Le débat sur l'identité nationale manque de perspectives historiques. Quelques exemples pour illustrer la régression intellectuelle qu'il illustre, sa persévérance, ses incohrences intellectuelles et une éventuelle solution, pour peux qui acceptent d'oublier le mythe national et la légende républicaine masquant les aspects sombres d'un héritage historique pas plus glorieux qu'un autre.
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Le massacre d'ouvriers italiens par des ouvriers français à Aigues Mortes en 1893. Ils venaient déjà manger le pain des Français. Ils n'étaient pas comme nous : des ritals, des macaronis, des ... On mesure le chemin parcouru quand on surprend des personnes au nom espagnol, portugais, italien, polonais critiquant aujourd'hui l'invasion et l'atteinte à l'identité nationale par des "bougnoules", des "ratons", des "nègres"... le métèque de l'Antiquité. "Le juif errant est arrivé" se décline à l'infini. La pratique des camps ne disparait pas.
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Le débat sur l'identité nationale montre les limites de la posture déclamatoire. Il ne sert à rien de rappeler des principes quand l'actualité (*) s'inscrit obstinément dans une perspective historique dont elle peine à s'extraire.
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Les édits d'expulsion et de spoliation des juifs du royaume :
Philippe Auguste : 10 mars 1182
Philippe le bel : 1306
Charles IV le bel : ordonnance du 24 juin 1322
Explication du nom de la rue brûlée à Strasbourg. Les corporations tirèrent un avantage immédiat de ce massacre qui fit disparaître leurs créanciers. Les fournisseurs de viande des bouchers strasbourgeois - qui prirent une part prépondérante dans ce massacre - étaient des éleveurs juifs. Le côté sombre de la mentalité bourgeoise manipulant les foules pour défendre ses intérêts. Une analyse critque de la Révolution au regard de la conditions ouvrière qui subira le livret ouvrier jusqu'à la fin du 19° siècle peut donner à réfléchir.
Charles Vi le fou : arrêté royal du 17 septembre 1394
Napoléon Ier : le décret infâme du 17 mars 1808
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Analyse de l'héritage :
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Ces décisions ont été dictés par des considérations économiques. Le judaïsme a été un prétexte pour stigmatiser l'altérité et fixer le ressentiment de l'opinion. C'est un phénomène toujours d'actualité. La confusion entre "terroriste" + "religion" + "étranger" rappelle l'instrumentalisation politique du juif d'autrefois. L'historienne Jacqueline Lalouette rappelle que l'antisémitisme a d'abord été de gauche.
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La loi des suspects témoigne de sa persistance dans la mutiplication des fichiers. Cette consécration doctrinale politico administrative n'est contestée par aucun parti de gouvernement au nom d'une l'Union sacrée que critique Hannah Arendt.
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Le progrès technique ne s'est pas accompagné d'un progrès intellectuel équivalent. Laborit résume la contradiction en parlant de «L’automobiliste du Néanderthal». Jacques Ellul a souligné cette incohérence que reprend Bernard Stiegler dans sa dénonciation du "populisme industriel". La régression ne frappe pas les classes populaires - Orwell démontre le bon sens populaire qu'il appelle la "Common decency" - mais bien plus les classes dirigeantes dont les déclarations officielles sonnent comme une abdication ou un reniement.
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L'actualité démontre l'absence d'ambition intellectuelle de la politique. Des icônes de cette imposture sont identifiées (je recommande cet autre livre).
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Einstein dénonçait la satisfaction des instincts de masse. Isocrate est encore plus prémonitoire : « Ce n'est pas dans les lois, c'est dans les moeurs qui règlent la conduite de chaque jour, que la vertu peut trouver son accroissement, car les hommes, en général, se modèlent sur les moeurs au milieu desquelles leur éducation s'accomplit. La multiplicité des lois, comme le soin avec lequel elles sont rédigées, est l'indication d'une mauvaise organisation de l'état social, car elles prouvent la nécessité d'opposer par le grand nombre des lois un rempart à la multitude des crimes. [41] Les peuples sagement gouvernés ne doivent pas couvrir de lois leurs portiques, mais ils doivent avoir la justice dans le coeur. Ce ne sont pas les lois, ce sont les moeurs qui assurent la félicité des États, et les hommes nourris dans de mauvais principes oseront toujours transgresser les lois les plus habilement rédigées ; tandis que ceux qui auront été élevés dans des principes sages, voudront toujours obéir aux lois, même les plus simples. ». Rien de vraiment neuf sous le Solei des Lumières depuis 2500 ans, sinon l'électricité et le pétrole, le pue de la Terre selon René Barjavel.
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Le débat sur l'identité nationale illustre enfin l'échec intellectuel de la nation et de son principe. C'est aussi sur cela qu'il faudrait s'interroger. Le patriotisme constitutionnel offre une piste de réflexion intéressante.