18.02.15 - Une année s'est écoulée depuis la chute du gouvernement Yanoukovitch en Ukraine, par Euromaidan. Depuis celle que tous les médias occidentaux avaient annoncé comme la deuxième révolution orange pour la démocratie. Une année dense d'atrocités dans ces lieux et farcie de mensonges et censures de la part des principaux médias nationaux.
par Nico Macce
Ce n'est pas dans mes intentions de re-parcourir les étapes de cette histoire. Il y a des sites et des blogs qui sont déjà très exhaustifs. Je retiens plus important encadrer cette guerre sale et irresponsable créée par les pôles impérialistes USA et UE de l'Alliance Atlantique, dans un dessein plus ample qui est en train de se former en Europe et plus généralement au niveau international.
Si je mentionnerai quelques données ce sera pour les plus paresseux, qui n'ont pas envie d'aller se documenter, mais qui risquent dès lors de ne pas avoir la dimension réelle de ce que je retiens être le risque le plus grand de guerre sur vaste échelle que la planète soit en train de courir depuis la deuxième guerre mondiale à ce jour.
Le putsch
Lorsque l'année dernière les USA ont mis à exécution le putsch de place Maidan en Ukraine, avec la complicité active des pays OTAN et de l'UE, le but était celui de déclencher l'attaque à la Russie en élargissant le contrôle OTAN jusqu'aux frontières russes et en mettant en crise le gouvernement de Poutine dans le but de le renverser.
C'est ainsi qu'a été abattu un gouvernement qui, bien que corrompu et dominé par des oligarques régionaux, a été régulièrement élu par les citoyens de ce pays.
Pendant que nos médias chantaient les foules de révoltés sur la place Maïdan, l'érigeant au statut de symbole d'une sorte de révolution démocratique et civile, ce qui était en train d'arriver, en réalité, n'avait rien de civil.
Les médias occidentaux filmaient des jeunes filles avec des bouquets de fleurs et des policiers déployés en défense du palais, pendant que dans cette place entraient en scène de véritables groupes paramilitaires nazis. Les télévisions d'autres pays ont montré une violence inédite de la part de ces manifestants : des bombes de feu sur la police, des tirs d'arme à feu, toutes les pratiques de guerrilla qui si mises en oeuvre par des manifestants à Rome ou Berlin, auraient légitimé les répressions les plus sanglantes de la part des pays "démocratiques et civils".
Sur les toits de certains immeubles des snipers tiraient un peu sur les uns un peu sur les autres. Qui les a-t-il organisés ? Successivement auraient émergé les vraies responsabilités, moins qu'évidentes pour les opinions publiques occidentales. Aujourd'hui il est évident que la chose fut organisée par les services de l'intelligence états-uniens et de ses alliés.
Il a été ainsi réalisé un putsch contre un gouvernement faible et devenu impopulaire, mais qui pouvait très bien être mis en discussion par des élections régulières et démocratiques. Cependant quelqu'un visait bien autre chose.
L'avènement d'un véritable état nazi en Ukraine
USA-OTAN-UE se sont servis de groupes paramilitaires nazis, régularisés par la suite en forces militaires comme le Bataillon Azov, au moment où le sud-est de l'Ukraine majoritairement russophone s'est révolté au putsch.
Pendant des mois les médias occidentaux ont filmé des fleurs pour les "martyrs" sur la place Maïdan, louant les qualités démocratiques du nouveau "gouvernement populaire". En réalité pour 40% de la population ukrainienne, celle russophone, commençait un cauchemar : le russe était aboli comme langue nationale. Les putschistes remettaient sur le trône de l'histoire ukrainienne le pire collaborationniste des nazis de la deuxième guerre mondiale : Stepen Bandera. Commençaient les pogroms contre les oppositions, le parti communiste en particulier.
Pensez-vous peut-être que depuis Washington et les chancelleries européennes se soient levées des voix critiques, tout au moins pour ramener sur un plan plus civil le coup de main, néanmoins fasciste même abstraction faite des méthodes ?
