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Billet de blog 5 novembre 2014

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Histoire : l'éternel retour

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A la mort du "Roi Soleil" (1715), le pays est ruiné par des décennies de guerres incessantes, ajoutées aux fastes de la cour. La dette publique équivaut à dix ans de recettes fiscales et l'Etat se voit contraint d'emprunter au taux - exorbitant à l'époque - de 8%. A ce bilan désastreux s'ajoute l'intolérance religieuse, qui aboutit à la plus grosse faute politique de l'histoire de France (la révocation de l'édit de Nantes) et au départ des huguenots, emportant à l'étranger savoir-faire et capitaux. Non, décidément, Louis XIV n'est pas le grand roi que se complait à nous décrire l'histoire propagandiste à la Michelet !

Les fortunes mal acquises : l'histoire de l'ancien régime en grouille : Richelieu, Colbert, Mazarin... Et pour un Fouquet emprisonné à vie, combien ont joui de ces fortunes acquises par l'exercice du pouvoir à leur propre profit ! A commencer par les fermiers généraux : cette peu honorable institution était chargée du recouvrement des impôts par une procédure qui encourageait tous les abus : les fermiers généraux devaient verser chaque année au trésor la somme forfaitaire fixée par l'administration. Pour s'enrichir, libre à eux de pressurer le peuple, car la différence entre impôt prévu et impôt perçu leur était acquise. On imagine les exactions qui accompagnaient ces pratiques ! A tel point que la révolution fera passer au rasoir du bon docteur Guillotin tous les fermiers généraux qu'elle pourra attraper (parmi ceux-ci, le savant chimiste Lavoisier).

A la fin du règne de Louis XIV, une seule voix va s'élever pour dénoncer le scandale de la fiscalité : Vauban préconise une réforme fiscale mettant à contribution les revenus de la noblesse et du haut clergé. On imagine facilement que ces propositions ne lui font pas que des amis ! Elles valent même une disgrace royale à ce grand serviteur de l'état.

Quand les institutions privées contrôlent l'émission de monnaie... Est-ce en pensant au système mis en place par John Law sous la régence de Philippe d'Orléans que Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis, écrira plus tard ; "si le peuple américain per met un jour que les banques privées prennent le contrôle de la monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour priveront le peuple de toute possession, d'abord par l'inflation, puis par la récession"  ? La banque générale, confiée à Law, reçoit le privilège d'émettre la première monnaie papier de notre histoire, garantie par l'état. Lorsque le système s'effondrera, ce sera au contribuable - c'est à dire au peuple puisque la noblesse était exemptée d'impôt - de payer pour les errements des banques. Rien de nouveau sous le soleil !

Ponzi non plus n'a rien inventé et surtout pas la pyramide qui porte le nom de cet escroc ! Les quantités de papiers émises étaient très supérieures aux encaisses or. Outre qu'il était générateur d'inflation, le système inventé par Law ne pouvait donc se pérenniser que si les rentrées étaient suffisantes. C'est la définition même d'une pyramide de Ponzi.

Délit d'initié sous la régence : là aussi, notre triste époque, où la voyoucratie domine la finance et l'économie, n'a rien inventé : l'effondrement de la pyramide est provoqué par deux des plus grands charognards du royaume - tous deux princes de sang royal - qui anticipent la faillite du système et troquent leurs avoirs de papier contre l'équivalent en or. C'est le règne de l'argent bêtement hérité, follement emprunté ou malhonnêtement gagné, qui s'étale sans vergogne au gré des fêtes somptueuses, du jeu débridé, des fêtes galantes, comme les "petits soupers de Philippe d'Orléans. Et ceci alors que le nombre de pauvres n'a jamais été aussi élevé.

Depuis, la nuit du 4 Aout (abolition des privilèges) est passée par là. Pourtant les choses ont-elles vraiment changé ? Les fortunes acquises en ruinant les entreprises et les salariés qui y travaillent s'étalent au grand jour, il y a une pyramide de Ponzi sous chaque caillou (le système bancaire lui-même n'es est-il pas une à l'échelle mondiale ?). Il ne se passe pas un jour sans révélation d'un délit d'initié ou d'une fraude fiscale, les banques en perdition sont renflouées, sans contrepartie, aux frais du contribuable. Et ce sont les institutions qui gravitent autour d'elles (FMI, BCE, agences de notation) qui imposent l'austérité au profit des 1% les plus riches !

Les discours politiques ne sont que du vent tant que le pouvoir politique n'aura pas repris le contrôle de la finance. Est-ce si difficile à comprendre pour le président de la Commission Européenne, le Directeur de la BCE, les chefs d'état et toutes les institutions mises en place soi-disant pour défendre les intérêts des citoyens ? Est-il si difficile de comprendre que les pratiques de la finance nous mènent droit dans le mur ? Une alternative : les dirigeants de ces institutions sont-ils complètement inconscients ou, comme Richelieu ou Colbert, abusent-ils seulement du pouvoir pour s'enrichir ?

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