Est-on en train d'attendre de savoir qui a perpétré l'acte de Berre-l'Étang pour y mettre des mots ?
Il y a un mois, un certain Yacine Sali tue puis décapite le patron de l'entreprise où il travaille et avec qui il est en conflit. Dans un geste suicidaire, il jette ensuite son véhicule contre des bouteilles de gaz d'une société cliente de la sienne. Les actes commis par des malades mentaux s'organisent évidemment selon des scénarios influencés par la culture. Dans son délire, le paranoïaque peut se croire victime d'espions ou d'ennemis tel qu'il peut les voir dans des séries télévisées. Rien d'étonnant à cela. Qu'un type (chez qui on retrouva seulement "un couteau") assassine son employeur avec une mise en scène copiée sur les crimes de Daech aurait dû figurer dans les faits divers. Au lieu de quoi, le premier ministre affirma: "nous sommes dans une guerre de civilisation".
Or voilà qu'à Berre-l'Étang, un attentat est commis sur un site pétrochimique. Les détonateurs retrouvés ne laissent aucun doute sur la cause du sinistre. Ce qui aurait pu se transformer en catastrophe sur un site qui comprend des dizaines d'autres réservoirs à proximité (un troisième dispositif n'a pas explosé sur une autre cuve) près d'un étang où une pollution massive aurait pu être occasionnée, est bien le résultat d'un acte délibéré, organisé, utilisant des détonateurs, la connaissance du terrain et de son système de sécurité, le maniement d'engins explosifs... Pourtant, la presse française n'utilise pas le terme d' "attentat" ni celui de "terrorisme". On se contente de "acte malveillant avec système de déclenchement" (BFMtv ou RTL), "action criminelle" (Libération). Mieux encore, dans les colonnes du Monde, Ségolène Royal précise que «la piste terroriste n'est pas privilégiée aujourd’hui », le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve précisant qu'il s'agissait d'un « acte criminel » (la Voix du Nord).
L'enquête n'est d'ailleurs pas ouverte pour un acte résultant d'une "entreprise terroriste", mais pour "destruction par incendie" (Le Monde). Quelle est donc la différence entre les deux. Quel paramètre permet de définir un "attentat" ou un "acte terroriste" lorsque des bombes font sauter d'immenses réserves hautement inflammables au risque de tuer des gens... Faut-il qu'il y ait un mort ? Faut-il qu'il y ait une signature? Un lien avec une religion? Faire exploser des bombes dans un pays en paix, n'est-ce pas suffisant pour qualifier un acte d'attentat ou de terrorisme? Le but n'est-il pas justement de "terroriser"? On parlait bien d'"attentats" lorsque des "terroristes" corses détruisaient des biens matériels. Quelle différence aujourd'hui?
Le terme "terroriste" est-il réservé à ceux que l'on considère comme des "ennemis": indépendantistes, activistes politiques ou religieux? Est-on en train d'attendre de savoir qui a perpétré l'acte de Berre-l'Étang pour définir exactement le délit ?
Cela serait alors à analyser...