Circulaire Valls: en restant frileux sur la régularisation des sans-papiers, nos dirigeants démontrent qu'ils ne voient toujours pas où sont les vraies priorités de notre société.
Il est temps de dire non à la politique absurde qui en France, malgré le changement de gouvernement, continue de s'abattre sur des familles sans papiers en détresse. Les critères de régularisation sont d'une inutile sévérité, leur application sera soumise à l'arbitraire de préfectures débordées, l'expulsion sera encore d'actualité, les enfants seront encore des bagages. Il est temps d'admettre que la solidarité et l'humanisme, valeurs sans lesquelles la France n'est plus qu'un triste pays vidé de sa substance, font de la protestation un devoir citoyen. Et plus largement, il est temps que l'opinion publique fasse entendre haut et fort que la politique de la peur et de la sévérité, dans le domaine de l'immigration comme dans tant d'autres, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne, est non seulement insupportable mais suicidaire.
Europe, tu es vieille et jeune, mourante et naissante, quand enfin parviendras-tu à faire autre chose que naître ou mourir ? Tu n'as pas toujours eu les yeux grand ouverts. Tu les as fermés pour ne pas voir les horreurs dela guerre. Tules as ouverts pour construire une paix. Tu les fermes aujourd'hui car tu crois être trop malade pour te concentrer sur autre chose que les blessures de ton corps. Mais ces blessures sont-elles si profondes que tu ne puisses les soigner sans oublier l'essentiel ? Et même, l'oubli de l'essentiel n'est-il pas ce qui précisément t'empêche de trouver les remèdes ? L'essentiel, c'est en se mêlant les unes aux autres que les philosophies du monde entier l'ont inventé, c'est la tolérance, l'ouverture, la solidarité, la culture, l'art, la science,la pédagogie. C'estsur cet essentiel qu'aujourd'hui tu veux faire l'impasse, tu te donnes des coups de fouet en fermant les yeux, et tu appelles ce fouet rigueur ou austérité. Tu as les yeux fermés mais le reste du monde, lui, te regarde avec surprise et inquiétude, peut-être même avec pitié et déception.
Et puis malade, tu deviens acariâtre, inhospitalière. Tu as oublié que regarder au-delà de sa propre blessure n'est pas ce qui empêche de guérir, mais ce qui permet de guérir. Tu as peur des gens qui bougent car tu crois qu'ils profitent. Tu as peur des gens qui viennent à toi car tu crois qu'ils sont un poids. C'est l'inverse. Si tu souffres, ce n'est pas à cause de ceux qui te rejoignent, mais malgré ceux qui te rejoignent. A-t-on déjà vu, dans l'Histoire du monde, des pays asphyxiés par des gens de bonne volonté ? Ceux qui t'ont donné le Prix Nobel de la Paix avaient peut-être en tête ce noble espoir : l'espoir de te voir rouvrir les yeux. L'espoir de te voir croire à nouveau que le réflexe du repli n'est pas dans ta vraie nature, et qu'en plus il n'a jamais vraiment soigné personne.
Citoyens européens, nous sommes là pour rappeler à nos pays et à l'Europe que l'accueil des migrants n'est ni un problème, ni une montagne, ni un détail. C'est le plus beau de nos atouts. Aucune étude n'est là pour démontrer que la régularisation des personnes sans papiers est néfaste pour notre société et notre économie, au contraire. Citoyens européens, nous refusons premièrement l'oubli de la solidarité, à laquelle nous voulons encore croire, deuxièmement la métaphore de l'austérité, qui nie l'essentiel et porte tout sauf le sens de notre vie, troisièmement la peur des migrations, qui sont des richesses dont nous avons besoin.
Avec RESF (Réseau Education Sans Frontières), de nombreux citoyens avec ou sans papiers ont écrit à F. Hollande et M. Valls pour témoigner, raconter, interpeler. Lettres à consulter sur http://www.educationsansfrontieres.org/lettres
Pour écrire : http://www.educationsansfrontieres.org/lettres/perenoel/?nom_lettre=ECRIRE_A_MESSIEURS_HOLLANDE_ET_VALLS.txt
Martin Galmiche
RESF Lyon. Musicien intervenant à l'école primaire
Parrain républicain d'Atar, CE1, dont la famille n'est pas régularisée par la circulaire