Mineurs isolés étrangers jetés à la rue,
Un pas de plus dans l’exclusion est en train d’être franchi à Lyon !
Jusque là, le Parquet de Lyon s’était fait, avec les comparutions immédiates une spécialité des poursuites judiciaires contre les mineurs isolés brutalement accusés de tricher sur leur âge. Mais, pour ceux condamnés à des peines avec sursis et sous réserve de faire eux-mêmes appel, beaucoup des jeunes étaient au moins maintenus sous la protection de l’ASE jusqu’à l’appel, au nom du principe selon lequel la culpabilité et les peines prononcées en 1ère instance ne pouvaient être considérées comme définitives.
Feu de tout ça ! A la veille des vacances de février 2015, en plein milieu de son année scolaire commencée au lycée Flesselles, Mamoudou est jeté sans un sou sur le trottoir après 9 mois d’hébergement à l’hôtel. Un juge des enfants, couvert par le Parquet, a décidé d’arrêter sa prise en charge ASE au nom de l’enquête policière dont Mamoudou a fait l’objet début novembre… Pourtant les résultats de l’enquête policière sont des plus minces. Le bureau de la fraude documentaire de la PAF reconnaît que le passeport et l’acte de naissance du jeune ne présentent aucune trace de falsification. C’est au nom du résultat des tests osseux dont toutes les autorités médicales, scientifiques et éthiques contestent la valeur, qui lui attribuent entre 21 et 35 ans, et de la trace d’un passage en Espagne, que Mamoudou a été condamné à 6 mois de prison avec sursis, une peine qu’il peut espérer voir annulée par la Cour d’appel. Malgré la faiblesse des charges contre lui, pour la seule raison que la police l’a estimé majeur, Mamoudou est aujourd’hui devenu SDF à 17 ans et demi…
Cette semaine, c’est au tour de Banthine, 16 ans, de subir le même sort que Mamoudou, après 5 mois d’hébergement à l’hôtel et une condamnation dont il a lui aussi fait appel.
Les exemples de mineurs isolés abandonnés dans les rues de Lyon se multiplient ces dernières semaines. Dès leur arrivée, souvent au risque de leur vie via Lampedusa ou l’Espagne, leurs pièces d’identité sont, sans enquête ni preuves sérieuses, jugées frauduleuses par la MEOMIE (Mission pour l’évaluation et l’orientation des mineurs isolés étrangers) et le Parquet, alors qu’elles devraient être reçues comme faisant foi selon l’article 47 du code civil. Plusieurs de ces jeunes n’ont même pas été mis une seule nuit à l’abri. Ils ont été renvoyés par la MEOMIE, sans aucun document attestant de ce rejet et de ses motifs, à l’issue d’un premier entretien parce que considérés come majeurs. D’autres ont été jetés hors des hôtels ou foyers après quelques semaines sur décision du Parquet qui refuse de les placer à l’ASE, les considérant lui aussi d’office et abusivement comme majeurs. Et là aussi, les décisions du Parquet n’ont pas fait l’objet de documents remis aux jeunes. Des juges des enfants ont été saisis pour rétablir ces mineurs dans leurs droits à la protection, mais les procédures sont longues et le résultat n’est pas sûr quand on sait que certains de ces juges participent eux-mêmes à la mise à la rue de mineurs isolés. En attendant, Ibrahima, Mahamoudou et d’autres errent dans le froid, désespérés et pour certains malades. Mineurs considérés comme majeurs par les autorités, mais sans aucun document en faisant foi, ils ne relèvent d’aucun dispositif d’aide humanitaire et sont par exemple exclus d’office du 115 et des restaurants réservés aux majeurs. Ni protégés comme mineurs, ni aidés comme majeurs, ils sont comme des fantômes dans une zone de non-droit. Les autorités françaises voudraient elles leur signifier qu’ils auraient mieux fait de mourir noyés en Méditerranée qu’elles ne s’y prendraient pas autrement !
Dans plusieurs villes de France, notamment Paris ou Amiens, des dizaines de mineurs isolés sont depuis plusieurs années déjà devenus « enfants des rues », les uns sont au lycée le jour et à la rue la nuit. La situation désastreuse dans ces villes dénoncée par nombre d’associations, et même par le Défenseur des droits et récemment par le Commissaire européen aux droits de l’homme est en passe de s’étendre à Lyon.
La Métropole de Lyon est directement responsable de l’Aide Sociale à l’Enfance sur son territoire, héritant en cela de la responsabilité de l’ancien Conseil général. Sa politique et les déclarations de son président Gérard Collomb qui plaide pour des économies sur les budgets sociaux et vient de faire fermer un internat d’enfants à la Croix Rousse ne sont pas faites pour nous rassurer. Elles vont dans le sens des pratiques actuelles du Parquet et de ses procureurs. Tous bafouent les droits à la protection des mineurs isolés étrangers, dans la droite ligne de la politique migratoire et d’austérité du gouvernement Hollande. Ce n’est pas un hasard au moment où est en préparation une nouvelle réforme du CESEDA qui va ériger la suspicion comme principe directeur en matière de droit au séjour. Comme les mineurs isolés, tout étranger régularisable ou régularisé se verra suspecté, contrôlé, surveillé à tous les moments de son parcours.
Dans cette situation, l’indignation et la colère montent à Lyon, chez les jeunes étrangers eux-mêmes, dans les associations de défense des droits des migrants et plus largement, dans les milieux enseignants, dans le milieu des éducateurs et autres travailleurs sociaux, chez les bénévoles de l’aide humanitaire. Le Collectif Jeunes Majeurs de RESF s’organise et se mobilise pour faire face autant qu’il le peut aux côtés des mineurs isolés et des jeunes majeurs étrangers qui, eux, reçoivent à la pelle refus de séjour et OQTF. Il en appelle à l’union de toutes les forces soucieuses de l’intérêt des migrants et des jeunes, étrangers ou pas, et à l’élargissement de la mobilisation.
RESF/Collectif Jeunes Majeurs, le 22 février 2015
Un appel à la proscription des tests d'âge osseux et des examens médicaux détournés de leur finalité thérapeutique pour attribuer arbitrairement un âge aux mineurs isolés étrangers afin de les exclure de la protection de l'ASE a été signé par plus de 11 000 personnes, dont des centaines de magistrats, juristes, médecins, scientifiques. Pour le signer http://resf.info/P2852