
Bernard Petit est " limogé " pour " violation du secret de l'instruction " (violation article 11 du code de procédure pénale), avec l'approbation ferme de Manuel Valls qui n'estimait pourtant que ce n'était qu'une " faute déontologique ", s'agissant de Christian Flaesch ; sachant que c'est Manuel Valls qui avait nommé Bernard Petit en promettant de mettre un terme aux mauvaises pratiques.
La différence entre Bruno Petit et Christian Flaesch est impressionnante. Les conseillers de Manuel Valls, qui lui ont conseillé le premier pur remplacer le second, sont des cadors. Sont-ce les mêmes qui le conseillent sur le risque terroriste ?
Manuel Valls garde ses habitudes et fait l'éloge du remplaçant de Bruno Petit, dont le Figaro précise qu'il a dirigé la SDAT à partir de 2008. Laurent Borredon, dans le Monde, rappelle que c'est le directeur de la SDAT qui a demandé l'ouveture de l'enquête préliminaire contre les épiciers de Tarnac, le 8 avril 2008. Sauf qu'on ignore toujours sur quels éléments probants s'est déclenchée cette affaire... et comment elle a pu prospérer aussi longtemps.
Les conseillers de Manuel Valls ont un sens affirmé de la communication et du marketing. Il semble cependant qu'ils n'ont pas encore pris la mesure de la nuance pouvant exister entre la sécurité du public et une lessive.
Mais revenons-en à Bernard Petit.
Voilà qu'il aurait été limogé.
Que veut dire " limogé " ?
Le question est d'importance car "limogé" ne veut rien dire en droit de la fonction publique. Un fonctionnaire est soit mis en diponibilité, déplacé, suspendu, révoqué. Mais "limogé", non, désolé, c'est une situation qui n'existe pas dans le statut de la fonction publique.
Souhaitons lui de connaître tout le malheur qu'a connu son prédécesseur.
En effet, Christian Flaesch a été n'a pas été sanctionné.
Non, il a été promu au grade d'inspecteur général de la police nationale par le décret du 19 décembre 2013 NOR: INTC1330535D.
Voilà une manière assez agréable de se faire sanctionner en considération des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Les policiers de la Bac de Marseille aimeraient sûrement connaître un pareil accablement. Christian Flaesch continue donc tranquillement sa carrière, ailleurs. Qu'il en soit félicité.
Limoger sous-entend aussi "révoquer ", mais une révocation est une sanction qui implique le respect de la procédure disciplinaire, comme ce fut le cas pour Michel Neyret ; ce qui ne paraît pas être le cas pour Bruno Petit.
Alors le gouvernement, en parlant de limogeage, ce qui ne signifie rien de précis, se moque du monde ; sinon qu'il y a l'affirmation publique d'un préjugement, ce qui violerait le droit à un procès équitable, en plus du mépris pour la présomption d'innocence, s'il y a vait des poursuites contre Bruno Petit.
Ensuite, se pose la question de savoir comment expliquer la différence significative de traitement entre un Bruno Petit, mis en examen pour "violation du secret de l'instruction", et un Christian Flaesch, ayant lui aussi commis une violation du secret de l'instruction, mais qui, dans son cas, ne constitue qu'une "faute déontologique", même pas disciplinaire à moins de considérer sa promotion au grade le plus élevé de la police comme une sanction. Voilà une manière très aristocratique de récompenser un manque de goût ou de savoir-vivre policier, qui ne nécessitait pas de poursuites judiciaires, si on considère les évènements.
Il y a apparemment eu un sévère retournement de jurisprudence qui soulève cependant la question du respect de l'égalité de tous devant la loi et du principe de sécurité juridique, si on accepte de considérer la déconvenue de Bernard Petit, du côté de sa défense.
La démosntration d'une telle entorse aux principes d'égalité devant la loi et à la sécurité juridique se passant dans la police, et frappant son sommet ; il devient dès lors plus facile de comprendre les distorsions pouvant être constatées dans les différences de traitement des mis en causes à propos de crimes ou délits identiques.
Bernard Petit n'a pas bénéficié non plus du même traitement médiatique que Christian Flaesch.
Comment expliquer une telle mobilisation médiatique, dans un cas, avec l'annonce d'une sanction exemplaire dès le départ, et dans l'autre, un traitement très discret, minimisé par le ministre ? Au point d'être promu le même jour de la nomination de son remplaçant comme le montre le Journal officiel "Lois et Décrets" - JORF n°0297 du 22 décembre 2013, mesures nominatives, ministère de l'intérieur :
- 64 Décret du 19 décembre 2013 portant nomination d'un directeur des services actifs de police de la préfecture de police - M. PETIT (Bernard)
- 65 Décret du 19 décembre 2013 portant nomination d'un inspecteur général des services actifs de la police nationale - M. FLAESCH (Christian)
Voilà qui donne l'image d'une loterie judiciaire qui, si elle trouve à s'appliquer à des directeurs de la police, ne laisse présager rien de bon pour le vulgum pecus.
