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Billet de blog 7 octobre 2010

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QPC sur l'hospitalisation d'office

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le Conseil d'État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant principalement les modalités de l'hospitalisation d'office (1).

La haute juridiction juge que « les moyens tirés de ce que, compte tenu du caractère insuffisant tant de l'intervention de l'autorité judiciaire dans la procédure permettant de maintenir, à la demande d'un tiers, une personne en hospitalisation sans son consentement que des garanties accordées à cette personne pendant l'hospitalisation, les dispositions précitées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté individuelle ainsi qu'à la protection de celle-ci par l'autorité judiciaire en vertu de l'article 66 de la Constitution, soulèvent une question présentant un caractère sérieux ». CE 24 sept. 2010, Schnitzer, n° 339110

Le Conseil d 'Etat avait déjà soulevé la question dans un arrêt du 9 juin 2010 en précisant les médecins compétents pour établir le certificat circonstancié au vu duquel le préfet peut prononcer une hospitalisation d'office. La haute assemblée affirmait, après avoir repris l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, « qu'il résulte de ces dispositions, qui ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives aux cas dans lesquels une personne peut être privée de sa liberté, que l'hospitalisation d'office ne peut être prononcée qu'au vu d'un certificat médical, qui doit être circonstancié ». CE 9 juin 2010, M. L..., req. n° 321506.

La Cour de Strasbourg a récemment rendu un arrêt pouvant éclairer le Conseil constitutionel et le Conseil d'Etat.

La détention d'une personne peut se justifier « lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ». Toutefois, ce motif de détention ne se prête pas à une politique de prévention générale dirigée contre une personne ou catégorie de personnes qui se révèlent dangereuses par leur propension continue à la délinquance. Il se borne à ménager aux Etats contractants le moyen d'empêcher une infraction concrète et déterminéee. Cela ressort à la fois de l'emploi du singulier (« une infraction ») et du but de l'article 5 : assurer que nul ne soit arbitrairement dépouillé de sa liberté.

90. Il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour relative à l'article 5 § 1 que toute privation de liberté doit non seulement relever de l'une des exceptions énoncées aux alinéas a) à f) mais aussi être « régulière ». En matière de « régularité » d'une détention, y compris l'observation des « voies légales », la Convention (...) impose, en premier lieu, que toute arrestation ou détention ait une base légale en droit interne, mais concerne aussi la qualité de la loi ; (...) la veut compatible avec la prééminence du droit, notion inhérente à l'ensemble des articles de la Convention. La « qualité de la loi » implique qu'une loi nationale autorisant une privation de liberté soit suffisamment accessible, précise et prévisible dans son application afin d'éviter tout danger d'arbitraire. Le critère de « légalité » fixé par la Convention exige donc que toute loi soit suffisamment précise pour permettre au citoyen – en s'entourant au besoin de conseils éclairés – de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé.

91. Toutefois, l'observation de la législation nationale ne suffit pas ; l'article 5 § 1 exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but consistant à protéger l'individu contre l'arbitraire.

AFFAIRE M. c. ALLEMAGNE du 17/12/2009 Requête 19359/04

La loi française pose donc un problème de qualité quant à son respect de la prééminence du droit et des garanties à éviter tout danger d'arbitraire.

En l'espèce, la loi nouvelle française est contredite par des dispositions du code de procédure pénale ; lesquelles n'échapperont pas à la perspicacité du juge européen qui n'hésitera pas à soulever la contradiction pour juger la réforme des hospitalisations d'office "irrégulière".

En effet, les personnes placées en garde à vue ont droit à une visite médicale pour établir la compatibilité de la mesure privative de liberté avec leur état de santé (Article 63-3 du code de procédure pénale). Il est dès lors paradoxal qu'un tel droit n'existe pas pour une mesure privative de liberté tirant prétexte d'un état de santé supposé, invoqué par une autorité administrative n'ayant aucune compétence pour l'apprécier, tout en écartant tant l'intervention du juge judiciaire, garant des libertés individuelles, que le celle du médecin, seul apte à apprécier l'état de santé de la personne visée par la mesure.

Les justiciables soulèveront l'exception d'inconventionnilité de la loi nouvelle pour permettre au juge d'en écarter l'application et d'annuler la décision d'hospitalisation d'office prise par le préfet.

Reste encore au justiciable d'avoir accès au tribunal, ou à un juge, ce que la loi nouvelle ne semble pas organiser de façon efficace et constitue une autre violation de la Convention européenne des droits de l'homme.

Un commentaire sur un blog de droit administratif en guise de conclusion : "Du point de vue de l'avocat, sauf tactique dilatoire, il est plus efficace de soulever l'inconventionnalité d'une loi, le juge aura pleine juridiction pour trancher le moyen sans en référer à son juge suprême puis au conseil constitutionnel. Par ailleurs, l'absence de moyen d'ordre public pour la violation de la CEDH dans la jurisprudence du Conseil d'Etat n'est plus soutenable, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, à plus forte raison lorsque la violation porte sur des règles processuelles comme l'article 6 de la CEDH, règle que manie quotidiennement le juge."

Les articles de Médiapart sur le sujet :

Non à la garde à vue psychiatrique

L'appel de Noël Mamère

Article de la LDH de Toulon :

Objectif assigné à la psychiatrie publique : le “risque zéro”

(1) portant sur les articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351 du code de la santé publique, désormais repris aux articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1

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