Pas du tout. Depuis l'idée initiale le projet était de pure terreur pour créer dans le pays ces conditions qui auraient pu mener à une réaction de la Russie.
Les raisons du referendum populaire de la Crimée pour revenir (et je souligne revenir) dans la Russie, de même que les raisons de la rébellion dans la Novorossia sont à lire dans ce contexte. Pour ces populations russophones, pour des millions de citoyens antifascistes ou de toute manière non fascistes, Euromaidan a été beaucoup pire que notre 8 septembre 1943.
Les faits nous disent que les pogroms et les attaques nazies ont amené comme je disais, la Crimée, région ukrainienne qui était russe avant Kroutchov, à un referendum pour être annexée à sa mère patrie originaire.
Une réponse démocratique et responsable de la part de cette partie de population que nous pourrions définir société civile, devant la furie réactionnaire des escadrons paramilitaires putschistes. En effet, le referendum a été conduit par des moyens démocratiques, bien que les USA et alliés n'en aient pas reconnu la valeur, hurlant à l'annexion de la part de Moscou. Les puissances occidentales étaient pressées de commencer la deuxième phase : celle de l'escalade, une attaque en crescendo contre la Russie.
L'escalade contre la Russie, les sanctions, la guerre économique contre le rouble
Commence ainsi la politique des sanctions. Dans la clarté de l'après coup on peut soutenir que le massacre d'Odessa, déclassifiée dans les médias "embedded" occidentaux, comme affrontement entre hooligans, ait servi précisément à amorcer une réponse de la part des oppositions russophones.
Ce massacre fait par des groupes paramilitaires nazis à la Maison des Syndicats d'Odessa le 2 mai d'il y a un an, représente l'un des pires épisodes terroristes ayant eu lieu en Europe dans le deuxième après-guerre jusqu'à ce jour, comparable aux massacres de la guerre en ex-Yougoslavie, voulue elle aussi par les USA du "démocrate" Clinton et par les principales puissances OTAN, soutenue par le gouvernement D'Alema et faite passer pour "mission humanitaire".
A la Maison des Syndicats, des dizaines de personnes furent brûlées vivantes par une attaque incendiaire qui mis le feu à l'immeuble. Ceux qui essayaient de se sauver en se jetant à l'extérieur, étaient achevés impitoyablement par tout moyen, arme blanche ou à feu, battes de baseball. Une extermination qui s'est poursuivie à l'intérieur sur les survivants.
Sur le site du Corriere della Sera, on lisait : "Trente-huit personnes sont mortes dans une incendie dans la ville ukrainienne d'Odessa et liée à des affrontements entre manifestant philo-russes et des supporteurs du gouvernement de Kiev". Une formulation qui semble construite ad hoc pour ne pas laisser entendre aux lecteurs que le brasier fusse intentionnel, ni faire comprendre qui fussent les agresseurs et qui les victimes.
Mais l'Unità faisait beaucoup pire (et dont on ne ressent certes pas le manque), en allant jusqu'à adosser la responsabilité de l'incendie aux victimes : "Un nombre consistant de personnes ont perdu la vie dans l'incendie du siège des syndicats, mis à feu par les séparatistes philo-russes".
(cités par l'Huffington Post)
De cet événement le gouvernement de Kiev n'a jamais répondu.
Ce crime, ainsi que les pogroms et le régime de la terreur nazie dans tout le pays a été occulté par les médias occidentaux à leurs propres opinions publiques. Une désinformation qui d'un autre côté reprenait les points de presse de Kiev pour poursuivre l'attaque à la Russie.
C'est celui-ci le contexte dans lequel a commencé la Résistance en Novorossia avec la création des Républiques de Lugansk et Donetsk.
Pendant que par le développement d'une légitime réponse armée dans les régions à majorité russophone, le territoire ukrainien se remplissait de contractors occidentaux, Poutine en réalité a maintenu une position d'extrême équilibre.
