M.-C. de Montecler écrit, dans son article "Le sénat veut réformer la prise illégale d'intérêts pour les élus locaux" que : " Droite et gauche confondues, les sénateurs veulent modifier la définition du délit de prise illégale d'intérêts pour « éviter aux élus honnêtes » des poursuites, selon eux injustifiées. Le Sénat a adopté, le 24 juin 2010, à l'unanimité, une proposition de loi du sénateur Bernard Saugey visant à clarifier le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts."
Ce texte remplace quelques mots du premier alinéa de l'article 432-12 du code pénal punissant de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique […] de prendre, recevoir ou conserver, […], un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». La proposition de loi substitue « un intérêt personnel distinct de l'intérêt général » à « un intérêt quelconque ».
Le sénateur Saugey affirme que la proposition « ne tend pas à protéger les élus, mais à éviter aux élus honnêtes d'être importunés ». La formulation « intérêt quelconque » serait « trop vague ». Ils souhaitenet ainsi mettre un terme à la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim. 22 oct. 2008, AJDA 2008. 2144 ; AJ pénal 2009. 34, obs. Royer ; D. 2008. AJ 3013) qui a condamné des élus de Bagneux pour avoir voté des subventions à des associations qu'ils présidaient es-qualité (1).
À l'origine réticent, le gouvernement s'en est finalement remis à la sagesse du Sénat. Il reste à savoir si et quand les députés inscriront ce texte à leur ordre du jour.
(1) La cour avait estimé que les élus avaient manqué à leur obligation « de veiller à la parfaite neutralité des décisions d'attribution des subventions à ces associations ». Ce qui est conforme à l'obligation d'impartialité pesant sur les élus et les fonctionnaires. La prise illégale d'intérêt naît de l'inexécution de cette obligation d'impartialité, indépendamment de l'intérêt personnel. C'est l'intérêt général seul qui commande. La réforme du Sénat ne fait donc pas seulement obstacle à la jurisprudence de la Cour de cassation mais également à celle du Conseil d'Etat qui a consacré l'obligation d 'impartialité comme un principe général du droit ( CE 4 mars 1949 Trèbes S.1950 III p.21 ; CE Sect. 29 avril 1949 Bourdeaux Lebon p.488 ; CE Ass. 27 avril 1951 Malmède Lebon p. 226 ; CE 7 juillet 1965 Fédération nationale des transporteurs routiers Lebon p.413 ). Le législateur contourne ainsi une jurisprudence constante et bien établie le rappelant à ses obligations.
Cette manière opportuniste de faire la loi rappelle celle votée après l'incendie du dancing de Saint Laurent Du Pont, le 1er novembre 1970, et de la condamnation du maire de la Commune à 10 mois avec sursis. Le législateur a étendu la procédure spécifique en cas de mise en cause des préfets et des magistrats pour des crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions aux (députés) maires avec la loi du 18 juillet 1974, rendant leurs poursuites plus difficiles (cf. l'effondrement du stade de Furiani ou l'incendie du tunnel du Mont Blanc).
Reste enfin à imaginer l'interprétation par le juge d'un intérêt personnel distinct de l'intérêt général.