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Billet de blog 25 août 2010

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Marianne se penche sur les hyper-riches

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Les riches c'est fait pour êtretrèsriches et les pauvres, très pauvres ! » Il y a quarante ans, cetteréplique de DonSalluste, alias de Funès, adressée à son valetfaisait rire la salle entière à gorgedéployée. Aujourd'hui,cettecitation de la Folie des grandeurs sert d'exergue à uneenquête aussi sérieuse et étayée queVoyage au pays desultrariches, d'Aymeric Mantoux. C'est que ces phrases quisonnaientautrefois comme des provocations amusantes (« Ne vous excusez pas,ce sont les pauvres qui s'excusent, quand onest riche, on estdésagréable i, « Mais qu'est-ce que je vais devenir, je suisministre, je nesais rien faire ! »...), dites par un personnageengoncé dans son costume et agité en permanence de tics, sontdésormaisprises au sérieux. On ne rit plus quand la réalitésociale finit par épouser sapropre caricature.

Après la panique suscitée parlagrande crise, très provisoirement endiguée à coups de denierspublics, lamachine ultralibérale s'est remise en route... et leshyper-riches sont devenus encore plus riches. Si la question deleur« place dans la société française s'impose comme unevéritable question, c'estmoins - contrairement à ce qui estrégulièrement asséné - parce que la crise financière a aiguiséle sentiment d'injustice que parce que, à l'évidence, les ordresde grandeur sont devenus effectivement incommensurables entre lehaut et le bas de l'échelle sociale.Dans une récente étudepubliée par larevue Alternatives économiques, le direc teuradjoint de la rédaction, ancien secrétaire général de laRépublique des idées, Thierry Pech, montre, tableau àl'appui,combien les inégalités ne cessent de se creuser dans notrepays. On sait que la connaissance des revenus en France progresselentement, trop lentement. C'est même curieusement un terrainencoreen friche par rapport à d'autres secteurs. Tabou ou loi del'omerta ? Toujours est-il que, depuis sa création, le mensueléconomique ne cesse de braver l'interdit et de regrouper lesdonnées souvent éparsesde l'Insee et de les passer au tamis del'analyse. Ce qui en sort est troublant et montre bien que le «ressentiment »de la population à l'égard des inégalités n'estni un fantasme, ni la manifestationd'une passion égalitaire quiserait un mal bien français comme le tartinent dans leurs essaisbâclés nos publicistesgermanopratins.La vérité est que, poursaisir le malaise,il ne faut pas s'intéresser aux 10% les plus «aisés » des Français (plus de 3 000 eurospar mois avant impôts)* car les écarts à l'intérieur de ce groupe sont encorebeaucoupplus importants qu'entre les 90% restants ». Non. Il fautpointer ces hyper-riches, c'est-à-dire ces 0,01% de fortunés àl'intérieur de celte classe aisée qui ontpassé la barre des 82000 euros par mois. Or.c'est bien à cette altitude, ainsi que lenote Pech, « que le vent des inégalités soufflele plus violemmentdepuis quelques années ». Les revenus de ces fortunés n'ont-ilspasaugmenté de 40% entre 2004 et 2007 ? Les informations qui.encore une fois,parviennent au compte-gouttes permettent de faire unconstat identique pour la période 2007-2010.Et on ne voit paspourquoi la Franceserait à l'écart de la tendance générale. Larécession n'est déjà pins qu'un mauvaissouvenir pour les plusriches en Grande-Bretagne. La dernière édition de la « Rich List »établie par le Sunday Times a constatéque la richesse cumulée des1 000 plus grandes fortunes avait connu pour l'année 2009 uneprogression de 30%, soit 77 milliards de plus, la plus fortehaussejamais enregisliée depuis la première publication de cetteenquête, il y a... vingt et un ans. Le nombre de milliardairesestpasse de 43 à 53. Et cela, alors que le Royaume-Uni affiche unchômage à sonplus haut depuis quatorze ans. Certes, ceux qui sontsur une ligne de défense et protection des pauvreshyperrichesobjecteront que cela ne touche, au final, que quelquesmilliers de personnes. Sans doute, mais ces quelquesmilliersdisposent de sommes considérables.Peu suspect d'être unrepaire d'anarchobolcheviks,le cabinet de conseil Oliver Wyman apublié, en mars dernier, uneétude, elle aussi intéressante,puisqu'elle démontrait que la fortune cumulée des millionnaires dela planète s'élèverait à50 000 milliards de dollars. C'est troisfois et demi le produit intérieur brut américain ; 50 fois lemontant des pertes occasionnées par la crise financière décritecomme la plus grave depuis 1929.