Cheick Traore, lycéen ivoirien sans papiers qui aura 20 ans en décembre, a été libéré le 24 septembre dans l’après-midi après 9 jours au centre de rétention du Mesnil-Amelot. Arrivé seul en France à l’âge de 16 ans, il avait été pris en charge par l’ASE comme devrait normalement l’être tout mineur isolé. Mais, en juin dernier, l’ASE décide de mettre un terme à son contrat jeune majeur alors qu’il lui reste une année à faire pour passer son CAP et que les démarches pour qu’il obtienne un titre de séjour n’ont pas abouti… C’est la triple peine ! Condamné à abandonner ses études, jeté à la rue et plongé dans la clandestinité !
Malgré cela, Cheick s’accroche et essaye de poursuivre sa scolarité. Mais, il est contrôlé le 13 septembre. Difficile d’y échapper quand on est jeune, africain et qu’on vit dans la rue ! Le Tribunal administratif confirme la « validité » de son Obligation de quitter le territoire français, le JLD et la Cour d’appel le maintiennent en rétention. Plus rien ne s’oppose à son expulsion… si ce n’est la grève des pilotes qui la retarde peut-être et surtout la mobilisation du milieu scolaire. Dans son lycée (l’EREA Edith Piaf Paris 20e, un tout petit établissement), des enseignants n’acceptent pas l’emprisonnement et la future expulsion d’un de leurs élèves. Le RESF est informé puis les syndicats enseignants et lycéens. La mobilisation se met en place. Le 22 septembre, 17 organisations signent un communiqué commun exigeant la libération et la régularisation de Cheick[1]. Henriette Zoughebi interpelle le ministère au nom du Conseil régional Ile de France, Pierre Laurent, membre du Conseil d’administration du lycée, en fait autant. Un rassemblement est prévu le 25 septembre devant l’EREA Edith Piaf. Et miracle, la veille du rassemblement, Cheick téléphone : il est libre.
Le rassemblement prévu à la porte de son établissement le jeudi 25 septembre à 8h du matin est néanmoins maintenu car Cheick reste sans papiers et sans hébergement. Un peu moins d’une centaine de personnes l’ont accueilli ce matin en demandant sa régularisation et celle de tous les élèves sans papiers.
La libération de Cheick, comme celle de Camila, lycéenne Brésilienne du lycée Santos Dumont à St Cloud (92) il y a 15 jours ont la même explication : la vertueuse pétoche qu’inspirent les lycéens au gouvernement.
Elle avait été arrêtée avec son frère lors d’un contrôle de police. Tous deux avaient été enfermés au CRA de Toulouse. Le samedi 6 septembre à 16h30, le tribunal validait leur placement en CRA. Tout était prêt pour une expulsion rapide : les billets Toulouse-Roissy et Roissy-Rio étaient pris pour eux et l’escorte policière. Mais, le samedi à 21h30, ils étaient libérés : entretemps les membres du cabinet du ministre chargés de ces tâches indignes, MM. Molina (ancien premier secrétaire de la fédération PS de la Drôme, la honte !) et Sodini, avaient entendu les protestations des syndicats lycéens UNL et FIDL, de l’UNEF, des syndicats de profs (CGT Educ et Sud-Educ), de la FCPE du 92 et du RESF. Et surtout, ils avaient appris qu’une mobilisation était prévue à la porte du lycée. Résultat, libération, et plus vite que ça ! Le jour même de son retour au lycée, Camila était prévenue par son proviseur que la préfecture de Nanterre l’avait appelé pour qu’il lui transmette un rendez-vous en urgence (trois jours plus tard, un record à Nanterre !). Rendez-vous d’où elle est ressortie avec une Autorisation provisoire de séjour qui devrait être suivie, selon toute vraisemblance, d’un titre de séjour quatre semaines plus tard.
En réalité, depuis un an, depuis les expulsions de Katchick et de Léonarda et les manifestations de jeunes qu’elles avaient provoquées, plus d’une quinzaine de lycéens et de lycéennes ont été placés en rétention. Aucun n’a été expulsé, tous ont été libérés.
La conclusion s’impose : les jeunes scolarisés ne sont pas expulsables, ils doivent être régularisés. Et pas au cas par cas, par le fait du prince ou au vu de leurs résultats scolaires ou d’autres considérations oiseuses. Mais en application de la loi qu’il faudra bien que le parlement adopte qui stipulera qu’en application des principes et des valeurs d’égalité et de fraternité enseignées à l’école, il est délivré le jour, de ses 18 ans, à tout jeune scolarisé en France un titre de séjour pluriannuel lui permettant de mener ses études puis de travailler et de conduire sa vie dans le pays auquel il apporte ses qualités, sa jeunesse, son enthousiasme, sa volonté de réussir.
Le Réseau Education sans frontières, les syndicats lycéens et étudiants, des syndicats enseignants, des associations et des organisations de jeunesse engagent une campagne avec cet objectif. Et, pour commencer, ils appellent tous les jeunes scolarisés sans papiers à se faire connaître et à se placer sous la protection de leurs camarades et de leurs enseignants.
Richard Moyon
[1] La FCPE, les syndicats lycéens FIDL et UNL, l’UNEF, les syndicats enseignants, CGT Educ’Action, FERC CGT, FSU, SNES, Sud-Education et SNETAA, RESF, le syndicat FSU de la PJJ SNPES, la LDH, le MRAP, la JC, SOS-Racisme, la Maison des potes, http://www.educationsansfrontieres.org/spip.php?article51609