Ecoles primaires occupées à Lyon en solidarité avec plus de 200 élèves sans toit
Au mois de novembre, l'agglomération lyonnaise comptait au moins 200 enfants sans toit dans les écoles, pour la plupart issus de parents sans papiers. Le Réseau Education Sans Frontières constate une fois de plus que la France réserve un sort inacceptable à ces élèves et s'associe aux actions qui sont menées depuis plus d'un mois dans de nombreuses écoles : occupation des locaux, repas solidaires, rassemblements, manifestations. Avec les nombreux réseaux de soutien locaux (parents d'élèves, enseignants, habitants du quartier) et le collectif « Jamais sans toit », une force collective remarquable se construit et s'élève contre l'intolérable. La dynamique doit continuer, s'amplifier et faire vivre l'espoir d'un mouvement puissant pour défendre l'humain.
Le 20 novembre dernier, la France célébrait l'anniversaire de sa signature de la Convention des Droits de l'Enfant. Le même jour, l'agglomération lyonnaise comptait au moins 200 enfants sans toit dans les écoles. Ce constat est insupportable. Tous les matins nous voyons arriver à l'école ces enfants dans un état de fatigue et de santé que l'on peut imaginer.
Le droit à l'éducation est un pilier précieux de notre société, que les citoyens consciencieux défendent à tout prix. Ce droit est à l'heure actuelle bafoué : il n'est pas sérieux de penser qu'un enfant puisse suivre une scolarité digne de ce nom lorsqu'il dort sur un trottoir, dans une voiture, sous une tente. On admettra qu'aucune démonstration n'est nécessaire pour se convaincre de cette évidence. Ainsi, les citoyens, enseignants et parents d'élèves ne font que leur devoir lorsqu'ils alertent les autorités à ce sujet.
Le 20 novembre, les Droits de l'Enfant ne pouvaient être célébrés sans que soit dénoncée cette situation catastrophique qui fait honte à la France. De nombreuses écoles lyonnaises ont ainsi décidé de se mobiliser pour venir en aide aux élèves sans toit et demander pour eux des solutions d'hébergement aux autorités compétentes. Ce jour-là, dans le calme et dans le respect des principes élémentaires de sécurité, plusieurs écoles ont entamé une occupation des locaux scolaires afin d'éviter à des dizaines d'enfants de dormir dehors. Cette décision collective et solidaire a été portée par des parents d'élèves sensibles aux valeurs d'égalité et de fraternité. L'occupation des écoles a été évoquée par plusieurs médias et a provoqué la consternation solidaire de nombreux citoyens.
La réaction immédiate des autorités a été consternante, loin d'être à la hauteur de la gravité de la situation. Chacun s'est renvoyé la balle, les réponses se sont fait attendre pendant plusieurs semaines pour être finalement décevantes. De nombreuses familles restent sans solution d'hébergement, pour les autres les solutions son précaires et provisoires. La sortie du plan froid sera rude. Malgré les mobilisations citoyennes pour la réquisition de logements vides, aucune démarche n'a été entreprise par les autorités dans ce sens. Nous constatons un manque d'ambition, un manque d'engagement, un manque d'initiative, un manque d'imagination. Au lieu d'imaginer de nouvelles solutions d'hébergement dans chaque arrondissement, dont le fonctionnement, pourquoi pas, créerait des emplois, la petite politique du compte-goutte et du thermomètre continue.
Cette réponse inadaptée des autorités est une anomalie. Chacun doit jouer son rôle en fonction des pouvoirs à sa disposition. Les citoyens, sans grand pouvoir, jouent leur rôle en tirant la sonnette d'alarme. Les autorités locales doivent jouer leur rôle. L'Etat doit jouer son rôle. Tous les élèves doivent avoir un toit si la France souhaite continuer de défendre trois droits fondamentaux intimement liés : le droit à la santé, le droit au logement et le droit à l'éducation.
L'issue de la mobilisation n'est pas satisfaisante. Elle doit donc continuer.
Pourtant, il y a une victoire. Il y a un espoir. Il y a une réussite : la construction d'une incroyable solidarité en à peine plus d'un mois. Parents d'élèves, enseignants, enfants, habitants des quartiers se sont rejoints dans un esprit de solidarité et d'humanité. Pour certains cet engagement concret est nouveau. Il y a donc une création nette d'énergie citoyenne. Chacun donne ce qu'il peut, quand il peut : tours de rôle pour dormir la nuit dans les écoles occupées, organisation de réunions, de goûters et repas solidaires, prêt de matériel, soupes, concerts, débats, demandes d'audiences, rassemblements, communiqués, ouverture de listes pour communiquer sur internet, doodles, tracts, photos, dessins d'enfants, affiches, banderoles. Le réseau n'est pas parti de rien mais il a pris une nouvelle dimension, en particulier grâce à la solidarité entre les écoles elles-mêmes.
A la base de cette dynamique, la création du collectif Jamais sans Toit. D'autres réseaux comme le Réseau Education Sans Frontières ont joué un rôle de soutien, avec leurs compétences spécifiques et leur expérience. Mais il faut maintenant parler de réseau de réseau. C'est peut-être la bonne voie pour créer une dynamique citoyenne puissante.
Il faut surtout ne pas parler qu'au passé car l'action continue. De nombreux élèves sont encore sans toit. Les écoles sont bien décidées à ne pas laisser les vacances de Noël freiner l'élan de la mobilisation.
Nous devons être de plus en plus nombreux à refuser l'indifférence. Nous devons être de plus en plus nombreux à dire que nous ne souhaitons pas vivre dans une société qui maltraite les plus démunis, qui maltraite ceux qui viennent de loin, qui maltraite les droits de l'Homme et de l'Enfant. Nous devons être de plus en plus nombreux à agir pour défendre la solidarité, sans laquelle nous nous sentons tristes, honteux et bien peu citoyens.
Martin Galmiche RESF Lyon