Une des particularités de Médiapart c’est le Club. Le lieu ouvert à tous, même aux non-abonnés, qui permet l’expression la plus large à des informations nouvelles, des avis concordants ou divergents, à des critiques acerbes ou mesurées, bref le panel est large. Cette extrême ouverture trouve sa limite dans les termes de la charte de Médiapart. Mais d’aucuns estiment que ces limites sont insupportables et mènent une guerre ouverte à toute limitation de leur droit de parole. A constater le nombre de blogs (plus de 3000), le nombre d’éditions (plusieurs centaines) et la quantité de commentaires (plusieurs centaines de milliers), la parole est largement partagée. Si l’on compare à la presse papier ou en ligne, Médiapart est certainement un lieu de grande expression où la controverse, le désaccord trouvent largement leur place. Faut-il s’en inquiéter ? Je ne pense pas. Dans cette profusion, nous trouvons des paroles inédites, des liens précieux, des avis pertinents, des controverses enrichissantes. Au lecteur de trouver ces pépites, parfois enfouies sous des monceaux de redites obsessionnelles. Les liens noués, les avis échangés, relient des lecteurs en questionnement.
L’expression de l’accord et du désaccord est constitutive de la démocratie, de la liberté, elle est inhérente aux tâtonnements d’un monde qui se cherche, d’une vérité parfois approchée jamais atteinte. Elle rappelle qu’il faut parler de ce qui fâche comme de ce qui plait, assumer ce qu’on pense et ressent, sous peine de laisser étouffer toute la richesse de la société.
Oui Médiapart est cela. Une fenêtre sur le monde et un espace d’expressions multiples.
Pour autant Médiapart peut-il être parfait ?
Certains critiques obsessionnels ont l’air de le croire, en y cherchant, matin midi soir et nuit, des sujets à dispute. Ils créent, en contrepoint, le fantôme d’un journal irréprochable, fini, où Edwy Plénel serait l’icône que l’on devrait vénérer tous les jours. Ce ne serait plus un journal mais une secte. Et plutôt que d’apporter par leurs critiques des idées d’améliorations, de corrections, des idées nouvelles, ils passent leur journée à démolir ce qui est leur moyen d’expression essentiel.
Tel article est-il insuffisant ? erroné ? Telle position prise par la rédaction contestable ? ou mal venue ? oui, je l’ai écrit quelquefois. Mais ceux qui le pensent ont la possibilité de le dire, et chaque lecteur peut dans ces controverses se faire son opinion. Je vois que tel lecteur qui se plaint d’avoir son commentaire dépublié à écrit plus de 24000 commentaires en cinq ans sans compter ses articles. Soit, sans compter les jours fériés et ses jours de vacances, environ 15 commentaires par jour. Il y a sans doute censure plus rigoureuse. Quel est le journal qui permet cela ? Bien sûr, les journaux qui limitent ou ne donnent pas la parole à leurs lecteurs ne reçoivent pas la volée de bois vert que reçoit Médiapart. Au lieu de considérer cette participation des lecteurs comme une richesse, certains l’exploitent comme on exploite la faiblesse d’un adversaire. Le pire serait que ces attaques soient telles quelles aboutissent à la censure quelles prétendent combattre. Il n’y a pas pire que les purs pour utiliser les libertés afin de mieux installer un régime de contrainte.
D’autant que l’affrontement n’est pas à armes égales. Les plus agressifs se cachent derrière leur anonymat pour ne pas avoir à s’expliquer sur leur pratique. Sont-ils les saints, les innocents, les justes de tous les instants ? Ou les inquisiteurs harcelant ceux dont ils n’ont rien à craindre ?
La critique doit être ferme, la vigilance que nous exerçons en tant que lecteurs doit tenir compte du contexte, du fait que Médiapart au-delà de toutes ses insuffisances est un outil unique dans une société corrompue dont l’argent est le moteur. Que le monde ne tourne pas autour des faiblesses de Médiapart, que l’on garde un peu de son énergie pour s’occuper du reste. Que la somme des horreurs des malversations, des crimes perpétués dans le monde est incommensurable. Qu’à cette échelle nous devons mesurer nos critiques. Que ce journal est aussi le nôtre et que nous sommes responsables, par nos apports et nos critiques, de son devenir.
P.S. Je me souviens qu’au lendemain de mai 68 la librairie Maspéro était l’objet de vols massifs. Maspéro se refusait de mettre en place un système de surveillance. Beaucoup en profitaient. Il était de bon ton, chez certains militants d’extrême-gauche, de justifier leurs vols par la supposition que Maspéro devait être riche. Le résultat fut la fermeture de la librairie.