Je suis sympathisant du Front de Gauche (FdG) ; je n’ai pas pour habitude de suivre l’actualité ; je décide d’une petite digression pour les présidentielles, mal m’en a pris ! Récemment inscrit à Mediapart je m’attendais à y trouver un journalisme alternatif, c’est-à-dire sérieux et qui ne succombe pas au story telling de la campagne électorale. Pour l’article Couacs de campagne au Front de gauche de Stéphane Alliès, c’est loupé. Il faut dire que la tentation est grande de succomber à la facilité.
Déjà ça commence mal, plutôt que de parler de fond, commençons à signaler, dans un trait de lumière étonnant de perspicacité, que les « hérauts du FdG sont fatigués », comme une petite entrée en matière qui n’intéresse à peu près aucun électeur. Mais cette petite mise en bouche est trop nécessaire au scénario grossièrement ficelé pour s’en passer. Ainsi, l’explication sera toute trouvée pour ce qui sera des litanies d’« erreurs » de Mélenchon. En tout bien tout honneur on pourra ressortir ce paragraphe pour montrer « l’objectivité » de l’article, après tout M. Alliès a cherché à défendre les « excès de langage et de colère », puisqu’il met ça sur le compte de la fatigue. Explication plus que sommaire mais bien suffisante pour éviter de se creuser la tête.
Classique de chez classique dans tous les articles à charge contre Mélenchon, vous y retrouverez la critique de certains journalistes, qui devient, ô miracle! « les mauvaises relations de Mélenchon avec [NDA: toute?] la presse ». À charge ? Oui, car l’article définit les canons du genre. Jamais le principal incriminé n’aura la parole pour sa défense. Pourtant, on lit sur le blog du candidat « Reste que le harcèlement de quelques mirmillons nous a déjà assez pourri la vie, comme pendant la présidentielle, pour que j’ai pris la décision, comme en pleine campagne présidentielle, de ne plus publier une bonne partie de mon agenda et m’éviter ainsi leur présence. » Patatra ! la théorie du Mélenchon-qui-est-fatigué-et-qui-s’énerve tombe à l’eau, donc rien ne sera évoqué quant à l’attitude du journaliste. Non, tout est de la faute de Mélenchon et sa « crispation contre les journalistes [qui] atteint des sommets ». À charge donc, car il n’est pas question de reprendre les arguments de Mélenchon pour justifier son attitude, qu’on soit d’accord ou non n’est pas la question ; l’honnêteté aurait voulu de rapporter les arguments des uns, et des autres. À moins que le lecteur soit incapable de faire son propre avis ? Et je me prends à rêver qu’un journaliste digne de ce nom aurait cherché à vérifier s’il y a eu ou non harcèlement, ou encore si oui ou non Mélenchon était bien à Meryl Fiber. Mais je rêve trop : vérifier cette information aurait prouvé que le « facho » aurait sciemment menti dans le but de nuire à la campagne de Mélenchon. Défense du collègue oblige, l’information passera à la poubelle.
En aparté sur la réaction de l’Express, ce journal, qui a commis la fameuse caricature qui assimile Mélenchon à Le Pen sous la plume de Plantu, n’aime manifestement pas qu’on lui renvoie la politesse.
Où en étais-je ? Ah oui ! ainsi sur la critique du journalisme, on y apprend : « Entamée les dix derniers jours de la présidentielle, la vindicte antimédiatique a été théorisée en tant que telle. » En lisant rapidement j’ai cru comprendre que pour justifier les coups de gueule, la stratégie de campagne aurait monté un discours antimédiatique à l’arrache. Ben voyons ! le DSK, Hollande, etc. de Pierre Carles, Les Nouveaux chiens de garde sous sa déclinaison cinématographique par Gilles Balbastre ou sous sa déclinaison littéraire par Serge Halimi, ça vous dit quelque chose ? La volonté ouvertement affichée par certains de pouvoir choisir leur poulain, avec un positionnement [D]es médias contre l’égalité (Pierre Rimbert, Le Monde Diplomatique de mai 2012), toujours rien ? Ou encore, les relations tumultueuses avec Le Petit Journal expliquées sur Arrêt sur images. La stratégie « antimédiatique » est pourtant bien réfléchie et assumée depuis longtemps (cf. vidéo), stratégie qui vise à affronter le système médiatique, cette stratégie est systématiquement niée par les journalistes, « intouchables » car ils s’imaginent être l’incarnation de la « liberté d’expression » et de la « démocratie » sur terre.
