
Cheveux gominés, regard ténébreux et allure svelte, Enrique Peña Nieto est le favori de la présidentielle mexicaine. Marié à une actrice de telenovela, ce gouverneur sortant a pourtant à son actif un bilan terrifiant à la tête de l'Etat le plus peuplé du Mexique. Portrait.
On l'appelle Gel Boy. Un surnom qui va comme un gant à Enrique Peña Nieto, gouverneur sortant de l'Etat de Mexico, l'Etat le plus peuplé du Mexique. En effet en espagnol « Gel boy » se prononce de la manière que « Hell boy » et révèle bien qui est cet homme politique mexicain actuellement favori des sondages pour la présidentielle mexicaine de juillet 2012 : un pur produit du très corrompu Parti révolutionnaire institutionnel (le PRI). Mais il a un atout de choix : sa femme, surnommée La Gaviota, est actrice de telenovelas, ces séries télévisées à l'eau de rose qui font un carton parmi les femmes au foyer mexicaines.
Ce n'est pas un hasard car Enrique Peña Nieto, 45 ans, a construit son succès sur son image de bel homme lisse. Il est d'ailleurs sans épaisseur politique aucune puisqu'il répète a satiété être « pragmatique » sans pour autant proposer de vision concrète des affaires publiques.
Julio Scherer García, patriarche du journalisme du Mexique et fondateur de l'hebdomadaire Proceso résume la méthode de celui qui est actuellement le mieux placé pour être le prochain président de la République du Mexique : « la formule est simple: acheter du temps d'antenne, corrompre, et corrompre, mentir et mentir (...) il est le représentant charismatique d'une nouvelle génération qui utilise tous les moyens à sa disposition pour prendre de l'ampleur aux yeux des accros à la frivolité et gaspille à foison* ».
En effet, dès la première année de son mandat de gouverneur de l'Etat de Mexico, la zone la plus peuplée du pays avec près de 15 millions d'habitants, l'administration a dépensé 742 millions de pesos (43 millions d'euros) en communication, surtout canalisés vers des spots télévisés.
Plus préoccupant, le bilan en matière de droits de l'homme de Peña Nieto. Ses six ans de mandat ont été marqués par de graves atteintes dont les faits les plus marquants sont la répression du mouvement social d'Atenco, l'affaire d'homophobie contre un directeur d'école, l'explosion des violences faites au femmes -l'Etat de Mexico est la zone du Mexique la plus violente en la matière avec plus de 200 meurtres de femmes en 5 ans, souvent impunis-, le mépris pour le développement social et l'environnement... Le bilan a été dressé en détail dans un rapport de 103 pages élaboré par plusieurs ONG mexicaines sérieuses.
Le 19 septembre, Peña Nieto a officiellement lancé un « sí quiero ser presidente », manifestant ainsi son désir d'obtenir l'investiture présidentielle d'un Parti révolutionnaire institutionnel bien placé dans les sondages. L'accession au pouvoir de ce produit marketing qui allie les méthodes d'hier avec les moyens de la politique spectacle du XXIe siècle est à surveiller car elle signifierait une mise en application de la politique menée à l'échelle de l'Etat de Mexico.
*Tiré de l'enquête Si yo Fuera Presidente, el Reality Show de Peña Nieto, de Jenaro Villamil.