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Billet de blog 19 octobre 2014

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Le mensonge d'Aymeric Caron

Je regarde l'extrait de l'émission ONPC d'hier soir en podcast : l'agressivité d'Aymeric Caron (et de Léa Salamé) à l'égard de Jean-Luc Mélenchon est incroyable  (je sais, il est payé pour ça mais à ce point!) La perversion de ce spectacle est telle que de faux indignés (Caron, Léa Salamé etc.) sous prétexte de rétablir la "vérité" parviennent à imposer de purs mensonges. A. Caron réussit ainsi (presque) à faire croire que J.-L. Mélenchon truque les chiffres de la retraite pour taper gratuitement sur Hollande, alors qu'il dit seulement... la vérité.

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Je regarde l'extrait de l'émission ONPC d'hier soir en podcast : l'agressivité d'Aymeric Caron (et de Léa Salamé) à l'égard de Jean-Luc Mélenchon est incroyable  (je sais, il est payé pour ça mais à ce point!) La perversion de ce spectacle est telle que de faux indignés (Caron, Léa Salamé etc.) sous prétexte de rétablir la "vérité" parviennent à imposer de purs mensonges. A. Caron réussit ainsi (presque) à faire croire que J.-L. Mélenchon truque les chiffres de la retraite pour taper gratuitement sur Hollande, alors qu'il dit seulement... la vérité.

 A savoir que l'âge moyen d'entrée en activité étant de 23 ans, et que les années de travail effectif demandés pour une retraite à taux plein ayant été portés à 43 à l'automne 2013 pour les cotisants nés après 1973, la conséquence est qu' en effet, la majorité des cotisants nés après 1973 devront prendre leur retraite à 66 ans pour en bénéficier à taux plein. C'est bien le gouvernement socialiste, sous la présidence de François Hollande, qui a fait voter au Parlement l'ajout d'un an et demi d'annuités requises pour la retraite à taux plein. Où est donc le mensonge dont Caron accuse Mélenchon?

Contrairement à la réputation que les journalistes lui font, non seulement le leader du Front de Gauche n'a pas réagi de manière agressive, mais a botté en touche, comptant sans doute sur le fait que les salariés ayant fait leurs comptes, il n'avait pas besoin d'en rajouter. Il s'est même étrangement justifié quant aux attaques de la présidence Hollande dans son livre, en expliquant qu'elles servaient en quelque sorte d'appât spectaculaire pour que les journalistes s'intéressent à un ouvrage par ailleurs destiné à élever le débat et à ouvrir des réflexions de long terme sur les priorités politiques.

Erange piège que ces surenchères spectaculaires qui transforment en caricatures d'eux-mêmes ceux qui acceptent d'entrer dans la cage aux lions. Sans doute la première phrase du livre de Jean-Luc Mélenchon est-elle, disons, hyperbolique : "Depuis un siècle, en France, aucun reniement à gauche n'égale celui de François Hollande en deux ans et demi". Si l'attaque de  A. Caron avait porté sur cette phrase, sans doute eût-elle, peut-être, justifié une réponse en défense. Mais très significativement, tel n'a pas été le cas.

Du coup, se trouvent démasquées les véritables intentions d'Aymeric Caron : non pas certes de "rétablir la vérité" contre les exagérations polémiques d'un dirigeant politique de premier plan, mais de faire lui-même de la politique sous couvert de neutralité intellectuelle. L'objectif réel d'Aymeric Caron est clairement de défendre, contre toute critique de gauche, la politique libérale du gouvernement.

A travers cet épisode apparemment insignifiant, se trouve révélée la nature du spectacle duquel on se retrouve complice en le regardant (heureusement cela ne m'arrive pas souvent, et seulement en podcast) : la mise en scène de fausses indignations journalistiques établissant de soi-disant "vérités" falsifiées est un simulacre de débat démocratique. Ce simulacre ne serait rien, si les institutions politiques ne privaient par ailleurs les citoyens que nous sommes de toute souveraineté sur la gouvernance. Nous avons majoritairement élu un gouvernement de gauche et nous sommes majoritairement des salariés : à rebours des promesses faites, ce gouvernement gouverne au profit d'une minorité, contre l'intérêt général, celui de cette majorité sociologique que sont les salariés, en rognant les acquis sociaux durement arrachés depuis un siècle et en offrant des millions aux actionnaires sans contrepartie sociale, dans un contexte où les inégalités sociales sont revenues à un niveau supérieur à celui des années 20 (cf. http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/151014/contre-courant-le-debat-badiou-piketty). Mais tout ce que la télévision publique trouve à faire, c'est de payer un Aymeric Caron (avec nos impôts) pour délégitimer de manière odieuse et perverse la parole d'un dirigeant politique venu seulement énoncer un fait avéré.

Le terrible sentiment qui ressort de tout cela est que s'orchestre sous nos yeux éberlués et impuissants un simulacre de démocratie. On s'étonnera ensuite que les électeurs se détournent des urnes, et que le pays de l'égalité des droits soit, par pur dégoût et par fatigue, à deux doigts de porter au pouvoir un domestique crapuleux des oligarchies ou une marchande de quatre saisons recyclant le vieux fond de commerce fasciste. Qui osera dire qu'une "révolution citoyenne" n'est pas l'urgente nécessité et qu'il n'est pas temps de passer à la VIème République?

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