Serait-ce la personne à l'autre bout du fil qui téléphone au commissaire violant le secret de l'instruction qui fait la différence ?
Dans un cas c'est un ministre UMP entendu dans une affaire trahison internationale où un candidat à l'Elysée serait acheté par un dictateur étranger, ce n'est qu'un manque de savoir-vivre ; dans l'autre, une histoire de préfet pour des régularisations, là c'est une infraction qui mérite une mise en examen illico presto.
Un flic trop conciliant avec des étrangers en situation irrégulière, voilà qui déplaît furieusement.
Un président de la République dont l'élection est achetée par un dictateur pour plusieurs dizaines de millions d'euros, on s'en fout ; mais les magouilles du préfet, là, non, on ne rigole pas.
Les préfets et les commissaires sont prévenus. Déconner avec un ministre (mais en fonction) permet tout. En revanche, dès qu'il ne l'est plus, s'abstenir (cf. l'affaire du Carlton).
Non ce n'est pas sérieux, on ne peut pas croire que cela suffit à expliquer la différence de traitement entre Bernard Petit et Christian Flaesch. Le serait-ce, que cela ne l'est pas plus.
Les médias et l'opinion sentent bien que cela ne passe pas. C'est un peu gros.
Bon, alors, c'est quoi ?
Et là, surprise, que lit-on et qu'entend-on en coeur pour étoffer cette disproportion entre les deux affaires Petit et Flaesch ? Que ce serait une histoire de franc-maçons.
Fichtre. N'y aurait-il pas encore un coup de com' de lessivier là derrière ?
Olivier Toscer l'explique dans le Nouvel Obs qui, tout en finesse, titre PJ de Paris : Bernard Petit, "victime" des "Frères" francs-maçons
Le Nouvel Obs prend la relève de l'Express : " Dans le 93, débuts laborieux pour Beschizza, policier et franc-maçon "
Le marronnier franc-maçonnique est en avance de six mois cette année.
Il y aurait donc des bons et des mauvais franc-maçons qui se tirent dans les pattes. Si on comprend l'article de Toscer, Valls a un faible pour les bons. Ceux qui ne sont pas de la crèmerie à Petit, mais plutôt de celle de Flaesch, alors ?
Jean-Michel Décugis raconte la même chose sur I-Télé : " Soupçonné de fuites, le patron de la PJ parisienne mis en examen et remercié ". Son ouvrage " Place Beauvau ", coécrit avec Christophe Labbé et Olivia Recasens, dans lequel il révélait des actes de torture sur des personnes gardées à vues (toujours pas poursuivies - les policiers mis en cause n'ont pas contesté en justice ces révélations), comporte un chapitre " Tous frères ? ".
Un peu court, quand même.
Même si le Monde souligne aussi l'appartenance des mis en cause du Carlton à la franc-maçonnerie.
" L’enquête se complique quand les écoutes révèlent les liens étroits qui unissent Dodo la Saumure, René Kojfer et quelques clients à plusieurs fonctionnaires de police retraités ou en activité, dont Eric Vanlerberghe, ancien président de la Mutuelle du ministère de l’intérieur devenu détective privé, et Jean-Christophe Lagarde, commissaire divisionnaire chef de la sûreté départementale Nord. La plupart appartiennent à la même loge maçonnique, dînent régulièrement en compagnie de l’avocat Emmanuel Riglaire – frère de loge lui aussi, qui défend Dodo la Saumure – et acceptent les remerciements en « bouquets garnis ». " (Le Monde "DSK au centre du procès du Carlton" | Mis à jour le 02.02.2015 à 12h46| Par Pascale Robert-Diard)
Les crémiers devraient un peu faire le ménage et cesser d'accepter n'importe qui.
En revanche, s'il existe une discrimination maçonnique dans la police, cela devient vraiment ridicule. Niveau pipicacadodo...
Il va falloir préciser le mode d'emploi de l'avocat face à une telle police, qui devra expliquer à son client qu'il est, lui de la bonne, ou de la mauvaise loge, selon qu'il se fait matraquer ou bénéficie de la mansuétude de la police ou du tribunal. Peut-on aussi imaginer les avocats préciser eux-mêmes qu'ils font de la bonne ou de la mauvaise loge ?
" Ah ? une affaire pénale, désolé, je suis de la bonne loge qui va bien pour les affaires immobilières seulement. "
Il ne reste donc plus à Manuel Valls de préciser quelle est, selon lui la bonne loge, afin de permettre aux commissaires de savoir s'ils commettent de simple faute déontologiques ou un acte valant le " limogeage ". Et puis de préciser si, pour le Milieu, ça peut aussi rendre service. Parce qu'apparemment, à infraction identique, le traitement change. Les principaux intéressés de la répression pénale ont un besoin légitime de savoir. Ne serait-ce que pour le respect du droit à un procès équitable.
En attendant, l'éjection très médiatisée de Bernard Petit et la disproportion de sa médiatisation avec celle de Christian Flaesch n'ont rien de rassurant et soulèvent bien plus de question qu'elles n'en résolvent sur les relations entre la police et le politique.