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Billet de blog 4 mars 2011

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Les intermittents montrés du doigt

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le journal Les Echos révèle des chiffres accablants sur l’équilibre du régime des intermittents du spectacle en pleine renégociation de l’assurance-chômage. Un appel dangereux à une nouvelle réforme qui tendrait de nouveau à précariser le monde de la culture et du spectacle.

« Intermittents du spectacle : les chiffres qui gênent », titrait en première page, le journal Les Echos, le 28 janvier dernier. Le quotidien économique souligne que le montant du déficit du régime d’assurance-chômage des intermittents s’élevait à plus d’un milliard d’euros en 2009 - avec 1,3 milliard d’euros de prestations versées pour seulement 223 millions de cotisations prélevées - ce qui correspond au tiers du déficit enregistré par l’Unedic. Comment les 105 826 intermittents indemnisés (3% des allocataires du pôle emploi) ont-ils pu être à l’origine d’un déficit d’une telle ampleur ? Le quotidien se désole que ce sujet ne soit « pas inscrit au programme de la renégociation de la convention Unedic » qui s’achève le 31 mars 2011. Et précise que les précédentes réformes de 2003 et 2006, durcissant les conditions d’obtention du statut, « n'auront donc clairement pas permis de rééquilibrer les finances ».

Cet article qui dénonce le statut des intermittents comme un « privilège » qui pousse « aux abus », un « passe-droit dans la galère ordinaire du chômage », stigmatise les professionnels du spectacle dont le régime pourrait se retrouver une nouvelle fois sur la sellette.

La précarité culturelle

Avec un ratio cotisations/indemnisations de moins de 18%, le régime des intermittents est structurellement déficitaire. Lui demander d’être à l’équilibre est une véritable gageure. Et laisser croire que, sans les abus dénoncés, il pourrait le retrouver est une totale hypocrisie. Car l’absence de déficit signifie soit le retour à une politique culturelle moribonde soit la fin de l’intermittence.

En réalité, loin du scoop annoncé, les comptes se stabilisent. Le régime des intermittents accusait déjà un déficit frôlant le milliard d’euros au début des années 2000, et les réformes successives n’ont pas amélioré la situation. C’est au cours des années 80 et 90 que le nombre d’intermittents indemnisés a décuplé et que le déficit s’est creusé.

Durcir de nouveau les conditions d’accès au statut risque de favoriser le volant des travailleurs précaires de la culture. Près de 50% des indemnisés entrent ou sortent du dispositif chaque année. Ces intermittents par intermittence peuvent être tentés d’arrêter cette course aux heures en complétant un revenu minimum d’activité (RSA) par quelques cachets non déclarés.

Les « permittents » de l’audiovisuel

Le statut d’intermittent apparaît comme une nécessité dans un secteur où l’irrégularité et la limitation dans le temps des productions artistiques empêchent la pérennité des emplois. Mais, c’est aussi un mode de gestion très flexible de la main d’œuvre et l’occasion d’externaliser des coûts salariaux vers l’assurance-chômage. Le Monde révélait, en 2003, d’après un document confidentiel de l'Unedic, que parmi les quarante plus importants employeurs d'intermittents, figurent en bonne place les sociétés de l'audiovisuel publiques et privées et que « les permittents, les intermittents permanents, sont très souvent la règle dans l'audiovisuel ». Ce type de dérives doit assurément donner lieu à une meilleur régulation de l’intermittence et peut nécessiter la révision du statut de certains salariés dont la situation est beaucoup plus proche du salarié à temps plein en contrat à durée indéterminée (CDI) que celui d’un intermittent du spectacle. Mais il doit s’agir d’une politique ciblée qui ne doit pas s’abattre indistinctement sur l’ensemble des intermittents dans une logique uniquement comptable.

Une politique culturelle assumée

Le régime des intermittents n’a pas fini d’essuyer les attaques de toutes parts si l’on n’érige pas ce statut comme une nécessité pour faire vivre l’art. Intégrer son solde négatif dans les prérogatives du ministère de la Culture et de la Communication équivaudrait, pour cette année, à une hausse de 13,3% de son budget. L’Etat peut assumer sa mission de service public dans le domaine de la culture sans lui faire peser son manque de rentabilité. Accepter cette charge financière, supportée artificieusement et hypocritement, pourrait revigorer son image sur la scène culturelle et le positionner de nouveau comme un véritable promoteur de l’art.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.