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Billet de blog 21 décembre 2014

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Consultation publique sur la révision de la directive sur le temps de travail (directive 2003/88/CE)

La Commission européenne ouvre une consultation publique appelant les Européens à s'exprimer sur la révision de la directive sur le temps de travail (directive 2003/88/CE). Chaque personne, chaque association, chaque syndicat, chaque parti politique, peut y prendre part pour faire valoir son point de vue et ses observations. C'est aussi l'occasion de s'emparer, promouvoir et revendiquer le respect du principe de prohibition de la régression sociale, inscrit dans le droit international contraignant, pour défendre et affirmer le progrès social, consacré par le droit de l'Union.

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La Commission européenne ouvre une consultation publique appelant les Européens à s'exprimer sur la révision de la directive sur le temps de travail (directive 2003/88/CE). Chaque personne, chaque association, chaque syndicat, chaque parti politique, peut y prendre part pour faire valoir son point de vue et ses observations. C'est aussi l'occasion de s'emparer, promouvoir et revendiquer le respect du principe de prohibition de la régression sociale, inscrit dans le droit international contraignant, pour défendre et affirmer le progrès social, consacré par le droit de l'Union.

La participation est un moyen des Européens à faire échec à une Europe technocratique ou soumise à l'influence des lobbys. S'abstenir de participer à ce processus favorise les dérives.

De l'importance de la participation dépend l'attention de l'Union à ne pas accepter la régression sociale prohibée par le droit international et par le droit de l'Union.

Le progrès social est en effet un des buts inscrits dans le droit des Traités de l'Union, alors que le " principe de concurrence libre et non faussée ", lui, n'est pas inscrit dans le droit des Traités. Il ne s'agit que d'un principe général du droit dégagé par la pratique qu'invoquent avec succès les demandeurs en l'absence de défenseurs du progrès social.

Une Europe libérale procède d'un stratagème, d'une inversion normative,  par laquelle des plaideurs font prévaloir un moyen de droit de valeur normative secondaire, " la concurrence libre et non faussée ", sur un principe d'ordre constitutionnel, le " progrès social ".

C'est d'autant plus inaceptable juridiquement, que le " progrès social " est consacré par le droit international contraignant, qu'il est possible d'invoquer devant le juge national pour en exiger le respect, et qui en prohibe les atteintes.

Le " progrès social " est un principe de l'ordre public international. Une solution pour rétablir cette atteinte à la hiérarchie des normes serait que le juge de Luxembourg s'empare d'office du motif d'une atteinte au " progrès social " en invoquant un moyen d'ordre public tiré de l'inconformité " à la Charte constitutionnelle de base qu'est le Traité (...) " .

La consultation publique sur la révision de la directive sur le temps de travail est donc l'occasion d'invoquer et de réclamer le respect du " progrès social ".

Une augmentation du temps de travail est une régression sociale.

La régression sociale est prohibée par le droit, comme l'a rappelé Martine Billard à l'Assemblée nationale, dans une question écrite publiée au Journal officiel de la République française, à laquelle les plaideurs peuvent faire référence et souligner la mauvaise foi, la faute, du gouvernement de l'époque à s'être abstenu de répondre, malgré son obligation de le faire dans le mois comme le lui oblige le règlement de l'Assemblée nationale en son article 135 § 5.

Cette abstention témoigne de l'absence de justification sérieuse du discours politique de l'époque initiant un mépris durable pour l'Etat de droit qui nécessite d'exiger le respect des normes et de leur hiérarchie.

" L'UE cherche à promouvoir le progrès social et à améliorer les conditions de vie et de travail des Européens (voir le préambule du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). " (Site officiel d'information de l'Union européenne sur le Droit européen du travail)

Le préambule du Traité de l'Union énonce l'engagement des Etats membres

" DÉTERMINÉS à promouvoir le progrès économique et social de leurs peuples, (...), "

L'obligation à promouvoir le progrès social est inscrit dans le Traité lui-même à l'article 3.

Article 3

(ex-article 2 TUE)

3. L'Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.

Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant.

Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres.

Les Etats membres sont obligés de respecter ce droit de l'Union.

Toute violation du droit de l'Union peut être dénoncé par une plainte à la Commission européenne qui engage un recours en manquement et saisit la Cour de Justice de l'Union européenne.

La Cour de Justice de l'Union européenne sanctionne les institutions européennes (Conseil, Commission, Parlement) qui violent le droit de l'Union européenne : affaire " les Verts" " § 23 La Communauté économique européenne est une communauté de droit en ce que ni ses Etats membres ni ses institutions n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la Charte constitutionnelle de base qu'est le Traité (...) "

Le " progrès social " est donc constitutionnel, selon l'interprétation de la Cour de Luxembourg, puisqu'inscrit à l'article 3 du Traité de l'Union.

La violation de ce " progrès social " peut être combattue et critiquée par des parlementaires européens devant la Cour de Luxembourg.

Des eurodéputés défèrent avec succès des comportements d'institutions européennes, comme les négociations secrètes de l'accord SWIFT avec les USA, ce qui a  abouti à la condamnation du Conseil et de l'Union (Euractiv).

Le droit de l'Union européenne doit s'appliquer et s'interpréter conformément aux dispositions et aux droits consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Cette Charte pose des principes contraignants en matière de droit social dont notamment l'obligation de concilier le travail au respect du droit à une vie de famille.

Article 33 Vie familiale et vie professionnelle

1.   La protection de la famille est assurée sur le plan juridique, économique et social.

2.   Afin de pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle, toute personne a le droit d'être protégée contre tout licenciement pour un motif lié à la maternité, ainsi que le droit à un congé de maternité payé et à un congé parental à la suite de la naissance ou de l'adoption d'un enfant.

L'article 6 du Traité de l'Union européenne intègre au droit de l'Union non seulement la Charte européenne des droits fondamentaux mais aussi les droits de la Convention européennes des droits de l'Homme :

Article 6

3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.

Le droit de l'Union est d'effet direct et immédiat et l'article 88-1 de la constitution française confère au droit de l'Union une valeur constitutionnelle.

Le législateur français, comme les institutions européennes, ne peuvent donc pas adopter des dispositions législatives contraires au droit social européen.

Le droit, qu'il soit français ou européen, ne peut qu'aller dans le sens d'une amélioration des conditions de travail, conformément à l'article 3 du traité sur l'Union européenne.

Les causes de l'austérité et les moyens d'y remédier sont à chercher dans la responsabilité des gouvernments qui témoignent d'une mansuétude exceptionnellement étonnante à l'égard des fraudeurs fiscaux (La fraude fiscale coûte 2000 milliards d'euros par an à l'Europe), en considération de leur acharnement paradoxal à vouloir réduire les avantages sociaux des ménages modestes, d'une part, et à vendre des actifs publics, qui rapportent de l'argent, pour se désendetter alors que le taux d'intérêt des prêts aux Etats est nul, voire négatif, ce qui est une opportunité pour se refinancer et même emprunter, pour développer l'équipement et les services publics, sans se séparer de ses actifs.

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Lien pour accéder à la consultation publique de la Commission européenne sur la durée du temps de travail et y répondre :

http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=333&consultId=14&visib=0&furtherConsult=yes&langId=fr

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