Le pays des droits de l'homme témoigne d'une régression inquiétante. Un ministre de l'éducation nationale a décidé de mobiliser les enseignants. Certes, mais le pouvoir, lui, ne fait rien alors qu'il a un moyen très efficace d'agir pour rattraper ce retard. Ce constat amène à s'interroger sur la sincérité de la démarche et savoir qui se moque du monde, des enseignants, des élèves, des parents d'élèves, des électeurs.
La "morale laïque" viserait à réaffirmer l'égalité et la justice, c'est-à-dire promouvoir la prohibition de la discrimination. Soit, mais alors pourquoi botter en touche politiquement un problème en en chargeant l'école quand le pouvoir et la majorité ont la possibilité de le résoudre très facilement et très rapidement ?
Le dernier rapport de la commission nationale consultative des droits de l'homme sur la lutte contre le racisme et la xénophobie propose la ratification par la France du protocole additionnel N°12 de la Convention européenne des des droits de l'homme interdisant toute forme de discrimination (la France ne l'a toujours pas ratifié depuis le 4 novembre 2000).
Voilà un cas pratique de " morale laïque ". L'Etat français renâcle à ratifier depuis 12 ans un texte qui élargit la prohibition de la discrimination. L'abstention des dix dernières années n'étonnera peut-être pas les observateurs.
Mais comment ne pas s'étonner, en revanche, avec le " changement maintenant ", de l'incohérence à entendre le pouvoir s'émouvoir, d'une part, d'une mentalité discriminatoire en France sans, d'autre part, le voir ratifier l'instrument juridique efficace pour la prévenir ?
Il est malhonnête de se défausser dans ces conditions du problème de la discrimination sur l'école en s'abstenant d'exercer ses prérogatives pour la sanctionner efficacement et y mettre un terme.
Qu'attendre de mieux de l'école si l'Etat néglige un instrument juridique autrement plus performants que toute la bonne volonté des enseignants ?
Ces derniers vont y perdre leur crédibilité quand les élèves comprendront que l'Etat les charge d'expliquer un problème tout en s'abstenant d'agir.
C'est donc se moquer des professeurs que de les inviter à s'occuper d'un problème dont le pouvoir se désintéresse manifestement depuis des années.
Il n'y va pas seulement de la seule crédibilité des enseignants.
Quel sens de faire cours sur un sujet que l'Etat s'abstient de faire progresser ? Les élèves identifieront rapidement le principal responsable de la régression des droits de l'homme en France.
La " morale laïque " d'accord, mais que le pouvoir soit cohérent avec ce qu'il demande à l'éducation nationale. Qu'il ratifie le protocole additionnel numéro 12.
Cela permettra aux enseignants d'illustrer leur cours en montrant comment le pays des droits de l'homme se préoccupe vraiment de la liberté, de l'égalité, de la solidarité, de la justice et du respect de l'autre. Et d'étendre leur réflexion au-delà des limites de l'école, parce que ces droits sont ainsi renforcés devant les tribunaux. Parce que la justice ne se fait pas à l'école, même si elle y contribue.
Qu'en pensez-vous Monsieur Lelièvre, Monsieur Bobérot, Monsieur Quilès, Monsieur Peillon, Madame Taubira, Monsieur Hollande ?
On le ratifie ou pas ce protocole additionnel numéro 12 ?
C'est une histoire de quelques jours.
Demandez à Robert Badinter si vous ne savez pas comment faire : " « La France se doit d’être exemplaire en matière de droits et libertés ou doit renoncer à être elle-même », clamait Robert Badinter en 1981. C’est cette considération qui a guidé son combat contre la peine de mort, tout comme son implication en faveur de la ratification par la France de la Convention européenne des droits de l’homme. " (Source)