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Billet de blog 25 janvier 2014

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5. « MÊME LES HOMMES, JE LES MANGE ! »

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Par Abdenour DZANOUNI

M. Jack Lang, directeur de l’Institut du Monde Arabe, a menacé, à la mi-janvier, le PDG d’Air France, M. Alexandre de Juniac, de rendre publique sa lettre de protestation au sujet du plateau repas servi à bord du vol Paris-Singapour. N’était-il pas cascher ? Etait-il hallal ? Rien n’a filtré du contenu de la lettre sinon que le repas était « imbouffable !». Le directeur d’Air France, terrorisé par la prose de l’ancien ministre de la culture et la crainte de l’émeute qui suivrait sa diffusion publique, s’est fendue d’une lettre de plates excuses nous privant ainsi du détail du menu qui a rendu Jack si furax. Au passage, nous avons appris que la grand-mère de Jack n’était pas un « cordon bleu » et que son grand père, qui n’était pas non plus fin gourmet, réagissait assez vivement à table : « Imbouffable ! » criait-il en renversant son assiette, faisant la honte à la pauvre femme et alertant tous les voisins. « C’est comme ça que faisait mon grand père, quand il était en colère. Et je fais comme lui !» a rapporté l’ancien ministre de la culture avec une délicatesse qu’on ne lui soupçonnait pas. Laissons donc ces hommes qui nous gouvernent poursuivre « leur chemin de l’excellence, encore long et semé d’embûches » comme ils disent,  et reprenons, là où nous l’avons laissé, le fil de la conversation de Saint Augustin et du citoyen Publicola en l’église d’Hippone*.  

Saint Augustin, attentif et compatissant, propose des solutions au citoyen Publicola afin de soigner ses angoisses alimentaires métaphysiques*, selon le cas : « si on sait, et ce que l’on sait, ou si on ne sait rien. », À cette formule, fait écho, à notre époque, la question du « droit à l’information » des consommateurs que nous sommes devenus faute d’être estimés citoyens. Ceux qui détiennent l’information sensible en font la rétention et aucune loi ne les contraint à la rendre publique. Que la consommation ou le contact d’un produit soit toxique à terme, importe peu pourvu que l’argent rentre. La liste des produits alimentaires végétaux et animaux funestes est longue et celle de l’ordonnance des médicaments et des soins qui tuent s’allonge. Cela n’inquiète pas plus ceux qui nous gouvernent !

Pauvre de nous ! misère de nous autres ! faute d’être informés en vrai, nous n’avons pas le choix entre s’empoisonner ou pas, s’intoxiquer ou pas, boire la ciguë ou mourir de soif ! En conséquence, sommes-nous en pouvoir de prévenir les holocaustes humains de demain? Pouvons-nous arrêter la main criminelle qui les fomente ? Peu de chance car ce ne sont pas les empereurs du crime et du génocide qui sont mis à l’index par les gouvernements et les médias mais l’étranger, l’exilé, l’émigré de passage sur cette terre, avec à la main une valise qu’il pose et qui lui sert de siège quand fatigué, il se repose.

Le voilà qui assiste à une distribution de soupe « bleu-blanc-rouge »,  organisée ce rude hiver par des racistes du Front National de Neuilly et Saint-Cloud à l’ouest de Paris. Cette soupe a la particularité de contenir du porc pour exclure les pauvres affamés qui seraient musulmans ou juifs. Parmi ceux qui font la queue, ce vieux maghrébin, le teint basané, le regard vide, les joues creusées à se toucher de l’intérieur, le visage cabossé, les épaules voutées, les deux mains tremblant de froid. Il saisit le bol de soupe fumante et s’apprête à le porter à ses lèvres. Un  journaliste l’interpelle :

« Vous mangez le cochon ? » lui demande-t-il.

« Moi ? dit-il,  en relevant la tête et la voix blanche, même les hommes, je les mange ! »

Tabou ou pas, haram ou halal, la nécessité fait loi.

Nombre de manifestations de racisme et de  xénophobie se sont exprimées dans ces viols de conscience, dans les discours de candidats aux élections et, insupportable ignominie, dans les actes d’élus et de ministres qui, sitôt portés à leur siège et toute honte bue, ont trahi leurs engagements électoraux et les suffrages de leurs électeurs.

Tout cela appelle  à établir un diagnostic précis de ce mal étrange et endémique et d’étudier les causes de sa prophylaxie. Examinons le milieu de culture, microbien, viral ou vénéneux,  plus ou moins fermé, confiné, stagnant  de l’idéologie raciste et isolons les vecteurs de cette funeste maladie que sont les dirigeants politiques et les journalistes militants de « la suprématie de la race blanche », de « l’universalité de  la civilisation occidentale » et de « la chasse aux  émigrés » comme en 60 !

Qu’y voit-on ?

Une arène… où un torero agite un  chiffon rouge et dissimule dans son dos l’épée effilée qu’il se prépare à planter. Il agite la muléta sous le museau du taureau, plante les banderilles vénéneuses,  l’excite à la colère et à la haine et provoque le taureau à charger tête baissée et la gueule écumant de rage … Après l’avoir balayé de droite à gauche et de gauche à droite, trituré et meurtri par les lances des picadors de service, mis à genoux et roulé dans la poussière, le torero enfonce profondément la dague assassine dans la nuque de l’animal. La bête en sang vacille, titube et s’effondre , sa lèvre mord la poussière que son sabot a foulé, un goût de sel lui monte à la bouche  et son œil soudain étonné… s’éteint.

Ô peuple arrogant et dominateur, belliqueux et va-t-en guerre, méfie toi de la bête qui est tapie en toi, prompte à te pousser dans l’anneau funeste de la colère, de la haine et du crime !  Ne la laisse pas te juguler  et mets-là sous ton joug !  Ne la laisse pas te mener par l’anneau accroché à ton naseau percé! Maîtrise là! Dompte là ! Mène-là à ta main ! Ne fonce pas tête baissée sur le premier chiffon rouge agité pour te leurrer puis te perdre ! Crains l’épée cachée dans le pli de la muléta et affutée pour te prendre la vie et l’honneur! Crains de baigner comme ce taureau dans la mare de sang que tu verses puis d’être tiré  par de lourds chevaux de trait, hors de l’arène, couvert de poussière et de honte! Crains que le toréro ne brandisse tes oreilles  en trophée !

Ô peuple digne et laborieux, paisible et fraternel, un jour, curieux et étonnés, tes enfants ou tes petits enfants découvriront, dans un  dictionnaire, le mot « halal » aux côtés de mille et un autres mots  arabes, turcs, hébreux, persans, chinois, hindous qui constellent déjà la langue française dans les domaines de la chimie, l’astronomie, la botanique, l’anatomie et autres savoirs … « Hallal : mot d’origine arabe signifie licite, permis, consommable,  et se dit autant d’un aliment, d’un  amour que d’un gain financier.  Usage particulier vieilli et péjoratif : démoniaque, toxique ou mortel.» Rectifié, ce mot n’est donc pas aussi terrible que des politiques et des journalistes ont voulu le faire croire pour te prendre en otage et extorquer les voix de la peur!

Salam.

AD

* Voir « 2. Le Hallal pour les nuls, selon Saint Augustin.»

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