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Billet de blog 9 novembre 2014

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Une petite lumière d'Antonio Moresco

Antonio Moresco est un écrivain italien dont la notoriété est grande. Elle n'était pas venue jusqu'à moi, mais il faut bien se résoudre à ne pas tout connaître !  C'est sous la forme d'un petit livre paru chez Verdier que j'ai fait sa connaissance et il fera désormais partie de ma bibliothèque.

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Antonio Moresco est un écrivain italien dont la notoriété est grande. Elle n'était pas venue jusqu'à moi, mais il faut bien se résoudre à ne pas tout connaître !  C'est sous la forme d'un petit livre paru chez Verdier que j'ai fait sa connaissance et il fera désormais partie de ma bibliothèque. Rarement eu l'occasion d'entrer dans un univers à ce point étrange, ce n'est pas Gracq, ce n'est pas Buzzati, mais ce sont les références qui me sont venues les premières à l'esprit. Un univers onirique en dépit de la précision des descriptions qu'en donne Moresco. La nature est omniprésente, mais une nature envahissante, presque maladivement prolifique, qui recouvre les ruines d'un village abandonné par ses habitants - comme il peut en exister tellement dans certaines campagnes - qui profite de chaque interstice entre les pierres pour en agrandir les lézares et en annoncer le prochain écroulement. C'est dans un tel village que le personnage central du livre s'est installé - "je suis venu ici pour disparaître", est-il écrit au début. Mais c'est aussi bien le monde qui est en train de disparaître dans une obscurité qui n'est pas seulement celle de la nuit. Pourtant, ce monde, il le contemple avec une sorte de fascination, du vol des hirondelles aux deux blaireaux dont il interrompt la marche, - et il parle avec ces animaux sans pour autant qu'un lien quelconque puisse s'établir entre eux et lui, et pour cause... -,  il y décèle le long processus d'un pourrissement qui se marie étroitement avec le renouvellement sans but d'une végétation maléfique. En aucun cas ce monde ne peut servir de refuge, il ne présente aucune stabilité, la terre y tremble constamment.

                          C'est dans ce contexte qu'il vit, suivant un rituel minimal, ayant encore des relations avec les habitants d'autres villages pour assurer le minimum dont il a besoin, mais sans que rien d'affectif, d'amical entre jamais dans ces relations. Il a remarqué, au soir, une lumière qui s'allume sur les collines qui lui font face, au milieu de ce qui lui semble une forêt impénétrable. Cette lumière l'intrigue. Il décide d'aller voir. Ce n'est pas simple. Il doit s'y reprendre à plusieurs fois, pour trouver un chemin, pour surmonter avec sa vieille bagnole des obstacles multiples. Quand il arrive enfin à l'endroit supposé d'où la lumière lui parvient, il découvre une petite maison :"Il y avait une porte, et elle était même ouverte. A l'intérieur, dans une cuisine, se trouvait un enfant en culottes courtes, la tête rasée. Il soulevait dans ses petits bras un  nuage de draps, qu'il s'apprêtait à mettre dans un baquet."

                          Entre l'homme et l'enfant, au fil de rencontres de plus en plus rapprochées, va se nouer une certaine complicité que ne facilite pas l'étrange de la situation : l'enfant vit seul, il s'occupe seul de tenir sa maison, de faire la cuisine ;  il va pourtant à l'école, revient avec des devoirs à faire sur lesquels il s'applique sans beaucoup de réussite. Il devient pour l'homme un sujet de questions qui ne trouvent pas davantage de réponses que celles qu'il ne cesse de se poser sur le sens de la vie. Se pourrait-il qu'il ne soit pas une créature de ce monde-ci ? un alien selon l'obsession d'un des habitants du village où l'homme se rend parfois ? Mais ce serait trop facile. Il y a là pourtant un mystère qui s'épaissit au fur et à mesure des confidences distillées par l"enfant.

                         Et je ne vais pas en dire plus, car la force du livre est de présenter, en une sorte de fable des derniers temps, une lente progression vers l'évanouissement de l'humain qui fait fi de notre commune et si pauvre raison. En dévoiler le dénouement - est-ce d'ailleurs le terme qui convient ? - serait criminel. Mais lisez ce livre de Moresco.

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