« La presse sur le net ne peut être que gratuite, le modèle de Médiapart est absurde »crachait Alain Minc au micro de Parlons net. Et puis de toute manière, l’avenir de l’info, c’est la publicité ! Vendredi ? Les gens ne paieront pas un contenu disponible gratuitement ! Arrêt sur Image ? Ca n’est pas viable ! La presse écrite ? Elle va mourir ! Gratuité, publicité, et patati et patata…
En dépit du discours lénifiant, et hautement pessimiste de certains commentaires ô combien avisés ! de la presse écrite, de l’internet et des médias en général, il est frappant de voir que la gratuité, principe apparemment substantiel de l’internet, commence à souffrir de quelques petites exceptions… et que la disparition programmée de la presse écrite n’est pas si inéluctable que les prophètes éclairés du monde médiatique veulent bien nous le faire croire. Que l’on me pardonne… mais je ne le crois pas. Ou je refuse de le croire : c’est mon côté d’étudiant foncièrement naïf qui ressort.
En lançant Vendredi, Philippe Cohen et Jacques Rosselin, les deux fondateurs de cet hebdo un peu hors norme relance le débat : faire payer un contenu en provenance d’internet est-il bien raisonnable ? Et surtout… comment internet et la presse écrite vont pouvoir fonctionner à l’avenir ? En ce qui concerne la viabilité de Vendredi, mais aussi d’Arrêt sur Image ou de Médiapart, l’avenir nous le dira. Voilà tout de même trois expériences, à la fois similaires et toutefois quelques peu différentes, qui, lancées à peu près simultanément – à quelques mois près – veulent bouleverser les choses.
En vérité, les relations entre les médias traditionnels et les médias internet sont loin d’être aussi distinctes – devrait-on dire disjointes ? – que l’on pourrait le penser a priori. A première vue donc, c’est très simple : ou bien le site est une prolongation du journal écrit (le cas est très fréquent : Le monde.fr, le Figaro.fr, Libération.fr etc, etc) ou bien le site a été créé indépendamment de tout média traditionnel : Médiapart.fr, Bachich.info, Rue89… Ca a l’air clair comme de l’eau de roche.
Ouais, mais voilà quoi : c’est une vision biaisée de ces relations.
C’est oublier, ou refuser de voir que les médias internet entretiennent, ou veulent entretenir, des relations avec la presse écrite. Bakchich avait ouvert le bal il y a plusieurs mois en lançant un hebdo payant reprenant les articles de la semaine, ou plutôt, les livrant une semaine à l’avance… un hebdo mis en page qui n’a plus qu’à être directement imprimé par le lecteur ! Plus récemment, c’est Causeur.fr qui s’est lancé dans l’impression d’un mensuel reprenant – lui aussi – les articles de Causeur, avec en exclusivité l’édito d’Elisabeth Lévy (pas de tarif préférentiel pour les étudiants, les monstres !). Il y a quelques temps, c’était Edwy Plenel qui envisageait la même idée pour Médiapart. Et même ! Arrêt sur Image envisage (de plus en plus sérieusement apparemment) de… revenir à la télé ! Sur le câble, plus précisément. Il doit bien y avoir d’autres exemples…
« Tout change parce que rien ne change » a souligné Jean-François Kahn qui remarquait que la naissance des nouveaux médias (radio, télévision) n’ont jamais fait disparaître les anciens médias (la télé n’a pas tué le théâtre, ni la presse écrite)… seulement, les choses peuvent changer, changer radicalement, alors qu’elles n’ont en apparence (il dirait structurellement) pas changé : un média écrit, une émission télé… mais en provenance d’internet !
La presse traditionnelle doit s’adapter, on pourrait même dire, selon la démonstration du co-fondateur de Marianne, qu’elle s’adaptera. Seulement, effectivement, les acteurs actuels ne seront peut-être pas les acteurs de demain… à moins qu’ils ne réussissent à opérer la mue à temps.
Il est a noté, d’ailleurs, que si beaucoup des exemples cités précédemment sont des sites « professionnels » menés avant tout par des journaliste d’origine « presse tradi »… Vendredi (dont les fondateurs sont eux aussi issus de la presse traditionnelle) intègre les blogueurs, les commentateurs, les internautes qui eux ne sont originellement pas des professionnels à une entreprise de transformation des médias – l’avenir nous dira dans quelle mesure – où désormais, ils ont acquis une place significative dans ce qui est aujourd’hui l’information.
(à voir encore : la gratuité est-elle inéluctable ?)