2011pour Yvan COLONNA
L'ANNEEDE TOUS LES POSSIBLES ?
On le sait, l'année judiciaire2011 sera notamment marquée par le troisième procès d'YvanColonna. En effet, la Cour de Cassation ayant invalidé l'arrêt dela Cour d'Appel rendu le 27 mars 2009, celui qu'on accuse d'avoirassassiné le Préfet Erignac à Ajaccio en 1998, doit être rejugépar une autre Cour d'Appel. Ce sera, en principe, entre le 2 mai etle 1er juillet de cette année. Je dis « en principe »parce que le temps accordé au Président de la Cour (connu depuisquelques semaines seulement) et aux avocats généraux (pas encoredésignés ) pour maîtriser un dossier énorme se révèleanormalement court.
Ce nouveau procèsreprésente-t-il une réelle chance pour Yvan Colonna d'être jugééquitablement ? Les enjeux pour les droits d'un homme et pour unfonctionnement démocratique de nos institutions sont considérables.
CE QUI JOUE CONTRE Yvan COLONNA:
La Cour d'Appel qui rejugera leprévenu le plus célèbre de France sera, de nouveau, « spécialementcomposée ». Le jury en sera donc constitué de 9 jugesprofessionnels nommés par le Premier Président de la Cour d'Appelde Paris. Le magistrat qui présidera le procès, Hervé STEPHAN, aété désigné lui aussi par le Premier Président de la Courd'Appel. Voilà donc une cour dont la constitution repose sur ladécision d'un seul homme. Lui-même mis en place par décret duPrésident de la République.
Le verdict sera déterminé àla majorité simple. Et, contrairement aux exigences de la CourEuropéenne des Droits de l'Homme, il ne sera pas motivé.
Tout cela se passe decommentaires.
CE QUI JOUE EN FAVEUR D'YvanCOLONNA :
2011, ce n'est ni 2009 ni 2007.Derrière ce truisme se cachent des réalités importantes.
*Les procès de 2007 et 2009, par les incidents dont ils ont étéémaillés ou les refus d'actes de procédure indispensables (commela reconstitution ou les compléments d'enquête rendus nécessairespar d'importants faits nouveaux), ont gravement terni l'image de laJustice. A ce sujet, les rapports des deux délégations de laFédération Internationale des Droits de l'Homme qui ont suivi lesprocès sont sans appel.
Non seulement l'accusation n'apas apporté un seul fait tangible étayant l'accusation, mais encorede nouveaux éléments sont venus en montrer la fragilité. Cela n'apas empêché la Cour d'Appel d'aggraver la condamnation d'YvanColonna à la perpétuité par la peine de sûreté de 22 ans. C'estla sanction la plus lourde prévue par le code pénal. Dansl'opinion le malaise devant ce verdict s'est durablement installé.
*La décision de la Cour de Cassation d'invalider l'arrêt de la Courd'Appel est venue renforcer le phénomène. Et, contrairement auxdéclarations concordantes des parties civiles et de MadameAlliot-Marie (Garde des Sceaux de l'époque), la décision de lajuridiction suprême ne porte pas sur un infime détail de procéduremais sur la façon dont la cour a traité les témoins à décharge.Au travers d'Aurèle Mannarini, expert en balistique, elle asanctionné la façon dont la cour a empêché ces témoins des'exprimer normalement, a cherché à les déstabiliser ou à porteratteinte à leur crédibilité. Elle a sanctionné aussi une certainefaçon de mener les débats, le Président n'ayant rien à demanderau principal témoin oculaire et multipliant les questions àquelqu'un qui … n'avait rien vu! Bref, un comportement scandaleuxqui jetait tellement le doute sur l'impartialité de la cour que sadécision méritait en effet d'être cassée. Il sera difficile derépéter de tels comportements au troisième procès.
Il sera difficile aussi derefuser à nouveau la reconstitution sur place. De même qu'il seradifficile d'ignorer les éléments nouveaux sur le dossier de latéléphonie qui montrent que le « scénario » officielsur lequel repose l'accusation ne correspond pas à la façon dontles choses se sont réellement passées à Ajaccio, le soir du 6février 1998.
