Cela a été fermement établi le 20 août de cette année 2008 : tous les enfants ont le droit d'être accueillis à l'école par temps de grève et les parents auront le droit de travailler. Justice est faite aux honnêtes gens. Sauf que...
Il y a le texte et l'application du texte.
Chronique de l'application du Droit d'accueil dans mon école lodèvoise.
Jeudi 25 septembre :
Je reçois un appel m'informant d'une possible grève le 7 octobre. Il s'agit d'utiliser l'appel International pour le respect des droits de travailleurs et du travail décent pour attirer l'attention sur « l'organisation de la désorganisation » de l'école. On me demande qu'elle est la température sur le terrain. Chaude. Beaucoup de colère. Mais plus aucune envie de petites grèvettes à la petite semaine et de manifettes dont on ne s'aperçoit plus qu'elles existent...Les collègues sont autant exaspérés qu'en rage.

PEB et FOX (merci pour la collaboration)
Vendredi 26 octobre :
Appel à la grève pour le 7 octobre. Sur le terrain, on s'interroge.
Lundi 29 septembre :
Une envie d'y aller mais pas pour faire ce qui a été déjà fait.
Mardi 30 septembre
Il faut se décider car aucune consigne syndicale n'a indiqué un refus massif des « déclarations préalables » à la grève. Si la déclaration doit être faite 48h à l'avance, c'est 48h ouvré. Donc pour mardi 7 octobre, le document doit arriver vendredi 3 octobre avant minuit. Mais il faut aussi tenir compte des délais de la poste (donc 2 à 3 jours, si la poste n'est pas en grève...). Donc, envoyer le courrier aujourd'hui...Mais mon école n'est pas très loin du bureau de l'Inspection de ma circonscription (une centaine de mètres). Je décroche mon téléphone, j'appelle l'Inspection. Une question pour moi et une pour les collègues. « Puis-je déposer dans le bureau les déclarations de grèves ? » « oui, bien sûr. » « Alors, je vous demande une attestation de réception du document, pour éviter toute contestation » (j'ai appris à être très prudent) « Oui, pas de problème, si cela se fait avant la fermeture du bureau, le vendredi » « Une question d'une collègue : peut-on se déclarer gréviste et ne pas faire grève ? » « Oui, c'est même prévu par la loi ». Je prends note.
Mercredi 1er octobre
Je fais mes courses. Je recherches les textes relatifs au droit d'accueil.
Jeudi 2 octobre
Nouveau changement dans l'organisation des heures supp à l'école (le 4ième). Je n'arrive toujours pas à trouver le temps de rédiger un billet sur ce sujet...Pas le temps, il faut appliquer les circulaires. Et la classe ? Il faut appliquer les circulaires. Et je ne suis pas le plus docile mais j'aime bien connaître mes textes sur le bout des doigts. Comment dois-je m'y prendre ? Vais-je avertir les parents ? Est-ce la maire ? L'Inspection ?
Je reçois les accusés de réception de nos déclarations de grève.
Vendredi 3 octobre
Je relis très attentivement la loi sur le droit d'accueil puis la circulaire d'application. Je lis en suite les circulaire de l'Inspecteur d'Académie et celle de l'Inspecteur de circonscription. De textes d'application de l'application du texte d'application, il y a de moins en moins de mots. La procédure devient plus claire mais des choix sont faits. Ces choix diverges légèrement de la circulaire première...
Quel mot distribuer aux parents ? Que puis-je leur dire légalement ? A quel moment ?
Voici les textes :
Code de l’éducation
L.133-4
« Les familles sont informées des modalités d'organisation du service d'accueil par la commune et, le cas échéant, par les maires d'arrondissement. »
L.133-6
« Le maire établit une liste des personnes susceptibles d'assurer le service d'accueil prévu à l'article L. 133-4 en veillant à ce qu'elles possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants. […] Cette liste est transmise pour information aux représentants des parents d'élèves élus au conseil d'école. Les personnes y figurant sont préalablement informées de cette transmission. »
La circulaire d’application de la loi dit :
" Les directeurs d'école informent les familles des conséquences éventuelles du mouvement social sur le fonctionnement de leur école, par les moyens de communication les plus appropriés (affichage extérieur notamment). Lorsque le taux prévisionnel de grévistes implique l'intervention de la commune, ils facilitent la mise en place des mesures d'information que cette dernière organise à destination des familles en application de l'article L. 133-4 du code de l'éducation."
et
"Les communes qui mettent en place le service d'accueil informent les familles conformément aux dispositions de l'article L. 133-4 du code de l'éducation par les moyens qu'elles jugent appropriés (cf. 3) du B) ci-dessus). Cette information porte sur les modalités pratiques d'organisation du service."
