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Billet de blog 20 janvier 2015

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Un ancien chancelier allemand s'exprime sur l'Europe

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Dans un petit ouvrage que je viens de terminer, l'ancien chancelier Helmut Kohl exprime ses préoccupations sur la construction européenne (aus Sorge um Europa) et lance un appel pour que le processus d'union politique reprenne.

Sans surprise, l'ancien chancelier, qui a toujours été un partisan convaincu de l'intégration  européenne, redit ses convictions : l'union des pays d'Europe, sous ses différentes appellation (CECA, communauté européenne, Union Européenne) a toujours été à ses yeux une réalité qui garantissait la paix en Europe. Et, de fait, soulignons que nos pays ont connu 70 ans de paix, que la plupart des citoyens nés après 1945 peuvent dire qu'ils ne savent pas ce qu'est la guerre et que cela n'était probablement pas arrivé depuis la paix romaine. A l'inverse, les pays d'Europe qui ont connu la guerre (Grèce, ex-Yougoslavie, Ukraine, Tchétchénie, Géorgie) étaient des pays qui ne faisaient pas partie de l'Union.

Helmut Kohl affirme ensuite sa conviction que l'introduction de l'euro a été une étape essentielle et pose une question : comment les monnaies des différents pays auraient-elles résisté à la déconfiture financière de 2008 ? L'euro a été un facteur de stabilité dans la zone par sa bonne tenue face au dollar, même dans la tourmente de 2008. Peut-être était-il d'ailleurs surévalué ! Il a grandement facilité les investissements d'un pays à l'autre de la zone euro et les allemands ont été les premiers à en bénéficier. C'est également une étape irréversible : il suffit, pour s'en persuader, de mesurer les conséquences qu'aurait pour nos pays une sortie de la zone euro ! Que l'on considère l'appartenance à la zone euro comme un progrès ou comme un piège, nous ne pouvons pas le quitter et, pour qu'il réussisse, il nous faut aller de l'avant dans l'intégration européenne. Nous retrouvons ces préoccupations et ces idées dans un article du Monde datant de 2013. 

Mais Helmut Kohl est préoccupé par la stagnation actuelle de l'idée européenne sous l'effet de la crise de la dette. Il attribue cette dernière à deux facteurs : il affirme que, lui chancelier, il n'aurait jamais donné son accord à l'admission de la Grèce dans la zone euro car, même à l'époque, elle ne remplissait pas les critères fixés par le traité de Maastricht. Le deuxième facteur est une absence de rigueur par rapport à ces critères, qui a poussé les pays européens à un endettement excessif.

Mais la principale lacune de cet ouvrage est une absence d'analyse des causes de cet état de fait : il n'est fait allusion ni aux paradis fiscaux qui privent les pays européens d'une partie de leurs recettes fiscales, ni au "dumping fiscal" qui fait rage en Europe pour attirer les entreprises au détriment de leur pays d'origine. Il n'est pas fait mention non plus du fonctionnement de la Commission européenne et du parlement européens, grangrénés par les lobbies de la finance et de l'industrie : rappelons qu'en 1999, c'est l'ensemble de la Commission Européenne qui a du démissionner à la suite de malversations dénoncées par la presse belge ; qu'en 2011, c'est un député européen, Ernst Strasser, qui est surpris la main dans le sac en train d'accepter un pot de vin ; qu'en 2012, le commissaire à la santé, soupçonné de corruption, est lui aussi poussé à la démission.

Alors comment redonner l'esprit européen au citoyen grec qui constate que les politiques d'austérité imposées par l'Europe ne font qu'enfoncer son pays dans la crise et détruire ses principales institutions (le système de santé grec n'existe plus), au jeune espagnol alors que pour trouver du travail, il est obligé de s'expatrier en Allemagne (et encore faut-il pour cela qu'il ait les qualifications professionnelles requises !), au citoyen européen qui constate que, sur les bases de la corruption, de l'évasion fiscale et du dumping entre états, on ne peut rien construire de sérieux ? Comment faire confiance à un président de la Commission Européenne qui a été le principal artisan de ce scandale qu'on a appelé le luxleaks ? Comment faire confiance à des institutions européennes qui ont une forme démocratique, mais absolument pas l'esprit ? J'aurais aimé trouver les réponses dans le livre de monsieur Kohl ! 

Pourtant, les solutions existent : Joseph Stiglitz, dans un article récent de Médiapart, dénonce l'impasse dans laquelle se trouve l'euro et préconise des solutions pour y remédier. De plus, ce blog détaille l'ensemble des suggestions faites par Nouvelle Donne et le collectif Roosevelt. Pour bon nombre d'entre elles, il est inutile d'attendre une modification hypothétique des traités, bien qu'à terme, il faille y songer.

L'ouvrage commenté ici est édité par les éditions Droemer sous le titre "Aus Sorge um Europa, ein Appell". A ma connaissance, il n'existe pas de traduction française

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