Résonance médiatique, obsèques nationales, émoi populaire palpable à Fort-de-France, et sur toutes les rives marquées par la plaie immonde de l'esclavagisme, la disparition d'Aimé Césaire a des accents immémoriaux, hugoliens, qu'atténue à peine la « distance » de l'outre-mer.
Des accents inouïs, au sens propre du terme : de souvenir de poète, de souvenir tout court, on peine à ouïr, à trouver comparatif qui vaille.
Dans la métropole, on jugerait plutôt de la prégnance desdits poètes à leur aptitude à intégrer les volumes de la Pléiade de leur vivant. Quant à la célébration de la société dans son ensemble... Non, il y a du Hugo dans cet hommage unanime, teinté d'un zeste de Lamartine pour la vocation d'homme politique (fût-elle pour ce dernier vite vouée à la pure contemplation).
Il y a surtout dans cette disparition que nous commentons beaucoup de romantisme et - on l'aura compris aux quelques noms prestigieux qui précèdent - du grand romantisme. Celui qui n'a plus guère droit de cité, depuis belle lurette, ni dans l'intelligentsia, ni ailleurs dans la société française. Celui qui est fait d'allant : du maître mot du romantisme - « aller » -, décliné sous tous les modes verbaux : allez, allons ! Du solitaire, il n'a que les grands airs que l'on veut bien lui prêter, ce romantique là, tout au qui-vive de son compagnonnage.
Bien sûr, ce n'est peut-être là de ma part que sensation, vision fugace de l'aujourd'hui. Ce romantisme n'est sans doute que sous-jacent, brassé, distancié par l'actualité, voire ourdi par un aujourd'hui en mal de passé, bien sûr on ne peut guère s'aviser de son allant, de son aloi à ce romantisme.
Mais c'est bien cela pourtant, me semble-t-il, cette traversée non mortelle de l'histoire, ce mouvement entre les êtres, presque insensible, inexprimé en tant que tel, qui a affleuré ces jours-ci, effleurant les lèvres, sitôt refermées, après la mort du poète Aimé Césaire.