A écouter l’ensemble des médias occidentaux, dont Médiapart, l’affaire est entendue : « Le régime syrien a provoqué le massacre pour enrayer l'avancée de l'armée syrienne libre vers le centre de la capitale. » sans que des preuves indiscutables soient avancées. La présomption est forte d’accuser un régime qui depuis deux ans bombarde sa population. De plus c’est un quartier contrôlé par les « rebelles » qui a été visé. Mais un calcul diabolique de l’opposition au régime de Bachard el-Assad n’est pas à exclure dans le but de provoquer une réaction occidentale. Les photos aériennes fournies par la Russie montrant que l’origine des tirs est située dans une région tenue par l’ASL sont à examiner. L’Italie semble accorder un crédit à cette information. Les déclarations de Carla Del Ponte (ancienne présidente du tribunal pénal international) attribuant, il y a plusieurs mois, la responsabilité de l’usage de gaz mortels à l’opposition sont à analyser. Le rapport des représentants de l’ONU à Damas permettra peut être d’y voir plus clair. Ce sont tous ces éléments d’information qu’il faudrait ausculter à la loupe avant d’asséner la responsabilité de ce massacre au régime de Damas.
Car, cela est rappelé par de nombreux lecteurs, les interventions militaires sont souvent précédées d’une manipulation des opinions publiques pour obtenir leur accord. Le cas le plus dramatique est l’intervention de Colin Powell à l’ONU qui précède la guerre d’Irak. Longtemps après et avec plusieurs centaines de milliers de victimes, il fut acquis que c’était un énorme mensonge. Auparavant pendant la guerre du Vietnam une attaque d’un destroyer américain dans le golfe du Tonkin servit de prétexte au bombardement du Vietnam du Nord. Il fut établi beaucoup plus tard que la mise en scène de cet incident permit de faire accepter l’intensification de la guerre par les opinions occidentales. Plus récemment, en Libye, fut révélé le massacre de 1300 prisonniers dans les geôles de Kadhafi, information démentie par la suite. Les exemples sont innombrables : de la propagande soviétique parlant d’un Afghanistan moyenâgeux pour justifier sa tentative de conquête, aux informations orientées sur la situation au Chili avant le coup d’état de Pinochet soutenu par la CIA.
Cette intoxication systématique doit nous laisser prudents et nous devons tenter de déceler sous le fatras des entreprises de désinformation les faits sur lesquels fonder notre opinion.
La deuxième question que l’on doit se poser est : si le régime de Damas est responsable de ce massacre chimique (ce qui n’est pas exclu) quelles ripostes sont à envisager ? La question est ouverte. Qu’en est-il aujourd’hui de la Libye débarrassée de son dictateur? De l’Afghanistan ? De l’Irak ? Quels sont les autres moyens de rétorsion ? Quelles solutions diplomatiques ? Faut-il armer l’ASL ? Le ministre danois des Affaires étrangères, Villy Søvndal, a insisté sur l'importance du rôle de l'ONU: «Je veux tirer la sonnette d'alarme contre certaines nations aux intérêts divergents tentées d'ourdir un plan (d'intervention armée), prévient-il. Nous ne devons surtout pas sauter les étapes: dans un conflit si complexe, il est essentiel que le Conseil de sécurité des Nations unies conserve un rôle, car nous travaillons dur pour trouver une solution politique.»
Or il apparaît que la seule mesure envisagée soit de frapper des sites stratégiques avec tous les dangers d’étendre le conflit syrien, après le Liban à d’autres pays. Les menaces de Bachar El Assad sont à mesurer au cynisme de sa politique depuis le début de la guerre civile. Dans une situation complexe il faut éviter les informations unilatérales et les décisions guerrières comme unique réponse envisageable.