CHERCHE ENNEMIS DESESPEREMENT
Mais qui peut me dire ce qui se passe ?
Depuis 2007, il suffisait que je jette juste le nom de la Ségolène en pâture au public pour aussitôt récupérer à mon avantage tous les gogos que j’avais enfumés à la présidentielle. Temps béni où je m’étais trouvé l’ennemie idéale !
J’avais bien compris que cette situation ne pourrait pas durer éternellement, que ma success- story imposait régulièrement de nouveaux épisodes dont les protagonistes à stigmatiser viendraient camoufler ma propre vacuité.
Et croyez moi, je m’y suis attaché personnellement, allant jusqu’à donner moi-même devant les cadres de mon parti réunis à l’Elysée, les éléments de langage à utiliser contre ceux que je désignais de mon doigt vengeur.
Il faut se rendre à l’évidence, on a tout essayé, les voyous, les parents, les mauvais élèves, les arabes, les bronzés, les socialos et même, dans un moment de panique, les banquiers et les patrons voyous. Tout, je vous dis , j’ai tout essayé.
Et malgré ça, je me retrouve au tréfonds des sondages de popularité.
Alors, j’ai eu l’idée lumineuse d’inventer un ennemi de l’intérieur, car il faut que cet ennemi vienne de l’intérieur pour que ce soit électoralement intéressant, et j’ai trouvé : tous ces sans domiciles fixes qui font des bouchons avec leurs caravanes sur nos routes de campagne, dont le rôle connu et reconnu de voleurs de poules colle si parfaitement au premier couplet de la Marseillaise .
Lequel ?
Ben voyons, celui où y en a un qui vient "égorger nos fils et nos compagnes", vous connaissez sûrement !
Donc, cessez de m‘interrompre, au début, je me suis un peu emmêlé les pinceaux en mélangeant les gens du voyage qui sont Français (hélas) avec tous ces bons à rien, mauvais en tout, que sont les Roms.
C’est mon ami Brice qui le premier a mis le doigt sur cet inépuisable et fantastique opportunité que nous avions jusqu’ici dédaignée : désigner un ennemi de l’intérieur mais qui vient de l’extérieur !
Tout seul, comme moi, j’suis sûr, vous n’y auriez pas pensé !
Comme c’est moi le stratège, enfin celui qui écrit le scénario, j’ai quand même demandé à mon ami ministre de l’Intérieur : comment faire coïncider les Roms avec les islamistes ?
Parce que quand même, faut pas perdre de vue que ceux-là c’est mon fond de commerce…Tu mélanges les radicaux barbus avec les musulmans et ça fait du monde que t’es sûr de croiser dans ta rue, hein !
Alors là, le Brice, il m’a scié, on a beau dire que son parcours universitaire n’a rien à envier au mien, là quand même il m’a surpris : les arabes ou les Roms qu’il m’a dit, c’est pareil, ils font peur et notre meilleure alliée, c’est justement la peur.
Alors moi, vous me connaissez bien maintenant, j’ai immédiatement entamé l’épisode suivant de mon épopée personnelle et avec l’ami Guéant on s’est bien amusé à en écrire le scénario.
Je ne peux pas tout vous révéler, ça serait gâcher le plaisir de la surprise, mais en privilégiant la peur comme facteur unificateur de votre comportement, ça m’a ouvert des horizons que je croyais hors de portée.
A ma demande expresse, c’est mon copain Squarcini qui au début de la semaine a volontairement laissé fuité que le niveau d’alerte anti-terroriste avait rarement été aussi élevé. Et toc ! Et vous ne pouvez pas de pas avoir remarqué qu’après avoir foutu le bazar au sommet européen, j’ai immédiatement convoqué un conseil de sécurité car, comme nous l’avons programmé, la menace va se faire de plus en plus précise, de plus en plus proche.
Déjà cette semaine de mauvais plaisantins ont revendiqué de fausses alertes à la bombe après la fuite de Squarcini et on n‘a pas hésité à faire évacuer la Tour Effeil et une station de métro, ce serait bien le diable si, en en remettant une couche, il n’y avait pas un illuminé quelconque qui vienne nous donner raison en déposant dans une poubelle une bombinette.
Cette fois, j’ai lourdement insisté auprès de Brice, les coups de téléphone d’alerte doivent impérativement être passés d’une cabine de la banlieue, le 9.3 serait parfait; et surtout attention à ne pas laisser d’empreintes sur la bonbonne de gaz, on ne sait jamais avec tous ces journalistes qui n’ont rien d’autre à faire qu’à nous chercher des poux dans la tête.
Si avec toutes ces précautions, les affaires "Bettencourt-Woerth", "Karachi", "Willenstein" ne disparaissent pas rapidement des têtes de gondole d’une presse que je ne maîtrise plus, je peux commencer à réfléchir à ma reconversion.
PCC Sarkologiquement vôtre