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Billet de blog 17 août 2013

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Rigidité osseuse et esprit mal tourné

Ancien vérificateur des impôts, comme Rémy Garnier, j'ai suivi les auditions de la commission parlementaire présidée par Charles de Courson. Un labeur qui m'a conduit à commettre une petite diversion

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ancien vérificateur des impôts, comme Rémy Garnier, j'ai suivi les auditions de la commission parlementaire présidée par Charles de Courson. Un labeur qui m'a conduit à commettre une petite diversion en rédigeant un billet d'édition «  Je me souviens » inspiré par un petit film où l'on voit Laurel et Hardy en train de porter un piano sur une passerelle au dessus d'un gouffre des Alpes Suisses. La Suisse, le fardeau très lourd, le gorille qui entrave les travaux, un président mince physiquement, un rapporteur un peu rond, le rapprochement était facile mais pas désobligeant, il m'a permis de souffler un instant. Et puis les députés ont pris des vacances, avec eux exit pour un temps la commission...

 Je reprends mes notes, mes copiés que je viens coller, commenter et surtout interroger. Une évidence s'impose à moi, il y a deux méthodes d'investiguer celle des journalistes et celles des inspecteurs du fisc. Je n'invente rien, je cite.

 D'abord la méthode journalistique, bohème, celle du barbu et chevelu Fabrice Arfi :

 « …. l’un des premiers actes de M. Cahuzac – devenu ministre du budget dans la période de crise, d’austérité, de chômage que nous connaissons – est de commander à un ami, Philippe Terneyre, professeur à l’université de Pau, un rapport d’une quinzaine de pages dont la moitié concernaient le sujet : l’affaire de l’hippodrome de Compiègne, à laquelle M. Woerth est partie prenante. Ce rapport, qui a blanchi Éric Woerth, a été fait à l’aveugle – le professeur Terneyre ne disposait d’aucune pièce du dossier – alors que les trois experts de la Cour de justice de la République, qui enquêtaient depuis des mois, avaient rendu un rapport autrement plus consistant de 155 pages et accablant pour M. Woerth. C’est de ces relations étranges entre deux ministres du budget, l’un ancien et l’autre en exercice, que part l’enquête de Mediapart, au mois de juillet 2012.

J’assume parfaitement que, dans mon métier, il faut parfois avoir l’esprit mal tourné. Quand on a vu juste, on parle d’intuition ; quand on se trompe, on parle d’a priori. À Mediapart, nous avons créé les conditions de notre obsession : le journalisme, y compris quand il doit déranger. J’ai donc eu du temps pour le « perdre », pour enquêter sur M. Cahuzac, sur ses réseaux, son passé.... »

 La méthode scientifique, celle de la DGFIP ( administration fiscale) exposée par son directeur M. Bruno Bézard, coupe en brosse, costume rayé, cravate bleue, très premier de la classe :

« Que faisons-nous, pourtant ? Le 14 décembre, à la demande de notre administration centrale, la direction régionale des finances publiques de Paris adresse une demande formelle portant en langage fiscal le nom de « 754 » à M. Cahuzac : il s’agit pour lui, non pas du tout de nous confirmer qu’il n’a pas de compte à l’étranger, mais de bien vouloir nous fournir toutes les informations nécessaires, et notamment les avoirs, sur le ou les comptes qu’il détiendrait ou aurait détenus à l’étranger..... Nous lui avons demandé de nous donner toutes les informations possibles sur ce compte, et non pas de nous confirmer qu’il n’en avait pas ! La différence est majeure....

Une telle demande était une pièce de procédure nous permettant ensuite de passer à l’étape suivante – celle de l’assistance administrative avec la Suisse – car il nous fallait d’abord épuiser les voies internes.

Je reviens à présent sur la date du 14 janvier...... Si l’on en parle, c’est parce qu’elle se situe trente jours après la date d’envoi du formulaire 754 à Jérôme Cahuzac. Il nous a été demandé indirectement quelles conclusions nous tirions de l’absence de réponse de sa part. Or, celui-ci venant devant la représentation nationale et sur tous les plateaux de télévision de confirmer avec force, « les yeux dans les yeux », « en bloc et en détail », que ces allégations étaient mensongères, imaginez-vous une seule seconde que nous nous attendions à ce qu’il envoie à son centre des impôts un document indiquant qu’il s’était trompé devant l’Assemblée nationale et qu’il possédait bel et bien des comptes en Suisse ? Le délai de trente jours mentionné dans ce formulaire n’étant absolument pas contraignant – il mentionne même « si possible », l’administration ne peut, s’il n’est pas respecté, en tirer de conséquences juridiques sous forme d’une taxation d’office – contrairement à ce qui se passe habituellement en l’absence de réponse d’un contribuable. Il ne se passe donc strictement rien le 14 janvier. »

Vous noterez la différence des deux m éthodes :

Fabrice Arfi nous dit : « C’est de ces relations étranges entre deux ministres du budget, l’un ancien et l’autre en exercice, que part l’enquête de Mediapart, au mois de juillet 2012. » Il ajoute :« J’ai donc eu du temps pour le « perdre », pour enquêter sur M. Cahuzac, sur ses réseaux, son passé. »

M.Bézard, lui nous dit : « Le délai de trente jours mentionné dans ce formulaire n’étant absolument pas contraignant... l’administration ne peut, s’il n’est pas respecté, en tirer de conséquences juridiques....Il ne se passe donc strictement rien le 14 janvier. »

M. Bézard, contrairement à Fabrice Arfi n'avait pas de temps à perdre...à réfléchir : curieux tout de même de la part de qui déclare : « Je crois faire partie de cette école de la fonction publique qui considère que le devoir de loyauté cesse lorsque la légalité ou l’éthique s’interpose. D’autres dossiers d’actualité bien connus illustrent ma capacité à dire non lorsque je l’estime nécessaire – on me fait plutôt le reproche d’une rigidité osseuse excessive, mais je considère qu’un haut fonctionnaire doit disposer d’une colonne vertébrale ! »

M. Bézard, chef de l'administration fiscale ne se pose pas de question lorsque le « contribuable » qui proclame urbi et orbi qu'il n'a pas et n'a jamais eu de compte en Suisse n'ose pas le lui confirmer par écrit ? Cela aurait dû lui mettre la puce à l'oreille non ?. Cela aurait dû l'inciter peut-être à se rappeler les dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. » Mais il n'a pas l'esprit mal tourné que se reconnaît Fabrice Arfi.

Conclusion :

D'une part on a une Administration, du haut en bas de la hiérarchie, droite dans ses bottes, qui ne fait jamais usage de l'article 40, ni les agents de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) en 2001, ni la DSF du Lot-et-Garonne en 2007 suite au rapport Garnier, ni en 2012 Mme Amélie Verdier qui a connaissance du rapport disciplinaire de M. Garnier avant son entretien avec Jérôme Cahuzac et ni le 14 janvier 2013, M. Bézard à qui cette date n'inspire rien, vraiment rien.

D'un autre côté on a Mediapart, Arfi qui prend le temps d'enquêter et Plenel qui saisit le procureur...

Je suggère que dans le cursus de formation des élèves de l'Ecole Nationale des Impôts soit inscrit un stage chez Mediapart pour apprendre à avoir l'esprit mal tourné, nos finances publiques s'en porteraient mieux.

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