Née en avril 1917, la Société Anonyme à Participation Ouvrière – SAPO - est restée très confidentielle.
Les derniers travaux sur le sujet n’en dénombraient que 11.
Les deux grandes nouveautés de la loi du 26 avril 1917 : la création des "parts travail" et la création du patrimoine collectif à tout l’effectif salarié n’ont pas connu le succès escompté. Et nous pouvons reprendre le regret formulé par H. Mouret en 1919 : « On a jusqu’à présent l’impression que la montagne accouche d’une souris et que l’expérience sociale annoncée par le rapporteur de la loi devant le Sénat tend à se réduire à une expérience de laboratoire. Ce serait vraiment grand dommage que cette situation se prolongeât et qu’une loi d’une si haute portée économique et sociale restât lettre morte. »
Les raisons de cet « oubli » sont surement multiples et leur analyse pourrait être instructive mais sûrement moins qu'une redécouverte des vertus de la SAPO.
Cette « nouveauté », comme l’appelle un des fondateurs de SAPO questionné récemment – nouveauté qui sera centenaire dans moins de deux ans –, peut représenter actuellement une alternative aux autres formes coopératives plus naturellement évoquées et choisies dans le cadre de Reprises d’Entreprises par les Salariés – RES -.
En quelques lignes, qu'est-ce qu'une SAPO
A côté des actions de capital de toute Société Anonyme – SA -, la loi d’avril 1917 crée des actions de travail qui représentent la valorisation patrimoniale de « l’apport travail » de l’effectif salarié considéré dans sa globalité.
Pour disposer de la propriété collective des actions de travail, l’effectif salarié doit « acquérir une existence juridique » par le biais d’une "société Coopérative de Main-d'Oeuvre" - SCMO - au sein de la SAPO.
Cette SCMO, créée par la même loi, dispose de statuts qui ne lui confèrent pas la personnalité morale. Elle regroupe exclusivement mais obligatoirement tous les salariés majeurs liés à l’entreprise depuis au moins un an.
Elle fonctionne théoriquement (mais les droits de vote peuvent être alignés sur l’échelle des salaires) sur le principe du "un(e) salarié(e) = une voix".
Les "actions de travail" qui lui sont attribuées ouvrent, outre une participation aux bénéfices, des droits de vote proportionnels au ratio action de travail/total des actions au sein de l’Assemblée Générale – AG - et une représentation de même proportion au Conseil d’Administration – CA - de la SAPO.
Pour l’exercice de ces droits de vote, les travailleurs désignent, au sein de la SCMO, des délégués chargés de les représenter dans les instances décisionnaires (AG et CA) de la SAPO.
La Participation Ouvrière est possible dans les SA et depuis quelques années dans les SAS – SASPO.
SAPO et RES
La valorisation de l’apport travail a été présentée comme une difficulté rédhibitoire par plusieurs détracteurs de la SAPO. Ils avançaient l’argument qu’il est difficile à la création d’une société d’estimer la valeur de ce que sera la force de travail d’un effectif qui n’est même pas encore constitué.
Ce qui peut sembler évident dans le cadre d’une création d’entreprise ex-nihilo, l’est à priori moins concernant une transmission d’entreprise.
En effet, l’effectif est souvent constitué et opérationnel depuis plusieurs années au moment de la transmission et l’entreprise présente un certain nombre d’éléments à partir desquels il devient possible de réaliser une estimation de cette sorte d’actif incorporel que représente le savoir-faire, les compétences et les talents du personnel.
La notoriété, la fidélisation de la clientèle, le niveau de technicité, la capacité d’innovation, etc… ne peuvent plus être dans bien des cas le seul fait du dirigeant. Un bon dirigeant sait bien s’entourer et justement son « équipage » a augmenté sa valeur ajoutée initiale et personnelle.
C’est d’autant plus vrai dans les métiers à forte technicité ou dans lesquelles les services sont de nature intellectuelle.
D’ailleurs, quelle est souvent la principale composante budgétaire de la Valeur Ajoutée d’une entreprise, si ce n’est la Masse Salariale ?
La valorisation d’un Fonds de Commerce ne pose pas expressément de problèmes aux experts financiers. Avec des pratiques de consommation qui évoluent considérablement, « l’évasion » de clientèle lors d’une transmission peut se révéler très conséquente.
Pourtant cela n’empêche en rien l’estimation d’une valeur incorporelle de l’entreprise en termes d’impact sur la clientèle. Cette pratique est reconnue et toutefois plus que sujette à caution.
Pourquoi serait-il, plus hasardeux d’estimer la valeur travail d’un effectif salarié que l’on peut voir à l’œuvre depuis plusieurs années et dont il est possible de mesurer les résultats commerciaux, techniques, financiers … ?
Quand un effectif salarié imagine prolonger une activité qui risquerait d’être vouée à la fermeture malgré une rentabilité financière à minima équilibrée, il leur est parfois proposé de se grouper pour racheter soit les parts de capital, soit une liste d’éléments d’actifs.
Or la valorisation qui en est faite par les cédants et leurs conseillers financiers intègre pour partie dans les éléments incorporels du Fonds de Commerce ce qui est inhérent au métier de l’entreprise, donc en particulier au savoir-faire et aux compétences de l’effectif.
Au final, ce qui est proposé aux salariés, c’est de racheter des valeurs qui sont partiellement constituées par leur apport en travail. Ce qui est plus que discutable.
La prise en compte de leur apport travail peut être intégrée dans la négociation et doit permettre d’aménager les conditions financières de la transaction en leur faveur.
Par ailleurs, il pourrait être opportun de cumuler aux apports de capitaux, que cet effectif peut réunir, cette valorisation de leur savoir-faire afin d’augmenter le capital social de l’activité.