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Billet de blog 25 janvier 2014

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Le Nombre et maintenant les chiffres - Le rapport d'Oxfam sur les inégalités dans le monde

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L’argent est-il sacré, sacralisé, divinisé ? Absolument pas.

Est-ce qu’il fait système ? Non plus.

Je sais cela peut paraître complètement irréaliste après toute une analyse faite dans mon précédent billet sur le nombre, c’est-à-dire la recherche de la productivité et la technologie sacralisée dans le contexte d’un système capitaliste d’une violence et d’une force inégalée depuis son avènement. Alors dire que l’argent, le symbole même du capital ne fait pas système peut apparaître scandaleux.

Et pourtant les chiffres tels qu’ils sont révélés par le dernier rapport d’Oxfam nous sautent à la figure tant ils sont vertigineux. Ils ne peuvent que nous laisser pantois.  Au début du siècle, il n’y a que quelques années, Emmanuel Todd faisait dans son essai sur la décomposition de la société américaine, Après l’empire, l’analyse que 20% de la population se partageait en moyenne dans les pays 50% de la richesse totale (60% représentant une classe moyenne assez large et 20% les catégories les plus pauvres, évidemment tous ces chiffres étant des moyennes assez larges). Une décennie plus tard, comme pour la dégradation du climat, la dégradation des chiffres dépasse la pire des prévisions. Ce n’est plus 20% mais 20 fois moins, 1% de la population qui se partagerait la moitié des richesses. Qui s’est trompé ? Comment en est-on arrivé là.

Le rapport d’Oxfam se trouve ici.

Il y a six mois, l’observatoire des inégalités donnait déjà cette information rapportée par Oxfam et rappelait aussi que 10% des personnes les plus riches possédaient 82% du patrimoine mondial tandis que la moitie de la population possédait à peine 1% de ce patrimoine. On ne peut que rester sans voix, ne pas y croire, se dire que tout cela décrit une autre planète, est d’un autre temps (du temps ou le chef de famille décidait que la moitié du gâteau prévu pour le dessert lui revenait de droit et que le reste de la famille n’avait qu’à se repartir le reste, les plus frêles et démunis d’entre eux ne récupérant que les miettes, ce temps-là même au temps de la préhistoire a-t-il seulement existé ?). Mais non, rendons-nous à l’évidence qu’il s’agit de notre planète et que le vernis des sociétés modernes dites démocratiques, des sociétés dites plus respectueuses des droits de l’homme (et de la femme), plus égalitaires et plus fraternelles que par le passé, que ce vernis est en train de se craqueler pour faire apparaître le monstre hideux d’une oligarchie minoritaire – qui plus est ne se présentant pas, ni même ne se pensant pas privilégiée – se réservant l’essentiel des pouvoirs et de la richesse et maintenant de fait, par le système qu’elle autoalimente, une large part de la population, au pire dans la misère, au mieux dans une précarité difficile à supporter.

On peut toujours gloser sur cette hubris qui ne dit jamais son nom (en tout cas très insuffisamment dans les médias dominants qui aiment à nous raconter régulièrement des histoires de luxe et de paillette avec envie et adoration), la soif de richesse sans limite de l’homme, sa culpabilité et la colère que tout cela provoque. Il n’en reste pas moins que ce n’est pas l’argent ni l’homme fondamentalement cupide qu’il faudrait dit-on psychanalyser pour mieux l’empêcher de récidiver, qui font système. Tout cela est d’un banal à mourir d’ennui, presque un comique de répétition – s’il n’y avait pas ces conséquences tragiques - et le dire et le redire n’enrayera jamais ces travers aussi sûrement qu’il est impossible de raisonner le gros dur qui à la récré extorque à son voisin de classe son argent de poche afin de pouvoir se payer sans effort un carambar.

Cette inégalité abyssale, débridée désormais, jamais aussi peu freinée par le politique (seul rempart à ces excès d’une gravité gigantesque) ne se réduira pas par la dénonciation de l’immoralité du crime. Ou bien à la marge, pour un temps, celui d’une petite tempête médiatique dans un verre d’eau.

La révolution est la meilleure réponse possible. Elle vient de fait avec la faiblesse du politique (jamais aussi faible quand un des plus à gauche, croyons nous, des ministres socialistes chante tout le bien qu’il pense d’un patron aussi réactionnaire et disons le d’une bêtise assourdissante, que Maurice Taylor, j’ai nommé Arnaud Montebourg parce que cet imbécile – je parle de Maurice Taylor mais comprenez ce que vous voulez – consent après une flopée d’insultes et de propos irresponsables déversés sur les syndicalistes CGT de l’usine Goodyear, réembaucher, pardon exploiter un quart des licenciés) et le courage de ceux qui renoncent au confort bourgeois des sociétés qui par prudence maintiennent le filet de sauvegarde. Celui qui sert à maintenir, espère-t-on, en plus haut lieu, l’unité nationale.

Car les puissants ont peur. François Hollande probablement plus que ses prédécesseurs de la 5ème république quand on voit la célérité avec laquelle il a oublié ses valeurs de gauche (bon il faut avouer qu’elles n’ont jamais été très vaillantes pendant tout son parcours politique).

Mais la révolution ne se décrète pas. Personne ne peut la prédire, il y a des signes, des soubresauts, des incidents, une atmosphère lourde mais la recette permettant que tout cela prenne corps n’est pas toute prête.

En attendant la révolution celle dont Jacques Ellul prédit que dans les sociétés bourgeoises, elle ne peut advenir, il y a la prise de conscience, la connaissance, le décryptage derrière la propagande, la compréhension, le partage d’idées qui ne sont ni celles des médiacrates omniprésents et visibles, les experts , ni celles dominantes de l’oligarchie qui ne concède à comprendre qu’à la mesure de la peur des menaces émergeantes qu’elle ressent. Autant dire que sans rapport de force, il ne faut pas espérer bien sûr que le capitalisme se moralise de lui-même, et même qu’il accepte – quand bien même il le comprend très bien intellectuellement - que cela lui soit imposé par le politique.  Le système le guide dans ses faits, ses gestes et ses paroles. Pantin, il est lui aussi dans une société devenue société-machine. Un pantin dont le confort de vie très agréable lui fait tout de même oublier les inconvénients de son absence de liberté. Tout le monde ne subit pas de double peine…

Allez, je ne vous embêterais pas toujours avec mes références à Jacques Ellul mais je voudrais terminer ce billet par ce qu’il dit de l’Otium représentant à l'époque romaine ce qui s’oppose au travail par définition pénible et privant l'homme de sa liberté. L'otium est « la relation humaine, la conversation sur les problèmes politiques, la participation aux assemblées nombreuses, aux associations et confréries donc une vie vouée à la relation sociale et à la politique et non pas absorbée par le travail »[1]. On pourrait ajouter « refusant toute aliénation et donc par principe tout enrichissement personnel ». Si, si c’est possible.


[1]    J. Ellul in « Pour qui, pour quoi travaillons-nous » La table ronde, p39.

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