L'organisation judiciaire française est gravement inadaptée aux standards européens et expose la France à des condamnations par la Cour de Strasbourg. C'est ce que démontre l'USM au regard des derniers textes adoptés au sein du Conseil de l'Europe. Il n'y a pas seulement la garde à vue qui pose problème. Les avocats peuvent plaider l'inconventionnalité du système judiciaire français.
Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation aux États membres sur l'indépendance, l'efficacité et les responsabilités des juges, qui actualise le précédent texte de 1994.
Le Conseil consultatif des juges européens, organe consultatif du Conseil de l'Europe a publié le même jour une Magna Carta des juges qui synthétise et codifie les principales conclusions des avis déjà adoptés. Ce document est actuellement indisponible. Il sera publié pour le dixième anniversaire du Comité consutlatif des juges européens.
Ces deux textes dépourvus de force contraignante, constituent néanmoins des sources d'inspiration pour la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, au même titre que les travaux de la Commission de Venise pour la démocratie par le droit.La recommandation CM/Rec(2010)12 du Comité des ministres sur les juges, s'adresse à « toutes les personnes exerçant des fonctions judiciaires, y compris celles traitant des questions de droit constitutionnel », ainsi qu'aux juges non professionnels, à moins qu'il ne ressorte clairement du contexte que ses dispositions ne sont applicables qu'aux juges non professionnels. Soixante-quatorze articles, réunis en huit chapitres, traitent de l'indépendance de la justice, de l'efficacité de l'activité judiciaire et des ressources qui lui sont allouées, ainsi que du statut du juge, de ses devoirs et de son éthique.
Selon ce texte, l'indépendance du juge doit être externe et interne, et être garantie par des instances elles-mêmes indépendantes, établies par la loi ou la Constitution. La recommandation définit l'efficacité des juges et des systèmes judiciaires comme le fait de « délivrer des décisions de qualité dans un délai raisonnable et sur la base d'une considération équitable des éléments ». Elle énonce encore que « chaque État devrait allouer aux tribunaux les ressources, les installations et les équipements adéquats pour leur permettre de fonctionner dans le respect des exigences énoncées à l'article 6 de la Convention européenne ». Le Conseil supérieur de la magistrature doit déclarer son recueil des obligations déontologiques comme contraignant à l'égard de l'Etat, ce qui serait normal étant donné qu'il a été pris sur le base d'une disposition constitutionnel (ce recueil devrait être gratuit et adressé à tout justiciable qui le demande).
Le livre blanc de la justice publié par l'USM montre que la France est en infraction avec la recommandation du Comité des ministres.
le Livre blanc 2010 rappelle que, dans les classements internationaux, la France figure « parmi les plus mauvais élèves de la classe européenne pour le nombre de ses magistrats rapporté à sa population et pour le nombre des personnels de greffe par magistrat » (le dernier rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice - CEPEJ - classe la France 39° sur 45 pour le nombre de fonctionnaires de justice, derrière l'Arménie et la Géorgie, avec 3 procureurs et 9,1 juges professionnels pour 100 000 habitants, pour une moyenne respective de 10,4 et 20,6 au sein du Conseil de l'Europe).
Sur le statut des juges,la recommandation présente l'inamovibilité comme « l'un des éléments clés de l'indépendance ».
La Magna Carta des juges rassemble les principes fondamentaux entourant l'activité judiciaire. Celle-ci contient vingt-trois articles qui s'articulent autour de sept thèmes dont l'indépendance des juges et ses garanties, l'accès à la justice et la transparence, l'éthique et la responsabilité. La charte pose notamment que « l'indépendance du juge doit être statutaire, fonctionnelle et financière » et qu'elle « doit être garantie dans le cadre de l'activité judiciaire, en particulier pour le recrutement, la nomination jusqu'à l'âge de la retraite, la promotion, l'inamovibilité, la formation, l'immunité judiciaire, la discipline, la rémunération et le financement du système judiciaire ». Elle précise encore que « la justice doit être transparente » (des informations doivent être publiées sur son fonctionnement) et que « le juge doit agir en vue d'assurer l'accès à un règlement rapide, efficace et à un coût raisonnable des litiges », en contribuant à promouvoir les modes de résolution alternatif.
Ces textes confirment l'idée que l'Etat français s'expose d'ores et déjà au risque d'une condamnation dans les affaires Karachi et Bettencourt si les parties décidaient en dernier recours de saisir la Cour de Starsbourg.