Un documentaire qui met les Mexicains face à leur justice. « Justice ». Le mot est mal choisi tant le cynisme, l'incurie, la mauvaise foi, la manipulation, le clientélisme et le mensonge émaillent le procès d'Antonio Zúñiga. Ce jeune homme de 26 ans, originaire d'Iztapalapa, le grand quartier populaire de l'est de Mexico avait été arrêté en 2005 pour un meurtre qu'il n'avait pas commis.
Emus par son cas, deux avocats mexicains ont décidé de filmer la révision du procès (les face à face, les dépositions des témoins, des policiers...). Mais en vain, Antonio a été condamné de nouveau à 20 ans de prison. Une séquence terrifiante à la fin de la révision du procès illustre combien certains procureurs et juges mexicains font preuve d'incompétence et de mépris.
L'avocat de l'accusé remet au juge le dossier et demande l'acquittement. Puis, c'est au tour de l'agent du ministère public. Le juge lui demande d'énoncer les motifs d'accusation. « Je vous ai tout mis sur disquette », répond la procureure.
L'accusé demande alors : « puis-je au moins connaître les motifs de l'accusation de meurtre ? »
La procureure répond alors en riant : « il me demande pourquoi je l'accuse ? Mais parce que c'est mon boulot ! »...
Puis, les images ont été versées au procès en appel. Et là, les juges ont acquitté « Toño » qui aura tout de même passé 2 ans et demi dans une prison surpeuplée pour rien.
<<Voir la critique du docu ici>>
Au-delà du cas particulier du jeune Zúñiga, les avocats mènent un combat pour la réforme de la justice au Mexique. Ici, la justice n'est pas accusatoire comme en France. Au contraire, un individu accusé, doit prouver son innocence, il n'y donc pas de présomption d'innocence. En 2008 cependant, la présomption d'innocence est officiellement entrée dans la constitution mexicaine...Mais pour s'appliquer en 2016 !
La sortie de Presunto Culpable a fait l'effet d'une bombe au Mexique. Vu par plus d'1,5 million de personnes au cinéma, Presunto Culpable est le documentaire record de l'histoire du cinéma mexicain. Mais lundi 7 mars, l'un des témoins de l'accusation filmé se rétracte et demande la suspension du documentaire. Une juge lui accorde et le film est retiré quelques heures des écrans, avant que cette suspension soit elle-même suspendue le lendemain !
Quelle meilleure publicité que la censure ? Depuis ce jour, les copies pirates de ce documentaire s'arrachent dans le métro de Mexico et chez les vendeurs à la sauvette. Le jour de l'interdiction du film, le vendeur au coin de la rue a vendu 80 copies...
Le "présumé coupable", aujourd'hui libre a composé un rap inspiré de sa mésaventure (voir au début du post).