficacement quelques vérités : noté en vrac. L'accueil légal des étrangers en France : 0,33% de la population française! On est derrière la Tchéquie pour l'accueil des migrants. Il y a en France 400 000 sans papiers : CHIFFRE STABLE DEPUIS 30 ANS!!
Ils ont à l'origine, pour 90 % d'entre eux, entrés régulièrement sur le territoire. Et dans le monde,12 millions de réfugiés : le chiffre étonne tant on imagine une émigration plus massive. Les demandeurs d'asile en France n'ont pas le droit de travailler pendant l'instruction de leur demande, et on leur alloue gracieusement 300 euros par mois (de quoi ne pas crever de faim mais pas de quoi dormir). Un sans papier salarié sur dix est régularisé : on leur demande de produire un contrat de travail mais les patrons refusent de leur en signer. Ils préfèrent employer des travailleurs en situation irrégulière sous des noms d'emprunt, dont ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Magnifiques portraits d'étrangers en transit dans le film, mais aussi des militants CGT, comme Raymond Chauveau (je ne me souviens pas du nom de l'autre camarade, malheureusement), de vrais guerriers, protégeant les actions collectives des sans papiers réclamant des contrats de travail à leurs employeurs par des occupations, seule possibilité d'en obtenir : je les ai vus à l'œuvre au 50 bd de Strasbourg (L'onglerie) : ils sont d'une incroyable efficacité et d'une détermination admirable! Le film nous fait voir ce qu'est le scandale des "rétentions administratives" : où l'on maintient en prison des gens qui n'ont commis AUCUN DELIT. Quant à l'obtention de la fameuse carte de séjour d'un an : il faut demander son renouvellement cinq mois avant (nos démarches administratives habituelles, déjà kafkaïennes, mais multipliées par dix) et ça coûte 550 euros!! On a honte en voyant ça de vivre dans un pays où l'on vole ainsi les plus démunis des pauvres. Marcel Trillat a eu des sanglots dans la voix en dédiant la projection aux noyés de la Méditerranée. Nous sommes tous des étrangers venus de plus ou moins loin, tous déracinés, comme je le montre à la fin de mon livre, et ce film peut aider le plus grand nombre à le comprendre. Il passera sur France 2 : je le signalerai. Une oeuvre d'artiste et un véritable acte politique.
Du même producteur (Rouge production), Tête haute : huit mois de bagarre, un beau film de Yves Gaonac'h (montage et musique étonnants), sur la victoire exaltante des ouvriers des Fonderies du Poitou, en grève pendant huit mois, et qui ont obtenu la reprise de leur entreprise sans perte de salaires en faisant plier Renault, leur donneur d'ordres. Là encore : des hommes remarquables, d'une intelligence aigue, forts, déterminés, qui ont toute mon admiration, montrant à l'oeuvre la "capacité ouvrière", dont on ne parle jamais nulle part. Le film est passé sur France 2 la semaine dernière : je l'ai vu en DVD, il est sûrement possible de l'acheter.