Le titre de ce billet est tiré d'un article, paru dans Médiapart en juillet, et signé par le prix Nobel Joseph Stiglitz (voir la pièce jointe).
Cet article nous confirme d'abord qu'une sortie de l'euro serait extrèmement coûteuse. Cela est illustré par un article récent du Monde portant critique des positions du Front National sur le sujet. Que nous le voulions ou non, nous devrons faire avec la monnaie unique ! Et Stiglitz dit la même chose, tout en affirmant que l'euro n'est pas une fin en soi, et en reconnaissant que celui-ci a plutôt eu une influence négative sur la croissance de la zone euro et le niveau de vie des européens. A ce propos, il cite même l'Allemagne, souvent citée chez nous comme un modèle de réussite et un parangon de vertu : la croissance, sur les cinq dernières années, n'y a été que de 0,63%, ce qui, dit-il, aurait été en d'autres circonstances synonyme d'échec total.
Cet article nous dit ensuite que lorsque nous avons voté pour le traité de Maastricht, la façon dont nous avons conçu l'euro reflétait les doctrines de l'économie néolibérale : faible inflation, indépendance de la banque centrale, dette et déficit faible, libre circulation des capitaux devaient assurer la croissance, la stabilité de l'économie, la confiance dans la monnaie. Or chacune de ces doctrines s'est révélée fausse : nous avons tellement bien lutté contre l'inflation que la zone euro se trouve aujourd'hui menacée de déflation aux effets beaucoup plus graves, par la "vertu" de politiques d'austérité intempestives. Il fallait faire confiance aux capacités d'autorégulation du marché et la banque centrale ne devait intervenir que pour contenir l'inflation. Mario Draghi marche aujourd'hui à contre-courant de ces doctrines et cela lui vaut d'être assigné devant les juridictions européennes par les intégristes allemands du néo-libéralisme. Les excédents financiers et les faibles ratios dette/PIB, qui étaient ceux de l'Espagne et de l'Irlande ont fondu comme neige au soleil sous l'effet de la crise, ce qui montre que la conception de l'euro n'avait pas anticipé la possibilité de celle-ci. Quant à la Grèce, c'est un désastre : les services publics - dont le système de santé - ont quasiment disparu sous l'effet de la politique de restriction budgétaire et d'austérité imposée à la population. Les programmes de vaccination sont inexistants et Médecins du Monde révèle même le scandale de nouveaux -nés gardés en otage par les cliniques parce que les parents ne peuvent pas payer ! Les revenus des grecs ne sont plus suffisants pour alimenter la demande et la dette à l'origine de tous les problèmes continue d'augmenter (de 124 à 180% du PIB en six ans). Est-ce cela l'Europe que les austéritaires nous préparent pour demain ?
Cela devrait nous convaincre de la nocivité et de l'ineptie des politiques d'austérité, comme a fini par l'avouer, mais un peu tard, un économiste du FNI. Mais cela n'a rien changé aux yeux des intégristes de la doxa libérale, qui font passer l'économie avant l'être humain.
"Il est évident que, sous sa forme actuelle, l'euro met le continent en échec" affirme Joseph Stiglitz et il en conclut à la nécessité d'une modification des traités pour réformer la structure et les politiques de la zone euro. Il faut arriver, dit-il, à une véritable union bancaire. Une mutualisation de la dette sous une forme à définir - par exemple eurobonds - redonnerait confiance car, dit-il, "avec le ratio dette/PIB inférieur à celui des Etats-Unis, la zone euro pourrait emprunter à des taux négatifs, comme le font les Etats-Unis". Il préconise également de renoncer au sacro-saint dogme de la concurrence soi-disant "libre et non-faussée" pour mettre en place des politiques industrielles permettant aux pays de rattraper leur retard, ce qui implique de remplacer les politiques d'austérité par des politiques pro-croissance. Le rôle de la BCE ne doit plus se contenter de contenir l'inflation, mais également agir sur la croissance, l'emploi et la stabilité financière.
Cela rejoint les conceptions de Nouvelle Donne, qui considère l'austérité comme une absurdité économique, propose de mettre en place des programmes de grands travaux au niveau européen - notamment en ce qui concerne l'environnement et la transition énergétique, propose de faire évoluer le rôle de la BCE. Mais, en même temps, il ne faut pas se faire d'illusions : il faut une modification des traités, qui sera d'autant plus longue à obtenir que les pays du Nord y sont opposés et que les lobbies sont toujours très actifs à Bruxelles. Mais plusieurs mesures peuvent être prises sans avoir à modifier les traités : les billets de ce blog écrits avant les élections européennes en identifient plusieurs.