Ce n'est pas un politique ni un économiste, mais un journaliste, Hervé Martin, dans le Canard enchaîné de cette semaine, qui fait la démonstration de la nullité du programme du FN, non sans humour (" Alerte ! Avec le programme économique du FN , le collectivisme est à nos portes ! " - le Canard enchaîné mercredi 11 mars 2015 p.4). Le Canard tire ainsi le fil de l'écheveau du débat politique et en montre sa médiocrité, expliquant le naufrage de la démocratie par l'étrange paresse de la plupart des commentateurs, la complicité étonnante d'une classe politique à s'abstenir durablement d'attaquer le FN sur ses faiblesses et la soumission de la justice à cette logique qui, par exemple, dans une affaire de corruption, préfère poursuivre le mis en cause pour proxénétisme.
Félicitation au Canard d'ouvrir enfin le feu sur l'imposture programmatique de cette association familiale qui prospère grâce aux subventions électorales, à la naïveté de son électorat et à la mansuétude de ses soit-disant opposants politiques, dont aucun ne s'est appliqué jusqu'à ce jour à démontrer le grande perfectibilité, voire la déficience des mesures de ce programme, une mauvaise rédaction de cancre qui pense, en rendant une copie faire sur un coin de table, remplir son obligation politique.
Etrangement, cette analyse politique essentielle n'a pas été reprise. La révélation d'une imposture qui conduit le pays dans le mur n'intéresse personne. Même pas le premier ministre ni le président.
Il n'y a malheureusement rien d'étonnant.
L'escroquerie programmatique n'est pas propre qu'au FN. Cela explique que les autres partis ne s'investissent pas trop dans la critique de peur, par un effet boomerang, de se voir eux-mêmes ridiculisés par une observation critique de leur copie.
La presse elle-même ne s'appesantit pas trop sur le sujet non plus. Cela demande beaucoup moins de travail de se limiter au bavardage habituel que de s'investir dans un travail d'analyse.
Tout le monde, parmi les prescripteurs d'audimat et d'annonceurs publicitaires, y trouve finalement son compte ; et tant pis si pour le pays. Les électeurs, au spectacle de guignols s'invectivant et découvrant soit-disant la réalité économique que deux ans après l'arrivée au pouvoir, préfèrent aller se promener les jours d'élections ou rester chez eux.
Une palme spéciale revient au commissaire européen Pierre Moscovici qui critique la France pour sa mauvaise politique économique en oubliant qu'il était le ministre de l'économie de la France. Pierre Moscovici ne s'est jamais inquiété des 150 milliards d'euros qu'il oubliait de recouvrir chaque année et qui ont manqué au budget (150 milliards représentent plus de la moitié du budget de l'Etat).
" 150 milliards, c’est la somme de toutes les fraudes, évaluée par Charles Prats, un magistrat très fiable. Si on accumule fraude fiscale, argent de la corruption qui commence à pouvoir être valorisé, et la fraude sociale, le total donne cette somme. Bercy reconnaît les 80 milliards d’euros de fraude fiscale. " (Antoine Peillon, dans Siné mensuel)
Ce n'est donc pas l'argent qui manque en France, mais plutôt l'impéritie politique à recouvrir les impôts et les charges chez ceux qui en ont le plus. Inutile de chercher plus loin la cause des difficultés financières du pays. L'affaire de Lille a montré la mansuétude de la justice pour la corruption, requalifiant l'affaire en "proxénétisme" pour exiger ensuite une interprétation stricte du droit pénal. Personne ne s'est étonné que le parquet n'ait pas correctement qualifié les faits comme il le fallait. Il s'est même trouvé des chroniqueurs pour féliciter le procureur venu expliquer sans craindre le ridicule qu'il n'y avait pas de proxénétisme (avec un proxénète sur le banc des accusés) et réclamer l'acquiquettement.
La promotion de Pierre Moscovici qui l'a porté à s'occuper de l'avenir de 500 millions de citoyens européens - plutôt que de seulement 65 millions de Français - montrera s'il est tout aussi incompétent ou inefficace à propos des 2000 milliards d'euros d'évasion fiscale qui plombent tous les ans l'économie de l'Union européenne. La rigueur de l'Allemagne à l'égard de la Grèce dans ces conditions est indécente. Cette contradiction n'est pas ou très peu commentée.
Il ne faut pas s'étonner qu'avec une telle démonstration de désinvolture politique vis-à-vis des institutions européennes - désigner un homme totalement étranger aux priorités de sa fonction - que la France et les Français soient si peu écoutés.
Cette incohérence non plus n'a jamais fait l'objet de la moindre mise en cause des choix politiques français.
Cela confirme que François Hollande a la qualité exceptionnelle d'identifier les gens incompétents et à les promouvoir à des postes avec la certitude qu'ils feront des dégâts.
Reste qu'il faut espérer que l'initiative rafraichissante d'Hervé martin fasse des émules et stimule la curiosité de ses confrères à défaut d'avoir des politiques qui s'intéressent au programme de leurs adversaires, pour s'épargner eux-mêmes la nécessité d'en écrire un de sérieux. Comment s'étonner ensuite qu'une telle paresse ne favorise pas la corruption ? La paresse est la mère de tous les vices. L'extrême-droite n'en est qu'une conséquence.