« Une fraction d'hyper-riches,écrit Thierry Pech, a ainsi rompu les amarres avec le restede lasociété. » Et de poursuivre : « Une telle avance peut-elle sejustifier ? » C'est poserlà « la » question qui fâche car, eneffet, la plupart des arguments avancés pour expliquer cesrémunérations s'avèrentpeu probants. Fini le temps où l'onpouvait se contenter d'une argumentationaussi pleine de (faux) bonsens que : « Quand les riches maigrissent, ce sont les pauvres quimeurent. Aujourd'hui quand lesclasses moyennes s'appauvrissent, cesont les hyper-riches qui s'enrichissent. Toutsimplement parce queleur immense fortune est en grande partie injustifiable.Faut-ilcroire que les hyper-riches sont des personnalités trop rares sur lemar ché des dirigeants pour ne pas voir leurcote s'envoler ? Ils nesont pourtant ni des oeuvres d'art, ni des joueurs defootprofessionnels puisque l'exemple de ces derniers est souvent misen avant. Si les stars du foot ou les artistes peuventêtreeffectivement présentés comme des entrepreneurs d'eux-mêmes, letermeest abusif pour nos hyper-riches qui « oublient » un peu vitequ'ils dépendent de leur entreprise et donc, aussi, decettepiétaille revendicative que sont, à leurs yeux, les salariés.On voit bien l'utilité sociale des riches -on est toujours le richede quelqu'un -, voire des très riches qui permettent à toutuneindustrie, celle du luxe, d'exister... mais celle des hyper-riches ?Ils ne sont pas hyper-productifs, hyper-inventifs,hyper-créatifsmais le plus souvent, et le plus prosaïquement du monde,héritierset... malins. Est-il si insensé que cela de poser laquestion du sens de cette vertigineuse montée aux extrêmes ?QuandBernard Arnault touche trois fois plus de rémunération queMartin Bouygues(en 2008, 17,3 millions d'euros, l'équivalent de 1091 Smic annuels], est-ce parcequ'il est trois fois plus talentueuxque ce dernier ? Sans aller jusqu'au chameau de l'Evangile et le chasde l'aiguille à coudre, sans avoir à condamner l'usurecomme saintThomas d'Aquin, sans voir l'Antéchrist dans le livret deCaissed'épargne comme Péguy, sans verser dans le jansénisme ou lamystique dela pauvreté, on peut s'interroger sur le bien-fondéd'une telle situation. D'ailleurs, certains n'ont pas attendupours'en emparer. Partout dans le monde occidental, lorsqu'un enfantréclame à ses parentsun jouet coûteux, il s'entend répondre : «On n'est pas riches comme Rothschild .' »(la variante Rockefellerexiste aussi). Les Rothschild sont plus qu'une seulefamille. Ilsreprésentent une institution qui s'est maintenue à la pointe de labanque et de la philanthropie depuisle milieu du XVIIIe siècle. AParis même, on ne compte plus les établissementspublics quiportent ce nom. En février dernier, la vice-présidente du holdingfamilial, Ariane de Rothschild, est sortie de sa réserve pour mettreen garde contre les dérives du capitalisme financier et sa tyranniedu court terme quile condamne à enregistrer le maximum de profit enun temps record : Commebeaucoup de gens, mon mari et moi, nous nousdemandons combien de temps cela va durer, et même s'il est possibleque cela dure. »Cette impossibilité de trouver des traces decette« sagesse des affaires » conduit Ariane de Rothschild à réclamerune « réévaluation » de l'éthique patronale : « C'est pour nousuneconception essentielle d'équilibre. » Le fondateur du groupeAuchan. Gérard Mulliez,dit les choses plus brutalement : « Il fautfaire passer l'homme avant le fric. Un dirigeantqui est payé 200fois plus que le salarié de base est quelqu'un qui n'a pas de bonsens. »Ils sont nombreux à concéder que la « tyrannie durendement maximal » a rapproché les dirigeants d'entreprisedesactionnaires en les éloignant de leur personnel et que l'immensemajorité des salariés perçoivent leur patroncomme peu soucieux deleurs intérêts.

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