En fait, parler de « faute" laisserait entendre qu’il n’y en a qu’une alors que depuis l'élection de Hollande, celui-ci en a commis au moins deux majeures. La première, paradoxalement est la moins grave car il s’agit d’une faute économique stratégique. La deuxième est une faute morale car elle a accepté sans réserve le discours de l’extrême droite.
Concernant la première, sans être sociologue averti, tout le monde sait que l’électorat du PS était constitué de fonctionnaires, de cadres moyens, d’étudiants, d’employés et de retraités là aussi cadres moyens ou issus de la fonction publique. Peu d’ouvriers, de cadres supérieurs ou de patrons. Par région, ses bastions se trouvaient plutôt dans l’Ouest, dans le Nord, le Centre et la région parisienne et du côté de Marseille et du Languedoc. Une implantation qui était ancienne et forte. On sait aussi que depuis sa fondation il est traversé par deux courants principaux et irréconciliables, la tendance plutôt sociale assez favorable aux nationalisations, à une forte présence de l’Etat,et donc peu atlantiste, et à une démocratie plutôt directe, opposée à une tendance libérale tour à tour incarnée par Rocard, Fabius et DSK. C’était un peu le Yin et le Yang du PS, une sorte de marche sur deux jambes. L’arrivé de Hollande a conduit à un déséquilibre en faveur du libéralisme et del’atlantisme sans aucun arbitrage. En fait, cette situation a été possible car la partie libérale s’est comportée vis-à-vis de son aile gauche comme elle s’est comportée vis-à-vis des communistes, du Front de gauche et des verts. Elle a appliquée la technique du bulldozer en refusant, non le dialogue, mais tout compromis dans la mise en place de son programme. La « gauche plurielle » de Jospin avait tenu compte des contradictions de la gauche hors du PS, mais aussi au sein du PS. L’arrivée du couple maléfique Hollande-Ayrault a conduit à ridiculiser EELV qui n’avaient pas besoin d’eux pour cela, à rendre impossible toute discussion avec Mélenchon (même s’il y a mis du sien). Avec le pacte dit de « responsabilité » acquis par le MEDEF sans coup férir, avec l’absence d’une véritable politique fiscale, avec la faiblesse de la loi sur le logement (qui ne résoudra rien), le refus de la remise en cause de la loi LRU au sein des universités, le gel des retraites complémentaires, le gel du traitement des fonctionnaires, l’alourdissement de la fiscalité des classes moyennes, Hollande-Ayrault se sont employés méthodiquement, avec un sentiment autistique d’impunité, à écarter l’une après l’autre leur électorat. Cet abandon est réalisé sans pour autant acquérir une seule voix du camp d’en face qui dispose déjà de partis et de structures pour le représenter.
La deuxième faute est une faute morale. En effet, on parle de la dédiabolisation de l’extrême droite. En fait, le diable est le diable et la légitimation du parti d’extrême droite permet à ses électeurs de se dédiaboliser (et non l’inverse). Il autorise à la part d’ombre de ceux qui y succombent de s’exprimer avec la bénédiction des médias et d’un parti socialiste qui embraie sur la discrimination en faisant des roms, victimes dans leurs pays d’origine, les responsables de la violence urbaine. Mais là encore, les rodomontades du ministre de l’intérieur, si elles lui assurent une célébrité dans les rangs de la droite, expriment la trahison fondamentale des valeurs de la gauche qui reposent sur la fraternité des opprimés partout dans le monde. Elles traduisent la faiblesse de la réflexion des socialistes. Certes, on ne peut accueillir toute la misère du monde comme disait le libéral (tiens, tiens) Rocard, mais notre vocation n’est pas de l’expulser en détruisant des camps. Je sais que la question est plus complexe que cela, mais les méthodes du ministre de l’intérieur sont similaires à celles de ses prédécesseurs immédiats. Agissant ainsi, on s’évite de regarder sur les faillites des politiques des villes successives, du déclin de la mixité sociale, de la faillite constatée internationalement du système éducatif français. Là encore, le résultat escompté est déplorable. La gauche ne recueillera aucune voix en empruntant (sans le dire) le discours d’extrême droite.
Dans les deux cas, le parti socialiste s'est coupé de sa base électorale sans provoquer un phénomène de vases communiquant. Il se vide de son électorat comme un corps blessé se vide de son sang.