Cette stratégie remet en cause la pratique actuelle de leur métier, pas le journalisme en général. Pourquoi cette pratique est-elle mauvaise ? Quelles auraient été les solutions préconisées par le FdG ? Nous, pauvres consommateurs de médias, sommes contraints d’en esquisser seulement les traits : mettre fin à la précarisation de la profession, imposer plus de pluralisme et un journalisme engagé qui mettrait fin à « l’objectivité », Graal de la profession. Mais ce n’est pas à Mediapart qu’on fera la leçon, n’est-ce pas ? En tout cas, je pensais les journalistes capables de s’intéresser durant la campagne, d’en savoir un peu plus, puisque ça les touche directement. Des journalistes qui font leur boulot honnêtement… c’est mon côté naïf qui parle. Les propositions sont criticables bien entendu ; je me sens le besoin de le préciser car à ce stade de l’article mes lecteurs doivent déjà me prendre pour un fan bavant devant Mélenchon.
Cette stratégie « antimédiatique » n’est pas anodine, elle est nécessaire. Impossible de construire un projet politique qui va à l’encontre et remet en cause le discours médiatique. Mais voilà, ce faisant le FdG montre qu’il ne veut plus se cantonner à une candidature de témoignage, concept fumeux qui laisse croire qu’une fois tous les cinq ans, on pourrait, enfin, émettre un autre son de cloche dans les médias, et que ce son de cloche pourrait être entendu. Quant à savoir si cette stratégie pourrait convaincre, bien malin celui qui pourrait le dire. Ce qui est sûr, c’est qu’elle a fonctionné sur moi, pas tant par l’action du FdG, mais par la réaction totalement disproportionnée et grossière des médias, dont l’article de M. Alliès est un magnifique prototype. C’est autrement plus efficace : je suis maintenant parfaitement vacciné contre le discours médiatique et je sais séparer en son sein ce qui tient du discours idéologique, de la manipulation, et de ce qui tient du fait. À dans cinq ans !
Je ne vais pas m’attarder sur le reste de l’article… on y apprend qu’il s’agit d’une « détestation intrinsèque de la presse », affirmation non étayée et encore moins prouvée, voir même contredite puisque « [Mélenchon] a côtoyé sans grand problème [cette presse] durant sa carrière politique ». On appréciera les sources inconnues, toujours à charge, ah ! si, une Lydie Benoît qui s’est déjà illustrée en proposant de ne pas présenter de candidat FdG à la présidentielle. Certainement une voix qui compte dans le PCF…
Toujours cette volonté d’embrouiller le lecteur : « la question d’une participation gouvernementale de ministre PCF risque de se poser à nouveau ». En réalité, il y aura une consultation des membres du PCF juste après les législatives. Consultation dont on connaît l’existence depuis des mois. Circulez, y’a rien à voir ! Mais il faut bien maintenir le suspens et l’incertitude parmi l’électeur…
« Mélenchon souffre », « le mépris l’irritait », « il vit mal les critiques », « il encaisse mal ». Euh… nous, électeurs et lecteurs, souffrirons de l’absence de profondeur de votre analyse, dont le mépris, qui consiste à faire passer Mélenchon pour un être instinctif uniquement soumis à ses émotions, nous irrite au plus haut point. Nous vivons et encaissons très mal vos critiques, effectivement. Mais nous sommes de grands naïfs, nous avions cru que Mediapart jouerait son rôle de contre-pouvoir et qu’il ne ferait pas le jeu du pouvoir actuel, en attaquant de manière grossière son rival le plus proche politiquement parlant.
Seul point intéressant de l’article, quelques informations supplémentaires sur René Balme, même si cette information, sortie à dix jours des législatives, a tout d’une belle boule puante. Pourquoi m’avoir infligé la logorrhée qui précède ?