Circulaire de l’Inspecteur d’Académie.
Le directeur d’école est tenu « de faciliter la diffusion des informations aux familles par les communes. [Il est] aussi chargé d’adresser aux représentants d’élèves élus au conseil d’école la liste, fournie par la mairie et validée par l’Inspection académique, des personnes susceptibles d’assurer l’accueil ».
Note de l’Inspecteur de l’Education nationale de Lodève.
« Les communes informent les familles par les moyens qu’elles jugent appropriés. Les directeurs d’école sont tenus de faciliter ces mesures d’information. »
Je prends donc une décision car je dois fournir aux parents des certitudes. Dans mon esprit, le but est de ne pas rompre un lien tissé avec eux, de respecter la loi et d'agir contre les mesures en cours. Ma décision est d'appliquer à la lettre les textes du gouvernement. Je transmets donc au famille une information qui stipule qu'il y a un appel à la grève qui peut toucher l'école le 7 octobre. Je rappelle que les déclarations d'intentions de grèves peuvent être faite secrètement par les collègues qui peuvent ne pas m'informer de cette démarche. Je rappelle qu'une déclaration d'intention de faire grève n'implique pas de faire grève. Je ne peux donc pas dire aux parents qui fait grève.
Je suis un lecteur scrupuleux de la circulaire et je remarque :
« Art. L. 133-5. − Les informations issues des déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation, durant la grève, du service mentionné à l’article L. 133-4.[le SMA] Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute autre personne que celles qui doivent en connaître [l'Inspecteur d'Académie et son délégué l'Inspecteur de circonscription] est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. »
Je ne peux donc pas dire qui est en grève. J'informe les parents que j'informerai les parents d'élèves élus de l'organisation de l'accueil des enfants quand la mairie m'aura transmis la liste des personnes susceptibles d'assurer l'accueil.
A la sortie de l'école, les parents demandent qui est en grève. Personne ne répond à cette question en rappelant la loi. Cela tranche avec les habitudes des écoles qui avant le SMA prévenaient pour que les parents s'organisent. Nous leur disons que nous ne savons pas encore si leur enfant seront accueillis. Certains villages ruraux, et en premier chef St Pons de Thomières, refusent d'instaurer le SMA, malgré la loi.
Agir mais, ne pas rompre avec les parents, ne pas rompre avec les parents...
Lundi 6 octobre
Le week-end a été long comme tous les week-ends maintenant. À 12h00, aucun document de la mairie. Les enfants demandent « alors demain, y a école ? Y a grève ? ». Les parents veulent savoir. Même réponse de notre part, la loi et l'attente du document de la mairie. Agir mais, ne pas rompre avec les parents, ne pas rompre avec les parents...
A 14h00, j'appelle la mairie pour obtenir la liste. Dois-je le faire ou laisser la mairie se débrouiller et renvoyer les parents vers la mairie. Tant pis s'ils ne savent pas s'il y a grève le 7 octobre ? Je ne souhaite pas trop mettre les parents dans des positions délicates. Je décide d'appeler la mairie pour les informer des procédures « A bon !!! On doit faire comme ça ? » « Et oui, c'est la loi » « Bon je vous fais parvenir un document ».
16h15 l'élu chargé des affaires scolaires porte le document à placer au tableau d'affichage. Les parents n'ont pas l'habitude de lire les documents qui y figurent mais, bon, c'est la procédure...J'avertis tout de même les parents d'élèves élus, enfin quelques uns...
16h30 « Vous faîtes grève ? » « Je ne peux pas le dire mais un accueil est organisé » « C'est complètement con cette loi, on ne sait pas si demain nos enfants vont se lever pour aller en classe ou pour aller en garderie parce que si c'est pour rester à rien faire tout la journée, je préfère les faire dormir et m'arranger avec quelqu'un pour qu'ils restent à la maison. Vraiment vous pouvez pas me dire à moi si vous êtes en grève ? Rendez-vous demain à 10h00 devant la Halle Dardé ou à 17h30 devant le Super U, les enseignants grévistes feront de l'information sur les réformes en cours.»
Mardi 7 octobre
27 élèves sont accueillis. Les parents viennent à notre rencontre le matin devant la Halle Dardé. Midi Libre est là, les élus aussi. Nous présentons les 13 « desserts » (comprendre les réformes) de notre ministère…