*Ce qui a terriblement nui au droit de l'accusé à bénéficier d'unprocès équitable découle manifestement des interférences entre lepouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Mais de ce point de vueaussi, les choses ont beaucoup évolué :
-2011, c'est la veille de 2012. Celui-là même qui a allègrementviolé le droit à la présomption d'innocence en 2003, sera sansaucun doute candidat à sa propre succession. En 2012, plus encorequ'en 2007, chaque voix comptera. Y compris chaque voix corse. Orl'affaire Colonna a provoqué dans l'île un mouvement qui en ébranleles structures politiques traditionnelles. Aux dernières électionsterritoriales la liste autonomiste conduite par Gilles Simeoni, l'undes avocats d'Yvan Colonna vient en tête avec 26% des voix. Si on yajoute les voix des indépendantistes, les listes nationalistestotalisent 35%. A Cargèse, le village des Colonna, elles frôlentles 65%, là où l'UMP atteint péniblement 22%.
Le nouveau journal corse « 24ore » vient de faire voter ses lecteurs pour déterminer lapersonnalité corse qui a le plus marqué 2010. Gilles Siméoni vienten tête avec 25% des voix. Il est suivi par l'avocat principald'Yvan Colonna, A. Sollacaro qui fait près de 9%. Me Garbarini vienten 6ème position avec plus de 5%. Les trois avocats corses d'YvanColonna totalisent donc près de 40% ! La première personnalitépolitique de l'île, D.Bucchini, président de l'AssembléeTerritoriale, vient seulement en troisième position avec un peu plusde 8%. Quant à la représentante de l'UMP, elle dépasse à peine6%.
Bref, les enjeux politiquesautour de l'affaire Colonna deviennent considérables. Le candidatSarkozy pourra-t-il l'ignorer indéfiniment ?
*Le Procureur Général. Jean-Louis NADAL est le premier magistrat duparquet. Il vient de prendre une position publique qui est unvéritable coup de semonce. Il demande dans le discours prononcé,le 7 janvier, au cours de l'audience solennelle de rentrée de laCour de Cassation que la séparation entre pouvoir exécutif etpouvoir judiciaire soit effective. Elle ne l'était donc pas,pourrait-on demander avec une fausse naïveté. Cette prise deposition du Premier Procureur de France se connecte notamment sur lescandale qui a agité le monde politico-judiciaire pendant des moiset dans lequel le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a jouéce rôle si pathétique d'affidé de l'Elysée. L'opinion estlargement convaincue de la volonté du politique d'instrumentaliserle judiciaire au service d'intérêts privés puissants.
Tout cela est bon pour YvanColonna. Cela ne signifie pas, loin de là, que la partie soitgagnée. Cela signifie que les cartes sont redistribuées et le jeumoins verrouillé. On notera l'importance de l'opinion dans cephénomène. Les mauvais coups ont besoin de l'ombre et du secretpour réussir. Faisons donc le maximum de lumière.
Aux dires des avocats d'YvanColonna, je suis l'un de ceux qui connaissent le mieux cette affaire(cf. « Le Roman de Ghjuvanni Stéphagèse, clés pour l'affaireColonna », l'Harmattan 2009). C'est pourquoi, en attendantl'ouverture du procès, je propose de tenir ici même une rubriqueColonna. J'y rappellerai un certain nombre de choses :
sur quelle haine ordinaire et quel racisme anticorse reposent les préventions contre Yvan Colonna ;
les sottises et les clichés qui empêchent d'y voir clair ;
ce que sont les prétendues « preuves accablantes » contre le prévenu ;
les faits et les arguments qui militent en faveur de son innocence.
Mediapart fait bouger les lignesparce que dans le domaine médiatique, il représente la modernitéet le courage. Je souhaite que ce blog qu'il accueille soit un lieud'échanges véritables, de questions, d'informations qui éclairentle plus possible cette affaire Colonna qui est l'un des déshonneursde notre temps.
Je serai accueillant à l'égardde toutes les interventions, même hostiles, à la condition, bienentendu, qu'elles soient de bonne foi et respectueuses del'interlocuteur.