Sur la radio publique, la pub est réglementée mais les malins (en particulier ceux des banques et des mutuelles) contournent la charte. Ça énerve les auditeurs saturés de promos débiles pour des produits financiers pas spécialement éthiques.
Le cahier des charges
Appelé au secours, le médiateur, bien embarrassé, répond souvent avec humour mais à côté de la plaque. Les fidèles auditeurs se souviennent, eux, de pubs anciennes parfois agaçantes... mais les pruneaux d'Agen et les petits pois se situaient dans le cadre du cahier des charges. Faire la pub de la chicorée, c'était tiré par les cheveux (il n'y avait quasiment qu'une marque pour financer, la chicorée Leroux)... mais on pouvait penser au devenir de tous les producteurs.
Aujourd'hui, « vendre de la filiale commerciale de coopérative », c'est carrément de l'arnaque car les textes sont clairs : l'espace publicitaire (dont la durée est limitée à 30mn par jour), est réservé à des interlocuteurs bien précis, à l'intérieur du domaine défini par le cahier des charges :
- Collectives de produits et de services
- Coopératives
- Mutuelles
- Foires ou salons
- Associations professionnelles
- Administrations de l'Etat
- Collectivités territoriales
- Chambres de Commerce et d'Industrie
- Chambres de métiers
- Chambres d'agriculture
- Comités ou offices du Tourisme
- Entreprises publiques
- Entreprises parapubliques
- Causes d'intérêt général
Les parrainages de 8 secondes
Pour les autres (toutes les entreprises publiques ou privées), ne restent que la possibilité des parrainages, c'est à dire des citations de 4 à 8 secondes, comportant le nom et la raison sociale de l'entreprise (éventuellement son jingle) et une définition de son secteur d'activité, mais sans mention de nature argumentaire. Selon décision 88-41 de la CNCL du 4 février 1988.
Les citations sont possible pour le parrainage d'émissions de programmes, ou d'émissions sportives, et de chroniques de service des lors qu'elles ne sont pas intégrées dans les journaux ou les émissions d'information.
La CNCL (Commission Nationale de la Communication et des Libertés), créée en 1986, a été remplacée par le CSA (Comité Supérieur de l'Audiovisuel). L'opérateur était la RFP (Régie Française de Publicité) qui gérait un monopole englobant la totalité des télévisions et radios publiques.
Pour Radio France, elle a été remplacée en 1984 par la régie « Radio France Publicité ».
En théorie, Radio France Publicité applique la charte sous le contrôle du CSA. Tous les membres du CSA, sourcilleux sur des sujets moins envahissants, seraient ils devenus sourds ?
Tout annonceur potentiel qui veut faire « de la vraie pub » doit impérativement justifier qu'il relève du domaine défini par le cahier des charges. Et c'est là où se situe la triche.
Les espaces réservés
Les espaces réservés de France Inter (et plus largement de Radio France) sont, pour les publicitaires, aussi fascinants que le serait une réserve naturelle pour une société de chasse. C'est l'Eldorado, un espace vierge riche de promesses juteuses. Six millions d'auditeurs préservés des chasseurs, c'est tentant !
Quant aux « vendeurs » de la régie publicitaire, la tentation première, pour eux, est d'élargir le marché. Vendre plus pour gagner plus.
Livrées au loups, la belle idée coopérative et la belle idée mutualiste se meurent dans le flou, dans les salades du profit.
Face aux dérives - même et surtout trop compréhensibles - il s'agit simplement, pour le citoyen, comme toujours, de faire respecter la loi pour défendre l'intérêt commun, de lutter contre la tentation du flou. Quand il y a du flou... il y a toujours un loup (vorace).
Où est l'astuce, le truc ? Il y a toujours eu des abus... mais dans le genre folklorique. Les abus sont désormais excessifs, au profit des pros de la finance qui confondent délibérément les structures sans but lucratif et les filiales fâcheuses et cupides. Et les banques coopératives sont les grandes spécialistes de cette transgression.
Dans le cas du Crédit Agricole, l’entourloupe première se situe au niveau de l'acheteur d'espace. C'est la FNCA, l'organisme « politique » regroupant les Caisses Régionales (sociétés coopératives), et agissant en leur nom, qui passe les commandes.
Sauf que les messages ne concernent jamais l'éthique coopérative ni sa promotion (conformément à la charte de l'ACI, Alliance Coopérative Internationale). Ils sont au profit de Casa, vedette du CAC 40, ou de ses filiales... qui sont des sociétés anonymes, des marques commerciales, sociétés d'assurance, voire de crédit revolving, de sécurité... La liste est interminable.
Le Cheval de Troie
C'est l'apparition de la publicité pour LCL, banque commerciale filiale du Crédit Agricole, et pour le CIC, filiale du Crédit Mutuel. Et pour les filiales techniques. Et... Quand les bornes sont franchies...
Derrière le cheval de Troie des coopératives dévoyées, et de leurs filiales commerciales, s'engouffrent les entreprises uniquement commerciales.
Avec la même inspiration générale, mais sous un autre prétexte, sont apparus DHL, Vinci, GDF-Suez : l'Etat est actionnaire ! Même petit actionnaire, ça suffit... L’État français est dans l'actionnariat de GDF-Suez et l'Etat fédéral allemand dans celui de DHL !
Circulez ! Sur France-Inter, pubs plus parrainages totalisent 15 minutes par jour pour 30 autorisées en moyenne annuelle, alors que sur RTL, c'est 15 minutes toutes les heures.
Donc France-Inter, c'est moins pire. Même si la pub est illégale... Faut-il punir les truqueurs ? Ou faut-il s'habituer à la triche en attendant la banalisation totale ?...
Car la logique est sans fond, le méli-mélo total. Les mutuelles ont pour filiales des banques commerciales (Groupama Banque) et les banques coopératives pour filiales des sociétés d'assurance (Prédica). Après LCL et le CIC, ce sera BNP-Paribas et la Société Générale ? Si les citoyens, ne réagissent pas, c'est sûr !
Le monde coopératif est plein de ressources. Bientôt de la pub pour Leclerc mais pas pour Carrefour ? En effet, Leclerc, comme système U, est une coopérative de commerçants. Pas Carrefour.
Et de la pub pour toutes les marques du secteur agroalimentaire dominé par les grandes coopératives agricoles ? Il y a déjà les Chèques Déjeuner, structure coopérative, bientôt toutes les Scop et toute la société de consommation ?
Les vannes des règles du service public craquent. Les différences d'identité invoquées pour justifier des différences de traitement relèvent du jésuitisme. De la pantalonnade. La loi est bafouée, et pas seulement dans l'esprit. Les magistrats ont-ils baissé les bras ?
Et les politiques ? M. Benoît Hamon ? Puisqu'on a désormais un Ministre (délégué auprès du Ministre de l’Économie, des Finances et du Commerce Extérieur), en charge de l’Économie Sociale et Solidaire.
Ajout du 20 juin 2014 :
Les limites de la publicité sur les radio du service public (un article de Michel Colin, du 5 juin 2014, sur Radiopub).