Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

118 Billets

3 Éditions

Billet de blog 31 janvier 2012

Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

Les nouveaux chiens de garde : dégâts collatéraux?

Il y a quelque chose de salutaire dans le film Les nouveaux chiens de garde et je souscris à la première partie de l’article de Laurent Mauduit. Cependant pour avoir vu le film deux fois mes réserves persistent et même se sont approfondies.

Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a quelque chose de salutaire dans le film Les nouveaux chiens de garde et je souscris à la première partie de l’article de Laurent Mauduit. Cependant pour avoir vu le film deux fois mes réserves persistent et même se sont approfondies.

D’abord le sectarisme qui fait qu'aucun journaliste ne trouve grâce aux yeux des auteurs  En dehors d’Acrimed point de journaliste qui ne soit inféodé aux pouvoirs industriels et financiers du pays.  La manipulation fait d’Edwy Plenel, filmé avec Jean Marie Colombani et Alain Minc, un fossoyeur du Monde. A un autre moment il est en proximité d’image avec Eric Zémour. Le film ne nous dira pas si cette proximité d’image est aussi une proximité d’opinion mais nous laissera cette impression subliminale. Bien sûr rien n’est dit des Etats généraux de la presse et de l'Appel de la colline, rien non plus des nombreux articles de Laurent Mauduit dans Mediapart sur le rôle d’Alain Minc comme conseiller de Sarkozy et manipulateur du monde de la finance et de l’industrie (cf. son livre Petits conseils, Stock, 2007). Rien non plus sur les affaires Bettencourt-Woerth-Sarkozy, Takiédine-Balladur-Sarkozy, Tapie-Lagarde-Sarkozy…

Que Médiapart  ne soit dominé par aucun groupe financier, et réussisse grâce à ses lecteurs à conserver son indépendance sans dépendre d’annonceurs publicitaires, tout cela n’a pas d’importance.  La suspicion est lancée : Edwy Plenel et Médiapart mijotent dans ce monde trouble. Vous remarquerez que, dans le film, il y a le cadre et le hors cadre. Le cadre, vu à la télévision, montre tous les journalistes chiens de garde, le hors cadre ce sont les commentateurs, Frédéric Lordon et Michel Naudy qui décryptent pour nous les images présentées. Pas une image non plus d’ «Arrêt sur images» de Daniel Schneidermann, site où l’on voit les « économistes atterrés » et Frédéric Lordon.

Dans le huit pages qui accompagne la sortie du film l’attaque est plus explicite : « Il (E.P.) brame à présent que Minc a toujours été pour lui "un adversaire potentiel qu’il fallait tenir en marge" (France Culture 13 12 07). Le plus insolite dans ces divagations, c’est l’indulgence qu’elles suscitent dans son nouveau public. Le 4 octobre dernier après le NPA et le Front de Gauche, c’était le tour de l’"Université critique et citoyenne" de Nîmes d’inviter Plenel pour une conférence moustachue sur la "crise de la démocratie"».

Cela  devient obsessionnel et n’est pas la bonne manière pour  débattre. Loin de moi l’idée de faire d’Edwy Plenel et Médiapart les acteurs  de toutes les excellences. En trente cinq ans de journalisme, il a eu le temps d’écrire des bêtises, et Médiapart en quatre ans de publier des articles contestables. Et c’est heureux. Sommes nous à la recherche d’un gourou ou d’une presse qui nous dicterait une vérité ? Je pense que grâce aux recherches patientes de ces journalistes nous sommes aujourd’hui plus capables de comprendre notre monde dans sa complexité. Et grâce à la possibilité d’écrire, de commenter, de créer nos propres éditions, de participer à cette confrontation d’idées de laquelle chacun sort plus informé et plus intelligent.

Il serait temps pour Acrimed de savoir où se situe leur ligne jaune, avec qui il leur est possible de s’entendre. Dans la critique jubilatoire de cette caste de journalistes sont emportés ceux qui se coltinent le travail quotidien d’une information de qualité. Le pamphlet est une forme de critique qui force le trait mais il ne faut pas taper à côté, sinon gare aux dégâts collatéraux.  J’ai bien peur que le sectarisme d’Actimed les isole et fasse que tous ceux qui n’ont pas la même ligne politique soient rangés à tout jamais parmi les suppôts du capitalisme.

Le plus grave me paraît le sentiment d’impuissance qui se dégage de ce film. L’épilogue est d’une grande clarté : « Allons nous attendre encore trente ans … » comme si depuis trente ans nous attendions. Depuis trente ans, et plus, des personnes ont travaillé pour que les failles du système médiatique soient utilisées pour contester celui ci, pour que l’information circule dans et hors des circuits. Internet est aujourd’hui un outil qui permet en continu de contester la communication des pouvoirs dominants. Arrêt sur images, Médiapart, Politis, Alternatives économiques, le Canard enchaîné , le Monde diplomatique et d’autres n’attendent pas depuis trente ans. De nombreux journalistes honnêtes, en prenant parfois des risques, nous fournissent des informations qui sont la base de nos opinions. Ce combat se poursuit, nous avons à le mener partout où nous sommes. A Aix-en-Provence nous avons créé avec des associations amies (Attac, LDH, Repaire) un journal : Cent paroles qui correspond à cette volonté de ne pas être passif vis à vis de ces médias hégémoniques.

J’aimerais que des cinéastes montrent aujourd’hui comment des lieux d’expression existent, comment nous pouvons les conforter, comment nous pouvons les créer. Cela nous éviterait de rester sur le bord du chemin à nous lamenter. Comme le dit Michel Benasayag : « La liberté c’est déployer sa propre puissance dans chaque situation ».

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.