Philippe Gagnebet (avatar)

Philippe Gagnebet

Journal du bord

Abonné·e de Mediapart

303 Billets

1 Éditions

Billet de blog 11 mars 2011

Philippe Gagnebet (avatar)

Philippe Gagnebet

Journal du bord

Abonné·e de Mediapart

Souffrez...respirez, La course au toujours plus fait "mal au travail"

Philippe Gagnebet (avatar)

Philippe Gagnebet

Journal du bord

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Paul Ariès : "Le bonheur n’est pas dans le toujours plus"

DR©

Le politologue, directeur du "Sarkophage", membre du comité de rédaction du journal La Décroissance et auteur de nombreux ouvrages sur la décroissance, le mésusage, la consommation ou la simplicité volontaire, nous a accordé un grand entretien . Entre nouvelles méthodes de production, de management, et course au "toujours plus", il n’est pas étonnant que l’on ait de plus en plus "mal au travail".

1/ Le phénomène est assez récent, on parle de nouvelles formes et
pathologies de souffrance au travail. Ce n’est plus le corps qui est
mutilé aujourd’hui, mais l’esprit, la psychologie. Avez-vous également
remarqué cette tendance ?

La souffrance au travail concerne les pays pauvres plus encore que les pays riches. On déplore par exemple en Chine une vague de suicides parmi le personnel des sous-traitants des géants américains de l’informatique ainsi que de nombreux accidents. La France est cependant selon deux rapports du Bureau International du travail (ONU) en tête des pays avancés pour la violence au travail. L’INSEE estime, pour sa part, que sept millions de français sont concernés. La médecine du travail évalue à plus de 90 % les médecins ayant déjà eu connaissance d’au moins un cas de harcèlement au travail et 21 % d’entre eux considèrent ce phénomène comme fréquent. 97 % des victimes souffrent de complications morbides se traduisant par des insomnies, de l’anxiété, de la dépression, des troubles digestifs ou cutanés, etc. L’époque est heureusement à dénoncer l’essor du harcèlement mais les solutions avancées semblent se heurter… à la faiblesse de l’analyse. On veut croire que ce harcèlement serait le fait de "petits chefs" pervers ou de patrons obligés d’en user à cause des rigidités du droit du travail, bref on harcèlerait seulement les salariés dont on veut se débarrasser. Ce harcèlement pour exclure cache en fait une autre forme d’harcèlement.

Le néo-capitalisme peut très bien fonctionner sans harcèlement sexuel ou "petit chef" pervers tout comme toutes les familles ne sont ni violentes ni incestueuses. Mais l’entreprise moderne ne peut exister, en revanche, sans ce nouveau type de harcèlement pour dévorer le personnel, car il constitue la fausse bonne solution inventée pour concilier l’inconciliable : la précarité avec l’implication au travail. L’entreprise ne donne plus au salarié les conditions lui permettant de s’intégrer. Il lui faut donc tenter de le motiver par des techniques agressives qui ressemblent fortement à de la manipulation mentale. Nous ne sommes pas dans l’entreprise pour faire des stages de survie ni pour sauter à l’élastique. Ce management est de type totalitaire. Nous ne devons pas davantage sous-estimer le nombre d’accidents au travail et l’importance des maladies professionnelles. J’appelle les salariés et leurs syndicats à être plus vigilants face à certains nouveaux risques comme ceux liés à l’informatisation à outrance.

2/ Burn-out, arrêts maladie, tentatives ou suicides au travail… les
nouvelles formes de management, de rendement, de productivité en
sont-ils la cause principale ?


L’idéologie managériale qui envahit toute la société est une idéologie dangereuse. Ces nouvelles pratiques sont imposées certes au nom des gains de productivité (bien qu’elles soient parfois contreproductives) mais l’objectif est avant tout d’imposer de nouvelles relations au travail et à son entreprise : on ne demande plus seulement au salarié de bien travailler et d’être performant mais de laisser croire qu’il aime son job et l’entreprise. Le but est d’empêcher les salariés d’agir, de penser, de rêver autrement que sa société. N’oublions jamais que pour que le manager puisse se croire tout-puissant, il faut parallèlement que les salariés soient pensés et produits comme impuissants…. L’entreprise moderne en a certes fini avec le paternalisme d’antan mais elle développe aujourd’hui un maternalisme encore plus pervers, car fondé sur une logique de dévoration de ses personnels, cadres compris. Le patronat déploie pour cela toute une stratégie de harcèlement pour casser les identités collectives, pour empêcher les salariés de travailler comme ils pensent nécessaire de le faire pour bien travailler justement. Le néo-management ne supporte plus le moindre écart entre le travail prescrit et le travail réel, le salarié doit accepter d’appliquer des normes auxquelles il ne croit pas, il doit respecter des procédures qui ont pourtant fait la preuve de leur inefficacité…Le néo-management est une entreprise monstrueuse de dépouillement des identités professionnelles, des façons de faire traditionnelles, bref de l’autonomie et de la dignité des salariés. Nombreux sont ceux qui confient ne pas aimer le travail qu’on leur demande de faire. Pensons à ces postiers qui refusent d’être transformés en VRP...

la suite sur http://www.frituremag.info/dossiers/les-nouvelles-formes-de/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.