La participation russe au conflit ukrainien est jusqu'à ce jour de l'ordre de quelques milliers de volontaires depuis la Russie, en tant que logique réponse des citoyens de ce pays au carnage à l'égard du peuple frère.
L'escalade pour déstabiliser la Russie de Poutine, s'est servie de deux outils essentiels : les sanctions, en un crescendo de secteurs et personnalités politiques et de l'économie russe frappées, et successivement de l'attaque économique et monétaire à l'égard du rouble (déclenchée par l'opération de diminution du prix du brut) dans le but de créer le mécontentement et l'instabilité envers le gouvernement de Poutine.
Le reste est l'histoire de ces semaines : une guerre dans l'est de l'Ukraine qui est en train de coûter plus de 50.000 morts, des civils pour la majorité. Une responsabilité d'une gravité inouïe pour l'Occident, la Maison Blanche et les gouvernements de l'Union Européenne.
Avoir donné le prix Nobel de la paix à Obame est comme avoir donné celui pour la médecine à Mengele.
Pourquoi tout ceci ?
Nous arrivons au coeur de la question. Car s'il y a une incongruité dans toute cette histoire, c'est dans l'attitude des pays européens. En effet, la cessation des rapports avec la Russie a fermé de fait les débouchés pour l'UE à un marché essentiel, les sanctions ont fait perdre des milliards d'euros à l'Europe. D'autre part, ce climat de guerre civile que qualifier de froide serait un euphémisme, a contraint la Russie a réorienter sa stratégie économique, financière et énergétique vers d'autres aires de marché comme la Chine, la Turquie et l'Inde. Mais ce qui est pire, le conflit ukrainien a rendu concrète la possibilité d'une guerre de l'Alliance Atlantique avec la Russie, une grande puissance nucléaire et militaire. Au-delà de cela : une troisième guerre mondiale.
Encore une fois les médias sont les protagonistes d'une oeuvre de falsification, cette fois sur la dangereuse portée de ce conflit, traité comme une guerre régionale comme celles qui avait eu lieu dans les Balkans. Une opération sur la perception même du réel danger à l'adresse des opinions publiques.
Il est évident comment les USA aient été le principal acteur de cette poussée vers la catastrophe belliciste aux dimensions mondiales. Cette escalade a été créée et imposée à ses alliés, par ceux qui aujourd'hui voient leur hégémonie vaciller dans une crise systémique aux dimensions planétaires, dans une compétition globale sur les marchés, sur le contrôle des ressources primaires, sur la suprématie du dollar mise en discussion par des puissances émergentes comme les BRICS.
Un choix criminel qui dépasse les équilibres internationaux sur lesquels s'est construite une paix entre puissances fondée sur la dissuasion nucléaire, sur une myriade de guerres locales, par procuration, sur la longue vague d'un keynésianisme désormais disparu et même au-delà de la fin du socialisme réel.
C'est celui-ci le passage qui ouvre à des scénarios inquiétants.
L'attaque à la Russie comme stratégie de contention de l'impérialisme européen
A la crise d'hégémonie les USA répondent en amenant deux guerres. En effet à l'Ukraine se joint l'Isis, le califat noir en pleine expansion depuis le Moyen Orient du triangle Irak, Syrie et Turquie à l'Afrique du Nord : une créature des services de l'intelligence de la Maison Blanche dans les pays OTAN et des pétromonarchies.
