17.06.15 - Il y a des journalistes qui risquent leur vie dans les théâtres de guerre, ou simplement parce qu'ils mettent leur nez dans les sales affaires des puissants et des mafias. Il y en a d'autres qui essaient de faire au mieux leur travail avec dignité et professionnalisme. La plupart essaient de deviner ce que leur propre directeur ou éditeur aimerait voir écrit ou dit avant même que le chef le leur fasse savoir tout en évitant d'avoir recours à une censure fastidieuse. Et puis il y a les journalistes mercenaires, comme dans le cas de l'affaire découverte ces derniers jours en Grèce.
Alors que le pays est secoué par le énième échec des négociations entre le gouvernement d'Athènes et la Troïka et que le Premier ministre Tsipras accuse le FMI d'avoir des responsabilités criminelles à l'égard de la condition tragique dans laquelle verse le peuple grec, nous apprenons que depuis 2010 à ce jour, justement le FMI a "formé" des journalistes 'embedded' (embarqués) afin de diffuser des articles, des opinions, des commentaires favorables aux demandes des soi-disant "créanciers internationaux". Les mêmes qui prétendent aujourd'hui que Tsipras coupe de près de 2 milliards les retraites dans un pays où la grande majorité des retraités ne parvient à percevoir même pas 450 euros par mois.
Le rôle du FMI et de la Troïka dans la manipulation d'une partie de la presse grecque a été dénoncé par la Commission Parlementaire sur la transparence de la crise, à commencer par les révélations de l'ancien membre grec de l'institution internationale Panagiotis Roumeliotis. Lequel a révélé - avec un retard coupable - qu'une certaine série d'ateliers de formation à laquelle ont été invités de nombreux journalistes d'Athènes avait été scientifiquement conçue et organisée par les créanciers eux-mêmes pour créer de véritables "porte-parole" des exigences de la Troïka à l'égard de la classe politique et des citoyens grecs. Lesquels, pendant quelques années, ont été bombardés non seulement par la propagande du Premier ministre et des ministres socialistes et conservateurs qui ont diligemment appliqué l'austérité, les coupes, les privatisations et les licenciements au nom de la cure de la nation et de la sortie de la crise, mais aussi par des messages de propagande diffusés par certains journalistes qui par métier, par mission pourrait-on dire, avaient le rôle institutionnel de chanter les louanges des politiques imposées par Bruxelles et Francfort, de raconter une réalité parallèle servant les intérêts des grandes puissances. Beaucoup des journalistes qui pendant des années répandent leur terrorisme médiatique sur les conséquences catastrophiques d'un éventuel rejet des mémoranda et des mesures mises en œuvre par l'Union européenne et par les autres institutions internationales, sur les risques d'une sortie de la Grèce de la zone euro ou de l'UE , sur le rejet des diktats de la Troïka ne sont animés non seulement par leur propre opinion politique ou professionnelle, mais dans certains cas aussi par un rapport de sujétion organique à l'égard des bourreaux de leur propre peuple. Le système des médias n'en sort pas reluisant ... et les soupçons que le mécanisme dévoilé par Roumeliotis n'existe pas seulement en Grèce, mais a été mis en œuvre dans d'autres pays du continent soumis à la dictature de la Commission Européenne, de la Banque centrale et du FMI - y compris l'Italie - semblent tout à fait légitimes.
À ceux qui accusent maintenant Roumeliotis de répandre des rumeurs infondées et ainsi de déstabiliser un pays déjà instable, l'ancien membre du FMI a répondu en fournissant des pièces justificatives solides sur le processus qui a conduit à la création d'un tel mécanisme de conditionnement de la presse grecque. Des preuves qui, selon ce qui a été déclaré par les chefs de la commission parlementaire d'enquête sur le FMI devraient être révélées au pays dans les prochaines semaines.
L'ancien représentant grec au FMI a ajouté que pour soutenir la presse 'embedded' il y avait (y a-t-il encore?) une équipe d'économistes et d'universitaires qui, à l'occasion d'interviews dans les journaux ou d'émissions de télévision, se prêtaient pour faire oeuvre de persuasion de l'opinion publique grecque quant à la validité des recettes des créanciers et des risques "terribles" résultant d'un éventuel changement de route. Ceci pendant que à Athènes ils serraient les menottes aux poignets de Kostas Vaxevanis, journaliste coupable d'avoir publié sur son hebdomadaire Hot Doc la liste Lagarde avec environ 2000 noms d'autant de méga-fraudeurs du fisc. Et pendant que le gouvernement Samaras fermait manu militari la télévision coupable d'être trop critique à l'égard des politiques imposées par la Troïka.
Selon Roumeliotis, la Commission parlementaire pourrait maintenant demander formellement au responsable de la communication du FMI, Jerry Reis, les noms des journalistes invités aux séminaires. Pour cette raison, le président de la Chambre, Zoi Konstantopoulou (membre de la gauche interne de Syriza), a accepté la proposition annonçant une lettre formelle adressée à l'institut dirigé par Christine Lagarde. Qui maintenant, on peut parier, est en train de tomber des nues ...
Pendant ce temps, la même présidente du parlement à Athènes a cité le journaliste de la télévision Yiannis Pretenteris lequel dans son livre récent aurait admis avoir fréquenté justement les séminaires du FMI en question.
http://contropiano.org/internazionale/item/31399-grecia-e-scandalo-per-i-giornalisti-mercenari-al-servizio-della-troika
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