Le changement de Premier ministre est allé avec une opération "coup de poing" à la direction du PS, satisfaisant ainsi une certaine logique institutionnelle et politique: le profil et le projet du nouveau gouvernement devaient trouver une traduction dans le secrétariat national du parti. L'arrivée de Jean-Christophe Cambadelis a semblé résumer ce processus. Or, il masque plusieurs incohérences tant du point de vue de la logique en question que de la rénovation plus que jamais essentielle de la formation socialiste.
La logique du remaniement d'abord: elle s'enracine dans la promotion de Manuel Valls fondée sur l'accord de ce dernier avec Benoit Hamon et Arnaud Montebourg dont la presse a largement fait état: un renforcement du pouvoir gouvernemental par rapport à l'Elysée axé sur une politique de défense du citoyen, tant à l'intérieur de la République que vis-à-vis de Bruxelles et du reste du monde. Cet accord a semblé validé par et dans la formation du gouvernement lui-même. Les deux partenaires du Premier ministre ont vu leur périmètre élargi et grandi. M. Valls a inauguré sa fonction en laissant espérer de nouveaux rapports avec le Parlement et la majorité. Les annonces à destination de la Commission européenne laissaient espérer une fermeté nouvelle depuis l'abandon de la promesse de F. Hollande.
Deux semaines plus tard ce paysage est singulièrement en ruine. L'exemple d'Arnaud Montebourg en est particulièrement illustratif: son discours pugnace et conquérant à l'adresse de la Commission et de la BCE est devenu improbable. Alors qu'il demandait (dans Les Echos du 17/04) des contreparties au respect de la règle des 3% du déficit et notamment une panoplie de "mesures concrètes (qui) organise, stimule et relance enfin la croissance européenne", aucune discussion n'a eu lieu sur ce plan. La reconsidération de l'affectation des 50 milliards est cosmétique. Le périmètre de son action ministérielle a été plusieurs fois rogné: Laurent Fabius a d'abord gagné le commerce extérieur (si bien qu'il s'exprime aujourd'hui sur l'ouverture des magasins le dimanche ! ), puis une co-gestion de la direction du Trésor; le gain par le ministre de l'Industrie du pilotage du PIA (Programme d'Investissements d'Avenir) a été aussitôt compensé par le fait que le Commissariat Général à l'investissement resterait dans l'arbitrage de Matignon. Quant à la relance du Parlement, on voit à cette heure qu'elle se ramène à la menace de sanctions contre les députés qui veulent tout simplement exercer leur mandat de représentants de la Nation.
A la direction du PS, les choses sont plus simples encore. Alors que l'équipe de direction aurait dû intégrer les sensibilités déterminées à appliquer de nouveaux rapports avec l'Exécutif comme avec la majorité, elle s'est réduite comme peau de chagrin: même les amis de B. Hamon n'en font pas partie, pas plus que ceux de Martine Aubry; ceux de Montebourg ont curieusement joué les chaises musicales, réduisant leur représentation à la plus simple expression (à moins que le remplacement des deux secrétaires nationaux qui avaient signé l'appel "Une autre politique est possible" le soir du séminaire gouvernemental du 10 février par un député - secrétaire national aux PME- qui les avait désapprouvé ne prenne une autre signification). La démonstration est en train d'être faite que le changement organisationnel n'est rien s'il ne va pas avec des perspectives politiques substantielles et claires.
Au stade où nous sommes et dans ce cadre , la rénovation du PS apparait donc comme une grande inconnue. Les différentes propositions du secrétariat national du même nom (sur les Primaires, la démocratie participative pour les municipales, le cumul des mandats) sont restées depuis deux ans lettre morte. On suivra avec attention l'action du nouveau titulaire de la fonction, Emeric Brehier.
Mais l'extrême concentration de la direction du parti, l'épuisement du modèle, la crise qui le ronge et s'amplifie d'élections en élections font douter d'une quelconque issue. C'est une véritable refondation qu'il faut, tenant compte tout autant des transformations de la social-démocratie européenne que des politiques ordo-libérales appliquées par et dans l'UE depuis vingt ans sur tout le continent. Et il faudra faire toute sa part au présidentialisme bonapartiste et aux institutions de la V° République dans la faillite démocratique que nous vivons. Toujours niée par le PS pour mieux y adhérer (comme le théorisait M. Valls en février 2011à l'occasion du Forum sur les institutions que lui avait confié Martine Aubry), elle est une dimension capitale de la sortie de cette impasse.
La rénovation est donc du registre de l'idéologie. Elle peut passer par des échanges et des procédures inédits entre différentes sensibilités du PS décidées à cette reconstruction à l'occasion de son prochain congrès dans presque un an. Ces sensibilités qui représentent des histoires et des cultures différentes ont à produire un récit qui retrouve l'attention des laissés pour compte du nouvel ordre libéral.
Billet de blog 24 avril 2014
Remaniement et rénovation au Parti Socialiste
Le changement de Premier ministre est allé avec une opération "coup de poing" à la direction du PS, satisfaisant ainsi une certaine logique institutionnelle et politique: le profil et le projet du nouveau gouvernement devaient trouver une traduction dans le secrétariat national du parti. L'arrivée de Jean-Christophe Cambadelis a semblé résumer ce processus. Or, il masque plusieurs incohérences tant du point de vue de la logique en question que de la rénovation plus que jamais essentielle de la formation socialiste.
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