Deux guerres : l'une dans le continent son allié, le pôle impérialiste qui pouvait créer des problèmes sur les marchés et avec la monnaie. L'autre guerre, est en train de se dessiner plus clairement ces jours-ci en Libye, avec la création du califat de l'Isis à Syrte. Donc, encore l'Europe, avec son front au sud. Les deux pôles ont attrait aux flux énergétiques, gaz et pétrole vers le vieux continent. N'est-ce pas curieux ? Encore plus curieux si nous apprenons que 75% des infrastructures du gaz en Ukraine a été acheté par des compagnies états-uniennes. Ce qui signifie avoir les robinets du gaz sous la main. Il y en aurait assez pour demander des comptes de tout ceci à l'allié d'outre-océan. Et bien c'est le contraire. Tout se tait jusqu'au moment où la guerre contre la Russie devient une variante concrète du conflit ukrainien, soit, jusqu'à il y a deux semaines lorsque l'annonce de Kerry : nous donnerons les armes à Kiev, ne fait voler les Premiers des deux principaux pays européens, Allemagne et France (Mogherini réduite au rang de bibelot en dit long sur la faiblesse de la politique étrangère de l'UE) à Moscou et à Kiev et puis à Minsk pour remporter une trêve bien fragile et renvoyer ce qu'ils n'ont pas les moyens de différer à l'infini.
Mais pourquoi cette attitude subordonnée des partenaires européens ?
Parce que dans cette farce de démocratie occidentale, les gouvernements des pays européens sont des serfs organiques de Washington. De temps en temps ils montrent les dents en prétendant pour eux un peu de protagonisme comme la France. Mais dans l'ensemble ils acceptent tout, même le TTIP, le traité de libre échange entre l'UE et les USA qui liera l'UE mains et pieds aux multinationales états-uniennes. Ils sont un "dieu mineur" d'oligarques, d'élites capitalistes capables des pires massacres sociaux contre leurs propres classes travailleuses et populaires, mais incapables de construire une réelle autonomie économique et politique à l'égard des élites hégémoniques états-uniennes.
Cette subordination a trouvé son expression maximale dans la question ukrainienne, dans l'acceptation de l'éventualité d'un conflit sur grande échelle dans son propre continent.
La guerre est dores et déjà là
Nous pouvons tranquillement affirmer que putsch d'il y a un an à Kiev a cassé un tabou duré plus de 60 ans : celui de l'efficacité de la terreur. Qui est en train de mener cette partie très dangereuse sur la peau de milliards de personnes et de la planète, visiblement n'a pas compté avec un conflit thermonucléaire. Les apprentis sorciers de ce jeu très dangereux ont seulement l'intention de vider depuis l'intérieur le pouvoir de leurs adversaires, en espérant renverser qui aujourd'hui siège au Kremlin exactement comme cela a été le cas de Yanoukovitch. Mais paradoxalement leur agressivité donne plus de force au nouveau tsar de Moscou. Cela mènera ses adversaires à ajouter à chaque fois un pas de plus vers la guerre. Jusqu'au point de non retour.
Aujourd'hui, si vous avez remarqué, on ne parle plus de "missions humanitaires". La guerre est un mot bien défini, accepté, même exhibé comme possibilité tout à fait légitime. Une lexème quotidien qui rend tout à fait normale et possible cette éventualité.
Nous sommes déjà dans une ère de barbarie.
Les générations futures, si elles seront sorties de la réalité retournée de nos médias, où les victimes sont les bourreaux et vice-versa, considéreront ces gouvernants sur le même plan que les hiérarques nazis qui ont mené la communauté internationale à la seconde guerre mondiale.
Mais pour un second Nuremberg, si le genre humain sera encore là, nous devrons penser à bien autre chose qu'à un changement de gouvernement.
Ces états criminels, ces classes dirigeantes de nains irresponsables qui jouent en bourse comme sur les nombreux théâtres du conflit, sont à destituer par la plus ferme mobilisation populaire.
Carmilla on line est un webzine italien. La revue s'occupe surtout de critique littéraire et littérature en général, cinéma, politique et contre-information (avec une optique ouvertement de gauche radicale). Fondée par Valerio Evangelisti (qui en est le directeur éditorial), publiée originairement en version papier, la revue est devenue depuis 2008 l'une des références du mouvement littéraire New Italian Epic et du débat culturel qui tourne autour de lui.
Source :
http://www.carmillaonline.com/2015/02/18/il-vostro-futuro-e-una-nuova-norimberga/